C'est l'arlésienne ultime du DCEU depuis presque une dizaine d'années : The Flash, signé Andrès Muschietti, est arrivé dans les salles pied au plancher après une gestation compliquée, pour ne pas dire chaotique. Warner et DC peuvent-ils compter sur le Bolide Écarlate et sa myriade d'invités surprise pour revenir au statu quo, et ainsi permettre à James Gunn et Peter Safran de repartir du bon pied sur des bases saines ? Tentative de réponse dans 3, 2, 1...

The Flash : la critique du film DC

Production bordélique, enfer de développement, star ingérable, The Flash a frôlé de près l'annulation à plusieurs reprises et devant le résultat final, on se demande parfois s'il n'aurait pas mieux valu. Mais que voulez-vous ? Avec de telles sommes en jeu (220 millions de dollars, sans compter le budget de communication), le dernier film du DCEU ne pouvait décemment pas être relégué au fond d'un placard auprès du canceled Batgirl. D'autant que ce film doit servir, selon les sources-mères, de reboot à l'entièreté de la saga DC au cinéma qui se poursuivra cet été avec Blue Beetle et Aquaman 2 cet hiver, et avant l'arrivée d'un nouveau Superman. Sauf que dans les faits, pas vraiment.

Flash Coordonne ?

Qui est Barry Allen (Ezra Miller) ? Le Flash, un éminent criminologue le jour qui, grâce à un incident l'ayant pourvu de la Force Véloce (ce pouvoir lui permettant de se mouvoir à la vitesse de l'éclair) devient un super-héros quand le monde est en danger. Qu'arrive-t-il à Barry Allen ? Au détour d'un sprint, il découvre qu'il est capable, s'il court assez vite, de remonter le temps et de changer le cours du destin. Que veut Barry Allen ? Se servir de ce don miraculeux pour changer son passé et sauver sa mère d'un assassinat qui a condamné injustement son père à la prison. Quelles conséquences pour Barry Allen ? L'altération irrévocable de l'espace-temps, convergeant en une collision d'univers parallèles où les métahumains (ses amis de la Justice League, Superman et consort) n'ont jamais existé. Décidé à corriger le tir, le jeune héros va s'adjoindre les services de son double issu de cette nouvelle réalité, sans pouvoir et bien moins futé, d'une Supergirl (Sasha Calle) retenue captive, et de son proche ami Bruce Wayne (Michael Keaton) dans une version bien plus âgée et désabusée du milliardaire qu'il connaît si bien (Ben Affleck). Une équipe de choc à même de contrer le retour d'un vieil ennemi et d'une menace encore plus immense pour le multivers tout entier.

Notre héros, seul... c'est rare.

On le sait, le multivers est devenu l'argument de com' le plus pupute du divertissement actuel. Il permet d'assouvir des fantasmes de fans et de s'assurer que les spectateurs viendront retrouver leurs héros dans les salles, qu'ils proviennent de sagas actuelles, du passé ou même d'autres médias. Une bonne histoire ? C'est accessoire. Si Ant-Man et la Guêpe : Quantumania en a fait les frais en attendant d'investir le concept pour ses futurs films Avengers, seul Spider-Man: Accross the Spider-Verse tire sur ce terrain son épingle du jeu, d'une part car la singularité de l'animation suit le mouvement, mais aussi de bonnes intentions, libérées du besoin compulsif de sérialiser, rebooter, rattraper les pots cassés. Et dans ce domaine, DC et Warner sont les champions. Et ce n'est pas The Flash qui va sauver l'univers, loin s'en faut.

