Le Comics Code est une notion à part entière de l’histoire des comics. S’il est désormais abandonné, il a néanmoins été (plus ou moins) appliqué durant de nombreuses décennies chez tous les éditeurs mainstream. La rédaction de Superpouvoir vous propose via une longue série d’articles de revenir sur cette histoire aux rebondissements multiples. À l’issue de la commission Kefauver, les éditeurs de comics sont obligés de mettre en place un code de bonne conduite : le comics code ! Nous évoquons aujourd’hui sa mise en place et nous vous livrons la traduction intégrale de ce code !

Épisodes précédents

Mise en place du Code

La première action de l'association des éditeurs est de mettre rapidement en place une commission indépendante chargée de créer puis de faire appliquer un nouveau code de conduite que Donenfeld et consorts espèrent basé sur leur propre code interne. Cela leur permettrait en effet de ne pas trop toucher à leur production et aurait aussi l'avantage de mettre en danger des concurrents potentiels. Chaque comic book serait alors étudié par des membres de la commission qui exigeraient des modifications si le contenu ne correspond pas aux critères établis. Si l'éditeur s'exécute, le magazine obtiendrait alors un petit macaron sur sa couverture "Approved by the Comics Code Authority" (approuvé par le Comics Code) qui permet d'en garantir la haute teneur morale. Le distributeur peut ainsi le mettre en place dans ses rayons en toute connaissance de cause. En revanche, si le comic book n'est pas approuvé par la commission, le titre pourrait être retourné à l'éditeur sans explication. Wertham lui-même est pressenti pour prendre la tête de ladite commission de lecture mais ce dernier, toujours droit dans ses bottes, refuse catégoriquement. Pour lui ce n'est qu'une mascarade de plus qui n'empêche rien.  C'est finalement Charles F. Murphy, un juge catholique à la réputation irréprochable, qui accepte de prendre la tête de la commission de surveillance et de se réunir avec les différents éditeurs afin d'établir le fameux code. Il promet dès sa première interview dans les journaux de "faire le ménage" et invite des représentants catholiques, protestants et juifs à la table des négociations. Le fameux Comics Code est adopté le 26 Octobre 1954. Il est composé d'un préambule (dans lequel les différentes parties expliquent les raisons du code et s'engagent à en respecter scrupuleusement les termes), d'un code de contenu éditorial décomposé en trois parties et d'un code concernant la publicité dans les magazines.

Les trois parties du code de contenu éditorial sont très représentatives des idées de leurs concepteurs et du cahier des charges qu'ils ont à tenir pour rassurer l'opinion.

Le Comics Code dans son intégralité

Code de la Comics Magazine Association of America, Inc. Adopté le 26 Octobre 1954.

PREAMBULE

Les comic books, étant devenus un media reconnu de la scène culturelle Américaine, doivent désormais être à la hauteur de leurs responsabilités.

Les progrès de la technique et des niveaux de qualité de plus en plus élevés vont de pair avec ces responsabilités.

Afin de contribuer positivement à la vie contemporaine, l'industrie doit désormais rechercher de nouveaux domaines dans lesquels elle pourra développer des moyens de divertissement sains. Les scénaristes, les dessinateurs, les imprimeurs, les éditeurs et les vendeurs de comic books ont initié un travail remarquable dans le passé et se sont toujours efforcés d'atteindre ce but.

Le bilan de leur évolution et de leurs améliorations constantes soutient largement la comparaison avec tous les autres medias de l'industrie de la communication. Un exemple remarquable est le développement des comic books comme un outil unique et efficace dans l'instruction et l'éducation. Les comics ont aussi contribué au domaine des lettres et de la critique de la société contemporaine.

En continuant de respecter la tradition américaine, les membres de cette industrie veulent et doivent continuer à travailler ensemble dans le futur.

Dans le même esprit, les membres de l'industrie doivent s'assurer que les fruits récoltés par ce media ne seront pas perdus et que les violations des codes du bon goût, qui peuvent induire la corruption du comic book en tant que distraction saine et instructive, seront éliminées.

En conséquence, la Comics Magazine Association of America, Inc. , a adopté ce code et a placé de forts moyens de répression entre les mains d'une autorité indépendante.

De plus, les membres de l'association ont souscrit au but et à l'esprit de ce code en tant qu'instrument vital de la croissance de cette industrie.

Pour ce faire, ils se sont engagés à suivre consciencieusement ses principes et à se soumettre à toutes les décisions basées sur le code et décrétées par son administrateur. 

Ils sont confiants dans le fait que cette déclaration franche et positive leur apportera un rempart efficace en ce qui concerne la protection et l'éducation des lecteurs Américains et que celle-ci deviendra une date importante dans l'histoire de l'autorégulation de toute l'industrie de la communication

