Après un précédent épisode où nous revenions sur l’aventure de Titus Interactive, nous réitérons l’aventure autour du studio Deadline Games. Nous le rappelons, Rest In Play, c’est votre chronique qui retrace et synthétise des années d’existence dans une industrie en perpétuel mouvement. C’est aussi l’occasion de voir ce que sont devenus les créateurs de ces grandes sociétés, où se trouvent aujourd’hui ces rêveurs du passé qui ont donné leur maximum pour le monde du dixième Art, le jeux vidéo. Alors plongez avec nous dans l'univers du studio Deadline Games derrière la création du jeu Total Overdose.

La création du studio

Deadline Games voit le jour en 1996 au Danemark, dans sa capitale, Copenhague. L’entreprise est fondée par Chris Mottes. Deadline était une société de production télévisuelle professionnelle et internationalement reconnue lorsque, en 1996, le directeur créatif de la société, Simon Jon Andreasen, a insisté sur le fait qu'il était temps de réaliser leur rêve secret de produire des jeux. Deadline Games, naquît. Tous deux étaient des joueurs qui ne s’assumaient pas. C’est l’époque ou le jeu vidéo est encore marginalisé, ostracisé. C’est n’est pas encore perçu ni même reconnu comme un art, mais plus d’une arme d’abrutissement pour les plus jeunes. Mais voilà, eux, ils y croient et ils ont cette âme d’enfant qui les pousse à rêver. Ils investissent donc dans ce fameux département de jeux vidéo.

Ils analysent l’évolution des jeux sur PC et l’évolution exponentielle de la Playstation, la première machine de Sony. Leur font réellement croire au fait que ce marché, allait s’ouvrir au delà des enfants et des adolescents mais devenir une véritable industrie touchant tous les publics. C’était, selon eux aussi, la dernière chance de pénétrer sur le marché au moment où les barrières à l’entrée étaient encore raisonnables. En l'espace de six mois, la nouvelle division jeux vidéo de la société est passée de 3 à 15 employés (Une époque où faire des jeux à moins de 20 personnes était encore possible) et, en l'espace d'un an, il était évident que la volonté dominante de la société était de produire des jeux plutôt que des programmes de télévision.

En 1997, Deadline s’associe à TATI (pas notre défunte enseigne Française) mais une boite suédoise, pour former une société d'édition appartenant à des développeurs, Vision Park Entertainment AB. La division télévision est vendue et ils décident de se concentrés à 100% sur les jeux et le divertissement interactif.

Chez Vision Park, Chris Mottes a siégé au conseil d'administration et travaillé en tant que vice-président du développement interne, responsable de la mise en place du département de développement qui comptait 130 personnes, réparties dans quatre studios de développement de jeux, un studio de divertissement en ligne, un studio de divertissement d'entreprise et un studio de télévision interactive à Oslo, Stockholm, Göteborg et Copenhague. Il restera dans ce rôle en tant que membre de l'équipe de direction de Vision Park jusqu'en mars 2001, en faisant entrer la société en bourse et en la faisant passer de trente employés, avec un chiffre d'affaires de 3 millions de livres, à cent soixante-dix employés, avec un chiffre d'affaires de 20 millions de livres.

Au cours de cette période, Vision Park a distribué en exclusivité des jeux dans toute la Scandinavie pour plusieurs grands éditeurs de jeux internationaux, dont Codemasters, Eidos, Activision, InterPlay, Virgin, Empire, Blue Byte, Aviva et SCI. 

De 1997 à 2000, Vision Park a été cotée en bourse et est passée de trente employés, avec un chiffre d'affaires de 3 millions de livres, à deux cents employés, avec un chiffre d'affaires de 25 millions de livres, dont un département de développement de 130 personnes, réparties dans quatre studios de développement de jeux, un studio de divertissement en ligne, un studio de divertissement d'entreprise et un studio de télévision interactive à Oslo, Stockholm, Göteborg et Copenhague. Au cours de cette période, Vision Park a distribué en exclusivité des jeux dans toute la Scandinavie pour plusieurs grands éditeurs de jeux internationaux, dont Codemasters, Eidos, Activision, InterPlay, Virgin, Empire, Blue Byte, Aviva et SCI.

