Batman fête cette année ses 80 bougies et en profite également pour célèbrer le 1000e numéro de sa revue natale, Detective Comics. Créé sur la vague du succès de Superman, il en sera également tout l’opposé. Là où Superman est un héros positif, idéaliste, lumineux, Batman est un justicier vengeur, qui opère la nuit et dans les recoins les plus sombres de l’âme humaine. Retour sur la carrière du héros le plus populaire de DC Comics.
Le plus grand des détectives
Tout débute donc avec Detective Comics, magazine commencée depuis 1937 et spécialisé dans les bandes d'intrigues policières. Troisième revue à naître sous la houlette du Major Malcolm Wheeler-Nicholson, déjà créateur de New Fun Comics et New Adventure Comics, c’est aussi la première à se spécialiser. Jusqu’ici, les revues de BD étaient plutôt généralistes, mélangeant allègrement bandes d’aventures, d’humour ou d’adaptation littéraires. Vince Sullivan, le responsable éditorial appointé par Wheeler-Nicholson, s’inspira du modèle des pulps, ces revues de fictions bon marché, qui avaient commencer à segmenter le marché entre plusieurs genres. Il fit appel à Jerry Siegel et Joe Shuster pour produire la bande principale, “Slam Bradley”. Cette revue possède également un intérêt particulier puisque c’est elle qui permit à Harry Donenfeld, imprimeur, et son comptable, Jack Liebowitz, de prendre des parts de la société du Major, puis de le déposséder complètement de ses magazines. La société Detective Comics, Inc naquit sur ses bases polémiques, et devint, bien plus tard, DC Comics.
Entre-temps, la firme lança un quatrième magazine, Action Comics, avec Superman en vedette. Avec ce personnage, Jerry Siegel et Joe Shuster posèrent les bases du genre super-héros, cet être costumé aux capacités au-delà de la norme, qui devient rapidement un succès au-delà des espérances de Donenfeld et Liebowitz. Avec le succès de Superman, Vin Sullivan demande à ses auteurs de penser à de nouveaux super-héros qui pourrait peupler les autres revues de l'éditeur, notamment Detective Comics.
Une première tentative de capitaliser sur ce succès se fera dans le numéro 20 d'octobre 1938 avec l'introduction de Crimson Avenger, justicier masqué qui tient plus de Green Hornet ou du Shadow que du héros kryptonien. Identité secrète, jeune assistant, pistolets à gaz en guise de gadgets, le Crimson Avenger de Jim Chambers balisera la voie pour Batman en établissant les tropes du vigilante masqué dans la BD.
Le personnage ne trouvera pas le succès, mais Sullivan ne démords pas et parle, un vendredi, de son projet à Bob Kane. Celui-ci promet de revenir avec une proposition le lundi matin.
Originaire de New York, Kane (de son vrai nom Robert Kahn) a fréquenté l'école DeWitt Clinton, puis la Cooper Union où il a appris le dessin. Depuis, il hante les publication de la firme. Essentiellement des bandes d'humour comme "Ginger Snap", "Oscar the Gumshoe" ou "Professor Doolittle", mais aussi d'aventures comme "Rusty and his pals" ou "Clip Carson". Pour ces dernières, il a engagé un de ses condisciples de la DeWitt Clinton, rencontré lors d'une fête, Bill Finger, qui lui sert de nègre littéraire. Durant ce fameux week-end, Kane imagine un héros masqué nommé Bird-Man. Blond, ne portant qu'un simple masque autour des yeux et portant un costume rouge, dont la principale originalité est la paire d'aile à la Leonard De Vinci. Il montre ses croquis à Finger, qui lui suggère plusieurs changements (le nom, le masque, les couleurs du costume) et qui amène à la création du Bat-Man tel que nous le connaissons. Kane propose donc ce personnage à Sullivan dès le lundi, qui accepte l'histoire. Le contrat signé dans la foulée ne mentionne que Kane comme créateur, ce qui n'empêche pas ce dernier d'utiliser Finger comme scénariste.
Finger écrit donc le premier épisode et pose les prémisses de l'univers du Bat-Man. Publié dans Detective Comics #27 (sorti le 30 mars 1939, mais daté de mai), la première histoire met en scène le commissaire James Gordon et son ami, Bruce Wayne, jeune héritier nonchalant, dans une enquête sur des assassinats de magnats de l'industrie. Bien évidemment, Wayne disparaît bien vite pour laisser place au Bat-Man qui déjoue les pièges du meurtrier (cage en verre pleine de gaz inclue) et le balance dans une cuve d'acide sans remords, ni regrets.
Contrairement à Siegel et Shuster qui ont mûri leur Superman pendant cinq années, Kane et Finger n'ont eu que quelques jours pour imaginer leur héros. Leurs modèles sont donc plus bruts de décoffrage et reconnaissables. Finger est un gros lecteur de pulps et il en fera sa principale source d'inspiration. Le nom du commissaire James Gordon est ainsi déjà celui du héros d'une série de pulps de 1936, The Whisperer. Il lorgne également beaucoup du côté du Shadow, au point de puiser son intrigue générale dans le récit "Partners in Peril", lui aussi de 1936. Côté graphique, Kane s'inspirera des films The Mark of Zorro de Fred Niblo et The Bat Whispers de Roland West pour peaufiner son personnage de justicier de la nuit. D'une manière générale, il n'hésitera pas à pomper postures et looks d'autres illustrateurs plus doués que lui afin de gagner du temps. Le succès est en effet au rendez-vous et il va falloir accélérer la cadence de production.
À suivre : Bienvenue à Gotham !