Flashé à 200 à l'heure

Sur sa durée pourtant confortable de 2h24, le film d'Andrès Muschietti s'efforce de faire tenir action, humour, émotion, caméos et la cohésion d'un univers déjà mort aux yeux du spectateur depuis l'atroce Justice League plié par Joss Whedon. En découle forcément un film dont les enjeux, aussi énormes sur le papier que minces dans l'exécution, s'effacent très largement devant l'ampleur du foutoir, la surprésence d'easter eggs et de personnages additionnels supposés maintenir notre intérêt. Soyez prévenus, sans avoir suivi le DCEU depuis Man of Steel, les divers arcs narratifs de The Flash risquent fort de vous passer bien au-dessus du ciboulot : du retour des kryptoniens du général Zod (Michael Shannon, en pilote automatique), aux quelques rapports entre Barry et ses amis, tel que Batman (Ben Affleck, peu présent, fait le café dans une très bonne scène de poursuite à moto, mais semble vouloir tout faire pour partir très vite de là), ou même ses amourettes (Iris West, incarnée par Kiersey Clemons, l'amour de toujours du Bolide Écarlate, n'est qu'une vague présence n'aboutissant à rien de concret autre que faire de l'exposition paresseuse autour du héros). En outre, si l'on est embarqués dès le départ dans une séquence d'action haletante lancée à tombeau ouvert, le film semble par la suite peiner à suivre le mouvement et égaler celle-ci en intensité. Un constat fort regrettable, lorsqu'on découvre en fait et pour la première fois Flash dans toute l'ampleur de ses superbes capacités, porté par un Ezra Miller fort convaincant et qui passe le plus gros du film à se donner lui-même la réplique, offrant ainsi deux visages à son protagoniste, certes cabotin, mais parfois très intense. À ce titre, si l'on garde en tête les nombreux déboires de l'acteur et les problèmes psychologiques auxquels il a fait face, les séquences de dialogues entre les deux Barry, se jugeant et se jaugeant sans arrêt sur leur comportement, leur vécu, leurs aspirations respectives, sont hautement évocatrices, voire extrêmement chargées par moment, ce qui ne fait qu'ajouter à la fascination que le film exerce parfois bien malgré lui sur notre esprit.

Si la case du pur divertissement se remplit plutôt agréablement, le script en lui-même, en plus d'être extraordinairement prévisible en tous points, se veut plutôt déséquilibré, entre séquences d'action et quête intimiste hautement linéaire, où il s'agit d'aller récupérer des héros dans plusieurs coins afin de déjouer les plans d'un vilain et de sauver l'univers, le tout ponctué de divers petites blagounettes. Le second chapitre de ÇA (2019) l'avait déjà allègrement prouvé : Andrès Muschietti n'est pas du genre à faire dans la finesse niveau humour, et si certaines punchlines font mouche, force (véloce) est de constater que l'hilarité provoquée repose avant toute chose sur le double de Barry Allen, à base de rires débiles d'adolescent en train de muer, et sur la maladresse généralisée du héros original (une phase en particulier, où il perd momentanément ses pouvoirs est d'ailleurs tout à fait croustillante) ; voire de rebondir à l'occasion sur des références un peu faciles à la pop-culture (Retour vers le futur, si tu nous lis). Quelque chose de relativement léger, surtout quand on pense aux multiples possibilités offertes par un tel personnage, aussi bien en termes d'écriture que cinématographique.

Bouillie numérique

Sur ce point, Muschietti plie la commande au mieux, sans rien révolutionner, ni proposer quoi que ce soit de neuf – le pauvre gars ayant été embarqué dans l'affaire alors que le projet prenait déjà l'eau de partout, on ne saurait trop lui en tenir rigueur. Cependant, et c'est là que le bât blesse le plus sur cette itération du comics Flashpoint : les effets spéciaux sont d'une épouvantable laideur. En particulier lors des voyages dans le temps, à croire que les films Doctor Strange ne sont pas déjà passés par là pour indiquer à la fois ce qu'il faut faire, et ce qu'il ne faut surtout pas faire. Souvenez-vous de la doublure menton d'Henry Cavill dans le Whedon cut de Justice League ; multipliez-la par environ six fois plus de plans d'effets spéciaux, et vous obtiendrez l'ampleur de la gêne. Avec tout le temps et les retards subis par The Flash (quelle ironie, quand on y réfléchit), difficile d'imaginer que personne ne se soit levé lors d'une des projections tests pour s'en plaindre avec outrance. Le résultat est tout bonnement dégueulasse. Et même si certains clins d'œil et autres caméos n'auraient pas pu être possibles sans avoir recours à l'image de synthèse (l'immondice du procédé est encore plus flagrante quand ils s'enchainent les uns derrière les autres), les faits sont là : The Flash est sans aucun doute possible l'un des blockbusters les plus hideux de la dernière décennie et ça fait mal au derche.