L’apogée du studio

En mars 2001, le directeur créatif Simon Andreasen et le CEO, Chris Mottes décide de procéder à une reprise en main de leur studio d'origine, Deadline Games, dans le but de passer au développement de produits originaux pour le marché mondial des consoles. Forts de leur expérience en matière de production cinématographique, Ils ont structuré la société de manière à promouvoir une synergie entre le développement créatif et une gestion de projet solide.

Ils passent les années 2001/2002 à terminer les projets en cours et à développer de nouveaux concepts pour les plateformes PS2/Xbox tout en développant leur outil de développement d'éditeur propriétaire afin de créer un environnement de développement unique où toutes les compétences ont un accès direct au produit final. En 2003, ils signent avec Take Two label Gathering pour livrer leur premier jeu pour console, Total Overdose , un jeu de tir et d'action se déroulant au Mexique et inspiré de la trilogie Desperado de Robert Rodriguez. Le jeu a été publié en 2005 par Eidos et a été très bien accueilli par la critique (Gathering a été fermé par Take Two au début de 2005).

En décembre 2005, Deadline Games est réintroduit en bourse, la bourse de Copenhague plus exactement. Désireux de financer la croissance des diverses équipes, le développement de nouveaux concepts et la mise au niveau technologique pour les nouvelles consoles qui allaient paraître. 

En 2006, Chris Mottes et Simon Andreasen réalisent un nouveau rêve, après des années en quête du partenaire idéal, ils s’associent avec le producteur Hollywoodien Donald Kushner. Pour le développement d’un jeu basé sur la traque et capture du baron de la drogue, Pablo Escobar telle qu’elle a été vécue par l’officier responsable des forces secrètes colombiennes et l’officier responsable du bureau local de la DEA/CIA, qui assurait la liaison avec les forces colombiennes et les forces secrètes américaines. Donald Kushner a une grande expérience dans la réalisation de films d’action à Hollywood, parmi ses projets notables qu’il a pu produire nous retrouvions Tron. Première sortie simultanée d'un film et d'un jeu. Mais aussi Monster ayant remporté un Oscar. C’est aussi un homme ayant collaborer avec des acteurs comme Wesley Snipes, Steven Seagal, Jean-Claude Van Damme.. 

(Source : deadline games..) 

La fin du studio 

Hélas, après ces belles années, vint la tempête.. L’industrie du jeu vidéo est saturée, et immense, suivre la cadence et lutter en tant que petit studio est un défi dévastateur, la trésorerie est au plus bas et la société est au bord de la banqueroute si ils ne réussissent pas à trouver de nouveaux partenaires.

Un contrat avec Warner leur léguant le projet du jeu Watchmen - The End Is Nigh (sortie le 04 mars 2009) met le studio en sursis et leur permet de respirer le temps du projet. Mais voilà, le projet arrivant à terme et le contrat avec la Warner se terminant, le studio est de nouveau en situation dramatique. Il rend son dernier souffle quelques mois seulement après la sortie du jeu, en fin 2009. Deadline Games ferma définitivement ses portes, restera dans nos esprits et sur nos écrans, leur passion débordante pour les jeux vidéo.

Chris Mottes, le CEO se confie à notre site en disant ceci : « Mon travail consistait simplement à essayer de créer un espace créatif où l'équipe pouvait développer des jeux. Mon collègue Simon Andreasen était le directeur créatif et était beaucoup plus important pour les jeux que nous développions. J'ai quitté l'industrie du jeu après Deadline. Pour être honnête, à l'époque, l'industrie était toxique, les éditeurs étaient les gardiens de l'accès aux jeux disponibles sur les consoles et ils ne finançaient pas nécessairement les jeux uniquement sur leur mérite créatif. Je pense que si l'iPhone était arrivé juste un an plus tôt, nous aurions pu nous tourner vers cette plateforme et survivre, mais nous avons toujours voulu faire de grands jeux créatifs sur consoles. »

Entretien exclusif avec Simon Adreasen (Directeur Créatif)

Quel était votre rôle chez Deadline Games ?

Mon rôle était celui de fondateur et de directeur créatif, puis j'ai dirigé cinq de nos jeux.

Pouvez-vous nous dire comment est née l'aventure ? (La création du studio, sa philosophie, son ambition initiale.) 

Deadline Games est issu de notre société de cinéma et de télévision Deadline Film. Au milieu des années 90, nous avons reçu une subvention du ministère de la culture du Danemark pour développer un jeu basé sur une histoire. Cela nous a conduits à faire des jeux indépendants ainsi que des jeux commerciaux et finalement des jeux triple A.

