Le Comics Code est une notion à part entière de l’histoire des comics. S’il est désormais abandonné, il a néanmoins été (plus ou moins) appliqué durant de nombreuses décennies chez tous les éditeurs mainstream. La rédaction de Superpouvoir vous propose via une longue série d’articles de revenir sur cette histoire aux rebondissements multiples. Aujourd’hui, après un état des lieux des comics de l’époque, nous allons vous parler d’un genre particulier : les Crime Comics et les comics d’horreur.

Épisodes précédents :

Lev Gleason, un éditeur qui partage

Les Crime Comics sont apparus relativement tôt, puisque c'est en 1942 que l'éditeur Lev Gleason propose la série mensuelle Crime Does Not Pay. Lev Gleason n'est pas véritablement un éditeur comme les autres. Proche des milieux d'extrême-gauche, il n'hésite non seulement pas à mettre le nom de ses artistes sur les couvertures (ce qui ne se faisait pas du tout à l’époque) mais partage de plus les profits réalisés par son entreprise avec ces derniers. La stratégie de cet éditeur est radicalement différente de celle de Timely ou de National. Plutôt que d'inonder le marché afin d'occuper le terrain chez les distributeurs, il préfère ne publier qu'une petite demi-douzaine de séries, assez bien réalisées et toujours dans l'air du temps afin de fidéliser un lectorat qui les rend finalement rentables. Certains de ces magazines comme Daredevil ou Boy Comics atteignent d'ailleurs régulièrement le demi-million d'exemplaires. Réalisé en grande partie par Charles Biro et son ami Bob Wood, Crime Does Not Pay se veut une anthologie constituée d'histoires de gangsters un peu plus longues que le format de dix pages classique à l'époque. Le titre débarque dans les kiosques au numéro 22, prenant la place et la numérotation de Silver Streak Comics, ce qui est une habitude chez les éditeurs de l'époque qui préfèrent sortir de nouveaux titres avec une numérotation élevée afin de montrer au lecteur que le magazine est "stable". Une véritable hérésie de nos jours.

Dès le début de la série, Gleason et ses artistes prennent un malin plaisir à indiquer que les aventures contenues à l'intérieur sont basées sur des faits réels, tirés d'articles de journaux ou de rapports de police. On peut ainsi lire dans les tout premiers numéros "l'histoire vraie d'Al Capone" ou encore la vie du mafioso Lucky Luciano.

Afin d'éviter toute accusation de banalisation du crime et de la violence, Gleason assène inlassablement aux lecteurs à chaque fin de volume que la revue est publiée avec l'approbation des forces de police. Ces dernières se fendent d'ailleurs régulièrement en dernière page d'une petite missive écrite par un inspecteur ou un commissaire félicitant l'éditeur pour sa publication. Comme dans les feuilletons radiophoniques de l'époque (dont la revue est grandement inspirée) chaque histoire est présentée par un narrateur récurrent baptisé Mr Crime. Cette notion d'hôte régulier sera bien évidemment réutilisée de nombreuses fois au cours des décennies, notamment par les anthologies d'horreur comme Creepy. Elle sera même adaptée à la télévision dans des séries telles que Twilight Zone ou encore Alfred Hitchcock Presents.

Création du Comics Code

Crime does not Pay, Dark Horse Archives

Gangster mon amour

Cet attrait du public pour les grands gangsters peut paraître assez surprenant puisque ces derniers ont quasiment tous disparu à la fin de la prohibition et que les États-Unis vivent une époque plutôt tranquille au niveau de la criminalité. Il peut tout de même facilement se comprendre si l'on considère l'impact que ceux-ci ont laissé, par le biais des feuilletons radiophoniques et des pulps, dans l'inconscient collectif Américain. Les gangsters des années 30 sont devenus des icones populaires du patrimoine culturel et il n'est donc pas étonnant que les comic books s'en emparent. Crime Does Not Pay devient ainsi en quelques années le porte-drapeau de toute une série de comics de gangsters basés au départ sur des histoires vraies, mais qui dérivent petit à petit vers de la fiction pure et simple. Leur multiplication n’est pas un hasard puisqu’ils reprennent tout simplement la place laissée vacante par les pulps, des romans pas très chers, qui ont lentement disparu des stands depuis la fin des années 40. Le scénariste-dessinateur Charles Biro, toujours animé par une forte conscience sociale, profite d'ailleurs de cette ambiance urbaine et réaliste pour développer le plus possible ses idées et ses opinions sur les origines de la violence et les travers de la civilisation moderne.

À la fin de la guerre le succès de Crime Does Not Pay engendre l'apparition de dizaines de titres contenant tous le mot "crime" comme Crime Must Pay The Penalty (Ace Comics), True Crime Comics (Magazine Village) ou encore Crime by Women (chez Fox). Gleason, conscient de la manne éventuelle que peut lui procurer ce type de publications décide d'ailleurs de ne se consacrer qu'exclusivement à la production de Crime Comics dès 1948.

Création du Comics Code

Crime Must Pay The Penalty, Ace

Des Crime Comics à profusion

Comme à son habitude, Timely se positionne immédiatement dans la bataille avec les titres Crime Can't Win, mais aussi Lawbreakers Always Lose ou encore Crimefighters, tous sortis en 1948 et édités par Stan Lee à la demande de Martin Goodman. National, beaucoup plus prospère, rachète carrément les droits de séries radiophoniques de gangsters afin de les adapter en comic books. On peut citer parmi les plus célèbres Gang Busters (une émission diffusée depuis 1935 sur des agents du FBI) éditée par Jack Schiff ou encore Mister District Attorney inspiré, comme sa couverture le précise, par "le show n°1 de la radio" et qui ne dure pas moins de 67 numéros. Ces revues de crime publiées par les grandes compagnies sont toutefois beaucoup moins violentes que celles des maisons d'éditions plus confidentielles, prêtes à tout pour se démarquer, et préfèrent se concentrer sur des enquêtes policières plutôt que sur des crimes atroces et sanglants. Il faut dire que le président de National, Harry Donenfeld, qui avait failli aller en prison au début des années 30 à cause de ses revues un peu olé olé, ne veut plus avoir affaire avec la justice et il partage donc avec Jack Liebowitz, le second de National, la même volonté de diriger une maison d'édition irréprochable en termes de morale et de contenu de ses publications. Les deux hommes ont bien compris qu'une polémique sur la violence dans les comics risque d'éclater et ils essayent tant bien que mal de se démarquer des autres en mettant en place un code interne. L'idée de Donenfeld, Silberkeit (directeur d'Archie Comics) et dans une certaine mesure Martin Goodman est de rendre leurs compagnies pérennes sur le long terme et ils proposent donc des comics accessibles et sans trop de provocation, destinés à un public jeune afin de s'offrir une certaine respectabilité. N’oublions pas non plus que ce sont les Funny Animals de Dell (des comics au-delà de toute controverse et destinés aux enfants) qui représentent alors les plus fortes ventes de l'époque.

Création du Comics Code

Mr District Attorney, DC Comics

Mais tous les éditeurs n’ont pas les mêmes scrupules et la polémique guette...

C’est ce que nous verrons dans notre troisième partie, consacrée à un certain Frederick Wertham.

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Zombis contre Zombis

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