CODE CONCERNANT LE CONTENU EDITORIAL

Standards Généraux

Partie A

  1. Les crimes ne devront jamais être présentés de manière à générer de la sympathie pour les criminels, à encourager la méfiance envers les forces de l'ordre et de la justice ou de donner le désir d'imiter les criminels.
  2. Aucun comic book ne devra décrire en détail les méthodes particulières d'un crime.
  3. Les policiers, les juges, les agents du gouvernement et les institutions ne devront jamais être présentés de manière à instaurer de l'irrespect envers ces autorités.
  4. Si un crime est montré, ce doit être en tant qu'activité sordide et déplaisante.
  5. Les criminels ne doivent pas être présentés de manière à les rendre attrayants ou occupant une position sociale qui pourrait créer un désir d'émulation.
  6. Le bien triomphera sans exception du mal et le criminel sera puni pour ses méfaits.
  7. Les scènes de violence excessives doivent être interdites. Les scènes de torture, d'usage excessif de couteaux et d'armes à feu, d'agonie physique et de crimes sanglants et horribles doivent être éliminées.
  8. Aucune méthode unique ou non-conventionnelle de cacher des armes ne devra être montrée.
  9. Les scènes décrivant des officiers des forces de l'ordre en train de mourir suite à des activités criminelles ne doivent pas être encouragées.
  10. Les kidnappings ne doivent jamais être décrits en détail et ne doivent jamais profiter à l'auteur de ces méfaits. Le criminel ou le kidnappeur doit être toujours puni.
  11. Les lettres du mot "crime" sur la couverture d'un magazine ne devront jamais apparaître de dimension supérieure à celles des autres mots contenus dans le titre. Le mot "crime" ne doit jamais apparaître seul en couverture.
  12. Une certaine retenue sera exercée concernant l'usage du mot "crime" dans les titres ou les sous titres.

Standards Généraux

Partie B

  1. Aucun magazine de comics ne doit utiliser le mot horreur ou terreur dans son titre.
  2. Toutes les scènes d'horreur, de massacres sanglants, de crimes sordides, de dépravation, de luxure, de sadisme, de masochisme ne sont pas autorisées.
  3. Toutes les illustrations malsaines, luxurieuses ou de mauvais goût doivent être éliminées.
  4. Les histoires concernant le mal ne doivent être présentées qu'avec l'intention d'illustrer un point précis de la morale et ne doivent en aucun cas sembler attrayantes ou choquer la sensibilité des lecteurs.
  5. Les passages mettant en scène ou les objets rappelant les morts-vivants, la torture, les vampires, le vampirisme, les goules, le cannibalisme et la lycanthropie sont interdites.

Standards Généraux

Partie C

Tous les éléments et les techniques qui ne sont pas mentionnées ici, mais qui sont contraires à l'esprit et aux intentions du code et qui sont considérées comme des violations au bon goût ou à la décence doivent être interdites.

Dialogue

  1. Les insanités, l'obscénité, la pornographie, la vulgarité ou les mots qui ont des connotations indésirables sont interdits.
  2. Les références aux handicaps physiques ou aux difformités devront être évitées avec une grande précaution.
  3. Bien que l'argot et le langage familiers soient acceptables, leur utilisation excessive doit être découragée et un bon usage de la grammaire doit être utilisé aussi souvent que possible.

Religion

  1. Tourner en ridicule ou attaquer n'importe quelle religion ou race n'est pas autorisée.

Costume

  1. La nudité quelle que soit sa forme doit être interdite, de même que toute exhibition indécente ou inconvenante.
  2. Les illustrations suggestives et salaces, de même que les postures suggestives sont inacceptables.
  3. Tous les personnages doivent être vêtus de manière raisonnablement acceptable pour la société.
  4. Les femmes seront dessinées de manière réaliste sans exagération de certains de leurs attributs physiques.

NOTE  : Il est acquis que toutes les interdictions concernant les costumes, les dialogues ou les dessins s'appliquent aussi bien à la couverture des magazines de comics qu'à leur contenu.

Mariage et Sexualité

  1. Le divorce ne doit pas être traité sur le ton de l'humour ni représenté comme désirable.
  2. Les relations sexuelles illicites ne seront pas traitées, que ce soit de manière implicite ou explicite. Les scènes d'amour violentes aussi bien que les anomalies sexuelles sont inacceptables.
  3. Le respect des parents, du code moral et d'un comportement honorable doit être mis en valeur. La compréhension des problèmes de l'amour ne doit pas être une source de distorsion morbide.
  4. Le traitement des histoires d'amour doit souligner la valeur du foyer et la caractère sacré du mariage.
  5. La passion ou l'intérêt amoureux ne doivent jamais être traités de manière à stimuler les bas instincts.
  6. La soumission ou le viol ne doivent jamais être montrés ni suggérés.
  7. Les perversions sexuelles et toutes les références qui pourraient leur être attachées sont strictement interdites.

CODE CONCERNANT LA PUBLICITE

Ce règlement est applicable pour tous les magazines ou les revues publiées par  la Comics Magazine Association of America, Inc. Le bon goût doit être le principe directeur des choix publicitaires.

  1. La publicité pour l'alcool ou le tabac ne sont pas acceptables.
  2. La publicité pour le sexe ou les livres d'éducation sexuelle n'est pas acceptable.
  3. La vente de cartes postales illustrées de "pinups", de nus artistiques ou de toute autres reproductions de personnes nues ou dénudées est interdite.
  4. La publicité pour la vente de couteaux ou de reproductions réalistes d'armes à feu est interdite.
  5. La publicité pour la vente de feux d'artifices est interdite.
  6. La publicité pour les jeux d'argent ou les textes concernant les jeux d'argent ne sont pas acceptés.
  7. La nudité et les poses salaces ne sont autorisées dans aucune publicité; les personnages vêtus ne doivent jamais être présentés de manière provocante ou contraire au bon goût et à la morale.
  8. Dans la mesure de ses capacités, chaque éditeur doit s'assurer que les déclarations faites dans ses publicités soient conformes à la réalité et évitent toute présentation tendancieuse.
  9. La publicité pour les médicaments ou les cosmétiques de nature douteuse doivent être rejetés. Les publicités pour les médicaments ou les cosmétiques agréées par l'American Medical Association ou la American Dental Association sont en revanche considérées comme acceptables si elles sont conformes aux autres conditions du code concernant la publicité.

Dans le prochain article, nous étudierons en détail certaines des mesures de ce Code. 

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