L'ambition de l'entreprise était de créer nos propres IP (nouvelles licences de jeux vidéo) et univers. Le style des jeux était axé sur l'art et nombre d'entre eux avaient un aspect très stylisé, proche du roman graphique.

Le seul jeu que nous avons créé qui n'était pas notre univers original était Watchmen, basé sur l'un de mes romans graphiques américains préférés de tous les temps. Cela correspondait très bien à notre profil et à notre style. Mélanger la narration avec un look graphique adulte fort.

Au sommet de Deadline Games, combien d'employés comptiez-vous ? 

Nous étions près de cent lorsque nous faisions nos jeux triple A.

Quel a été votre projet préféré ? 

C'est difficile à dire. Nous étions très fiers de tous les jeux que nous avons créés. Et chaque nouveau jeu que nous avons créé est devenu notre préféré. Total Overdose était notre dernier jeu original et je sais que les développeurs qui ont travaillé sur ce jeu y ont consacré beaucoup d'efforts et que nous y jouons toujours.

Total Overdose est l'un de mes jeux préférés du studio, comment l'idée est-elle née ? 

Total Overdose est né de l'idée de créer un univers exotique mais familier et convivial pour les Américains.

Le Mexique et la folle scène de la drogue ont été évoqués lors de notre brainstorming interne. Ce qui a également conduit à l'idée de créer un jeu inspiré des films d'action. Ma connaissance des films d'action était limitée, mais l'un de nos concepteurs de jeux était un fan de films d'action. Il a dressé une liste de films d'action et j'en ai regardé au moins vingt. Ceux qui m'ont le plus marqué sont les films d'action drôles où l'action est exagérée. Comme Face Off, plusieurs films de Hong kong et bien sûr les films mexicains de Robert Rodrigues comme Mariachi et Desperado.

C'est dans cet esprit que nous avons commencé à travailler sur les mécanismes du jeu. Au début, les mécanismes étaient très GTA, mais au fur et à mesure que nous les avons testés, les contrôles de type GTA étaient trop lents et pas assez fous. Nous avons donc commencé à développer un gameplay de jeu de tir de sport extrême, fortement inspiré par le jeu de snowboard SSX Tricky et Tony Hawk. Nous avons mélangé le tout avec un jeu de tir en temps réel à la Max Payne. Notre mission était de faire en sorte que le gameplay ne se limite pas à tirer sur le plus grand nombre de personnes possible, mais plutôt de tirer avec style.

Parlons de Watchmen: The End Is Nigh, comment ce projet a-t-il vu le jour ? 

Suite au succès de Total Overdose, nous avons été invités par les principaux éditeurs de jeux à nous présenter pour les grandes franchises. Avec une petite équipe de développement dirigée par moi, nous avons développé de grandes idées de jeux pour des franchises extraordinaires comme Sonic, Fifa et bien d'autres. Nous avons également développé des idées pour des titres moins flatteurs comme 50 cent bullet proof, dont je suis très heureux qu'il ne se soit pas produit. Et puis un jour, Warner nous a demandé de faire un pitch pour Watchmen. J'ai été totalement frappé par cette idée. Parce que je suis un grand fan de romans graphiques et que Watchmen est probablement la mère des romans graphiques américains modernes.

Mais nous devions faire le pitch rapidement. Et ils avaient demandé à deux autres sociétés de développement très prospères de se présenter également.

Et c'était une présentation difficile. Warner voulait que le jeu sorte le jour même de l'adaptation cinématographique des Watchmen par Zack Snyder. Et nous n'étions pas autorisés à utiliser une histoire de la bande dessinée. Pour rendre les choses encore plus difficiles, nous n'étions pas autorisés à voir le moindre élément du film.

Mon équipe de développement s'est alors mise au travail. J'ai trouvé une image dans la bande dessinée qui était emblématique de l'histoire. Dans cette image, Rorschach et Night Owl parlent du bon vieux temps où ils étaient des super-héros populaires. Et dans cette image de la BD, on ressent vraiment la grandeur du passé et d'une amitié perdue. Cela a donné à Med l'idée que nous pourrions faire un préquel. Qui pourrait commencer avec eux étant des héros et ensemble. Et au cours du jeu, ils s'éloignent les uns des autres. Ce développement de personnage est fort. Et cela a conduit à l'idée que vous pourriez jouer chaque niveau comme l'un ou l'autre et utiliser cette séparation comme une sensation de conduite dans le jeu.