100% vraie viande de pixels

I'm Batman

Les caméos, parlons-en d'ailleurs : retirez-les, et le film n'a presque plus rien à dire. Certes, la présence de Michael Keaton, de retour en Batman plus de trente ans après sa première apparition chez Tim Burton dans son film déjà légendaire, fait extrêmement plaisir, mais elle ne se fait pas sans une certaine vanité de la part de Warner Bros, qui sait définitivement où taper pour prendre le spectateur dans le sens du poil, citant allègrement son thème musical et jouant sur les apparitions de ses mythiques gadgets – mention spéciale pour le batwing, ici merveilleusement exploité et mis à jour dans une intense bataille, malheureusement surchargée en effets spéciaux indigestes. De fait, ce cher Keaton semble mal s'adapter aux combats de super-héros modernes, comme s'il avait été entré aux forceps dans des scènes d'action où il n'a strictement rien à faire et où on doute qu'il puisse in fine servir à quelque chose ; à part envoyer du one-liner tiré de ses anciennes heures de gloires chez Burton – dont l'en-tête ci-dessus, naturellement.

Pour ce qui est de ne servir à rien, la Supergirl de Sasha Calle se pose elle aussi là, alors que son charisme, tout comme celui de Keaton, ne fait pas le moindre doute. Mais la pauvre n'a malheureusement pas le temps d'être développée en aucune manière que ce soit autrement que par le biais de scènes de combats et l'exposition de ses immenses pouvoirs. Un résultat hautement frustrant, qui nous laisse nous demander si la comédienne sera celle qui reprendra la cape dans le futur Supergirl: Woman of Tomorrow, prévu dans le DCU sous l'égide de James Gunn. Bref, on demande à en voir plus, car l'apport de ces deux personnages pourtant centraux se limitent à de la pure débauche d'accessoires et de coups portés, parfois engoncés dans des doublures numériques aussi rigides que le bat-costume de l'ami Keaton. Citer à outrance ne rend aucunement service à The Flash, le film comme le personnage, qui ne tient le cœur du récit qu'en étant présent en double exemplaires à l'écran.

La pêche à la chauve-souris ramène vos fans dans vos filets

La mort du super-héros ?

Est-ce à dire que The Flash n'a aucune qualité ? Certes, non. On l'a bien dit, le film est fort divertissant, les quasi 2h30 ne se sentent majoritairement pas, et certaines touches d'humour fonctionnent très bien. Par ailleurs, la fin du film fait le choix courageux de ne pas tout reposer sur l'action tout azimut, et le conflit se règle avant tout dans le dialogue, le drame et une sincère émotion qui ne saurait laisser insensible, car après tout, Ezra Miller parvient avec brio à véhiculer les troubles de son personnage, et si le film avait fait le choix de ne pas faire intervenir la carte multivers et la nostalgie gratuite, il se serait davantage focalisé sur le speedster et ses grandes responsabilités.

The Flash est encore un film malade, et d'aucuns prédisent déjà qu'il est le premier clou enfoncé dans le divertissement super-héroïque, marquant ainsi la disparition prochaine du genre au cinéma. La prophétie est sans doute exagérée, les héros ont encore probablement de beaux jours devant eux, mais il est amusant de constater que ce récit traitant de nouveau départ et d'annihilation d'univers entiers arrive à ce point précis du temps, où les divertissements de super-héros voient leur cote baisser inexorablement. Ces projets nécessitent maintenant moins de quantité et plus de soin. Mais le statu quo n'est pas revenu pour autant en fin de métrage et on se demande si le Bolide Ecarlate tiendra, oui ou non, Ezra Miller ou pas, une place future au sein des projets de Gunn et Safran. Pour enfin courir de ses propres pieds, comme il le mériterait.

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