Le comics code est une notion à part entière de l’histoire des comics. S’il est désormais abandonné, il a néanmoins été (plus ou moins) appliqué durant de nombreuses décennies chez tous les éditeurs mainstream. La rédaction de Superpouvoir vous propose via une longue série d’articles de revenir sur cette histoire aux rebondissements multiples.
Requiem pour les super-héros
À la fin de la seconde guerre mondiale, les américains n’ont plus vraiment besoin de super-héros, puisqu’il n’y a plus d’ennemis à affronter. De plus, une grande majorité des artistes sont partis au front ! Les super-héros n'ont plus la côte et les lecteurs se tournent ainsi vers d'autres genres, comme les comics de romance ou de suspens. Mais avant tout cela, les éditeurs vont tenter de remettre leurs justiciers masqués au goût du jour en fonction des modes qui parcourent la décennie avant de les oublier totalement, remplaçant leurs séries par d'autres plus commerciales.
Captain America devient enseignant tandis que Bucky laisse sa place à une jeune fille et que les aventures de Superman et de Batman deviennent plus légères, visant un public de plus en plus jeune. En quelques mois, on assiste aussi à un déferlement d'héroïnes créées pour surfer sur la vague des comics romantiques et c'est Timely (ex-nom de Marvel) qui ouvre le bal avec Namora, Sun Girl ou encore Miss America qui ne dépasseront jamais la dizaine de numéros. Comme quoi la féminisation des comics n'a pas été inventée ces dernières années. Martin Goodman, le président de Timely, n'hésite en effet pas une seconde à annuler une série qui ne donne pas satisfaction au bout de deux ou trois numéros seulement.
Le départ de certains éditeurs historiques fans de super-héros comme Sheldon Mayer signe définitivement la fin du genre. Les nouveaux, encouragés bien évidemment par leurs patrons respectifs, sacrifient ainsi des dizaines de revues au profit de magazines d'aventures de guerre, d'humour ou d'horreur qu'ils estiment nettement plus vendeurs.
Les conséquences sont désastreuses pour les héros costumés : alors qu'on comptait plus d'une centaine de titres dans les années 40, il n'en reste en 1951 plus qu'une poignée !
Les survivants
On compte ainsi sept titres de super-héros chez National (l’ancien nom de DC Comics), à savoir Action Comics, Superman (qui publient tous les deux les aventures de l'homme d'acier et qui sont portés par le succès du strip quotidien, de la série radiophonique, du dessin animé et de la série au cinéma), Batman, Detective Comics , World's Finest (qui propose des aventures réunissant les deux héros précédents), Superboy (qui vise un public plus jeune et qui fonctionne très bien) et Sensation Comics, qui continue de proposer Wonder Woman pour des raisons contractuelles. William Moulton Marston, le créateur du personnage et National avaient en effet paraphé un contrat stipulant que les droits de l'héroïne reviendraient automatiquement à la famille du psychologue si celle-ci arrêtait d'être publiée pendant plus de quatre mois.
Et c'est encore pire chez les concurrents : il n'y a plus que quatre séries de super-héros chez Fawcett toutes portées par Captain Marvel (Shazam) et sa famille ; trois chez Quality (Feature Comics avec Doll Man, Police Comics avec Plastic Man et Modern Comics avec les Blackhawks) et plus aucun chez Timely, le président Martin Goodman laissant tomber sans aucun remords Namor et consorts au grand désespoir de Stan Lee, nommé éditeur en chef.
La période bénie pour les ventes de comics
Mais, contrairement à ce que l'on pourrait croire, la fin de l'âge d'or des super-héros ne signifie pas pour autant celui des comic books. Il n'y a en effet jamais eu autant de comics publiés et vendus que dans les années 50 ! On estime la quantité de comics achetés entre 1945 et 1955 à plus d'un milliard d'exemplaires, certaines séries dépassant même régulièrement le million !
Les raisons de cette explosion des ventes sont nombreuses. La fin de la guerre a tout d'abord permis aux États-Unis de sortir la tête haute de la crise économique qui sévit depuis des décennies : le pays vit désormais dans une période de croissance et de plein emploi et les comics-books, dont le prix n'a toujours pas varié depuis 1933, restent très attractifs auprès de familles qui ont vu leurs revenus augmenter de façon substantielle. De plus, la télévision n'est pas encore disponible dans tous les foyers et il n'y a donc pas beaucoup de concurrence dans le domaine du divertissement à bas prix. Revigorés par l'explosion démographique, les comic books deviennent un véritable phénomène de société, un objet courant et usuel qui fait désormais partie de la famille et qui s'installe dans le patrimoine culturel Américain. On trouve désormais des lecteurs de comics de tous âges, et c'est cette diversification des genres à la fin de la guerre qui permet à chaque lecteur de trouver "son" comic book, celui qui lui convient le mieux.
Les très jeunes enfants, qui constituent la grande majorité du public, ont droit à des comics qui leur sont spécialement dédiés comme les Funny Animals (animaux parlants) mais aussi les adaptations des dessins animés de Disney ou de la Warner. C'est d'ailleurs le magazine Walt Disney Comics and Stories, publié par Dell, qui reste à l'époque le comic book le plus vendu. Les écoliers peuvent quant à eux laisser vagabonder leur imagination au gré des comics de western ou des quelques super-héros qui restent tandis que leurs aînés privilégient plutôt les comics d'horreur, de crime ou de romance. Chaque tranche d'âge possède ainsi son propre style de comics, et c'est cette volonté de suivre les modes qui définit véritablement le fonctionnement de cette industrie dans les années 50. Si certains genres existent depuis le début (comme les adaptations de dessin animés, les cowboys ou encore les comics adolescents), ils explosent littéralement à partir de 1945, entraînant une avalanche d'imitations plus ou moins réussies qui inondent le marché pour quelques années, avant d'être remplacées par d'autres. Leur succès est considérable, mais souvent éphémère.
Mais il existe aussi de nombreux autres genres, notamment les Crime Comics, basés sur des histoires vraies ou les comics d’horreur (il y a très peu de comics de science-fiction). Ces derniers vont engendrer une réelle polémique.
C’est ce que nous verrons dans notre seconde partie.