En ce qui concerne le style artistique, mon artiste conceptuel préféré de tous les temps, Jan Ditlev (https://www.behance.net/JANDITLEV), a découvert que son grand héros, le concepteur de production Alex McDowel, travaillait chez Zack’s movie. Jan a donc analysé les travaux d'Alex et a ensuite réalisé une série de dessins conceptuels pour le jeu, comme il pensait qu'Alex l'aurait fait.

Après deux semaines de travail, la Warner est venue nous rendre visite et après la présentation, nous avons été embauchés immédiatement. Ils ont adoré notre approche de l'histoire et du gameplay. Et ils ont été totalement choqués quand ils ont vu le concept art qui n'était pas seulement dans le même style que le film, mais l'une des images que Jan a faites était 100% identique au premier concept art qu'ils ont publié quelques semaines plus tard pour le film.

Comment s'est passée la fin du studio, pouvez-vous nous dire comment vous l'avez vécue de l'intérieur ? 

En fait, je suis parti pendant le deuxième jeu Watchmen. Warner était difficile et l'industrie limitait beaucoup la liberté de création. Et nous avions beaucoup de mal à concurrencer les développeurs américains en raison du dollar bon marché. Tout cela nous a mis dans une situation où nous avons dû licencier un tiers du personnel. J'étais prêt à me lancer dans de nouvelles aventures et j'étais fasciné par le marché émergent des jeux pour mobiles/tablettes et en ligne. La société s'est donc lentement réduite et c'est avec tristesse qu'elle a fermé ses portes. Pour beaucoup de personnes, Deadline était leur premier emploi.

Mais bien sûr, ils ont tous été très vite happés par d'autres développeurs et certains ont créé leur propre entreprise, qui est aujourd'hui florissante. Allez voir Ghost Ship Games. Ils sont étonnants. Et comme vous pouvez le voir dans leur logo, ils ont gardé le crâne du logo de Deadline. Peut-être en hommage au passé.

Aujourd'hui, êtes-vous toujours dans l'industrie du jeu vidéo ou l'avez-vous quittée ? 

Je suis maintenant à la tête de l'académie nationale du jeu. Je partage mon expérience et j'aide les nouveaux développeurs et les étudiants de plus de quatorze universités et écoles d'art.

Jouez-vous toujours aux jeux vidéo ? Si oui, quel est votre jeu vidéo marquant ? 

J'aime les jeux. Et je trouve qu'à l'inverse des années 0, la distribution numérique a rendu normal la création de grands jeux originaux. Mon préféré est probablement Journey. Mais nos compatriotes danois de Playdead, qui ont créé Inside et Ghost ships Deep rock Galactic, figurent également en bonne place sur ma liste. Et puis la vraie scène indépendante est si étonnante (comme Disco Elysum, Fire Watch, Hotline Miami, Obra Dinn, Papers Please et Florence). La liste est si longue. En ce qui concerne les jeux triple A, j'aime toujours God of War, la série Assassin's Creed et Last of Us.

Attendez-vous un jeu ces temps-ci ?

Le jeu que j'attends le plus est Homeworld 3. Je suis impatient.

Avez-vous eu l'occasion de jouer aux consoles de nouvelle génération (Playstation 5/Xbox Series X/S) ?

Je dois l’avouer, non..

Avez-vous une anecdote qui vous a marqué pendant vos années chez Deadline Games ? 

Une anecdote que je n'ai pas mentionnée est que Chris Mottes (notre PDG) et moi avons rendu visite à Robert Rodrigues dans son studio de cinéma au Texas. Il nous a montré les étuis de guitare de mitrailleuse de desperado que nous copions dans Total Overdose.

J'avais un peu peur de sa réaction. Mais il m'a dit qu'il était fier que nous l'ayons cité dans le jeu auquel son propre fils jouait. Et son fils était un grand fan de notre jeu. Et cela nous a vraiment rendus fiers.

Nous remercions chaleureusement les intervenants de notre série qui font de Rest In Play une chronique si particulière. Merci à eux pour leurs réponses et leur temps offert. Retracer l’histoire de leurs studios ne serait pas aussi enrichissant sans eux. 

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