Nous y voilà, Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux est désormais au cinéma. Que penser de ce second film de la Phase 4 du MCU ?

Si Les Gardiens de la Galaxie nous a appris une chose, c'est que les personnages les plus obscurs de la Maison des Idées de Marvel peuvent contre toute attente remporter un franc succès au cinéma et auprès d'un public de néophytes. Surfant sur cette idée pour la jeune Phase 4 de leur Marvel Cinematic Universe, les studios Marvel / Disney semblent avoir décidé de poursuivre l'expérience et de donner voix au chapitre à des protagonistes mineurs des célèbres bandes dessinées américaines, comme en témoignent les futurs Les Éternels de Chloé Zhao (au cinéma en novembre 2021) ou Moon Knight (sur Disney+ en 2022). Suivant cette logique, pourquoi pas Shang-Chi, le maître du kung-fu paru dans les revues de Marvel en 1973, entre autres sous la plume du Steve Englehart ? Occasion rêvée pour le studio aux grandes oreilles (après l'échec de son Mulan) de s'enrouler avec amour tel un dragon autour d'un marché de poids sur le plan du box office international : la Chine.

Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux conte donc bien logiquement l'histoire du jeune Shang-Chi (le canadien Simu Liu), fils d'un seigneur de guerre de renommée internationale (Tony Leung) ayant répandu son règne en secret pendant un millénaire à la tête de son armée – baptisée "Les Dix Anneaux" en référence immédiate à dix bracelets d'origine extra-terrestre lui ayant conféré pouvoirs et longue vie. Élevé en tueur et maître des arts martiaux, le jeune garçon a finalement fui le joug de son géniteur et refait sa vie aux Etats-Unis sous une autre identité, où il se contente d'une vie effacée de voiturier et de fêtard auprès de sa meilleure amie Katy (la rappeuse et comédienne Awkwafina). Mais les choses sont sur le point de changer quand, rattrapé par son destin, Shang-Chi se retrouve aux prises avec les plus implacables tueurs des Dix Anneaux à ses trousses, envoyés par son père récupérer un étrange artefact en possession de l'ancien combattant.

Mentir sur la marchandise

Après un Black Widow aux retours plus que mitigés mais qui avait pour lui de pouvoir s'appuyer sur le nom d'une comédienne connue et d'un personnage bien établi, Shang-Chi part avec le double handicap d'être à la fois un personnage inconnu du grand public mais surtout, sur le papier, bien moins engageant que ses collègues super-héros classiques. Dénué de pouvoirs, la capacité première de Shang-Chi est de tout simplement savoir se battre – pour mémoire, le personnage a été initialement conçu dans les comics pour surfer sur la vague du succès que rencontraient les films d'arts martiaux du début des années 70, ceux de Bruce Lee en tête, dont le personnage était d'ailleurs un transfuge à peine déguisé.

Notre héros, dans une des meilleures scènes du film.

Conscient de cet écueil et ne pouvant pas uniquement se reposer sur une promesse de spectacle grandiose (après tout, le MCU, même dans ses moments de faiblesse, reste coutumier du fait), Marvel Studios compte donc sur la fidélité acquise de son public et sur l'usage d'un background commun à sa saga pour l'attirer en salles, à savoir la figure du Mandarin (précédemment incarné sous forme de prête-nom dans Iron Man 3 par Ben Kingsley), redoutable super-méchant des comics Marvel traditionnellement ennemi juré de Tony Stark, et les fameux Dix Anneaux du titre, ici objets de pouvoirs et nom d'une armée de guerriers terroristes présente dans le MCU depuis le tout premier Iron Man en 2008. Or, fait rare mais assez dérangeant, les défauts de ce 25ème long métrage de la saga la plus puissante du cinéma démarrent dès l'usage du titre, car l'intrigue du film Shang-Chi s'intéresse à peu près autant à l'histoire des Dix Anneaux que disons Star Wars à l'art du macramé.

Pour la beauté du combat

En réalité, c'est la cité cachée de Tao Lo qui est ici le véritable MacGuffin de ce récit, honnêtement plié par le réalisateur hawaïen Destin Daniel Cretton dans un film hommage aux films d'arts martiaux et au folklore chinois, très plaisant à regarder du fait de sa relative fraîcheur au sein d'une saga aux directions artistiques souvent trop codifiées, mais dont le rythme est hélas relativement mal équilibré entre séquences dantesques de combat au corps à corps, moments plus intimistes et flash-back. Ainsi, toujours sur le champ de la prise de risque, on peut tout de même reconnaître à Shang-Chi d'avoir brillamment évité de tomber dans l'origin story classique et de conter non les origines d'un héros, mais comment ce héros doit justement y faire face. En ce sens Shang-Chi et la légende des Dix Anneaux est à l'opposé de ce qu'était Black WidowSi l'histoire du personnage-titre et tout ce qui à trait à son passé restent téléphoné et convenu, les scènes de combats sont de véritables bijoux, très probablement les plus belles et magnifiquement chorégraphiées de tout le MCU jusque là.

Difficile qu'il en soit autrement, quand les influences derrière ces séquences proviennent du gratin de ce que le cinéma d'arts martiaux asiatique a toujours eu de plus beau à offrir. On retrouve du Zhang Yimou (Hero) dès le premier affrontement, entre poésie romantique et noble art de l'échauffourée, et de la bagarre plus rythmée, violente et urbaine comme ce fabuleux combat dans un bus lancé à 120km à l'heure dans les rues de San Francisco (avec un clin d'œil appuyé à une séquence culte d'Old Boy, film auquel la série Daredevil avait déjà rendu hommage) dans lequel Shang-Chi doit se défaire de plusieurs tueurs à la solde des Dix Anneaux (dont le massif et impressionnant Razorfist, joué par Florian Munteanu), ou un épique combat à flanc de gratte-ciel auquel participe Xialing (Meng'er Zhang), sœur du héros dont le rôle finalement assez anecdotique dans l'intrigue est ici réduit à un girl power de circonstance un peu accessoire dans cette histoire basée sur le thème de la transmission et de la préservation. Dommage toutefois que l'usage du cut dans ces scènes soit par trop systématique alors que l'usage du plan séquence leur aurait octroyé une intensité et une nervosité plus folle encore.

Certains seconds rôles du film sont très dispensables

Rien toutefois qui ne puisse faire oublier le peu de sympathie dégagée par l'ensemble des personnages, Shang-Chi en tête, un gary sue en puissance face à un adversaire plus tempéré et nuancé en la personne de Tony Leung, le fameux Mandarin qui, soyez prévenus, ne sera jamais appelé comme tel, le surnom du vilain étant ici sujet à une sorte de blague. Ce fameux humour parfois tant décrié dans les films du MCU continue ici son petit bonhomme de chemin, faisant rarement mouche et étant parfois un peu gênant (des chinois au karaoké... really Marvel ?), un humour qui est ici souvent l'apanage du personnage de Katy, obligatoire comic relief, pendant féminin du Luis des Ant-Man qui, pourtant, remporte la palme de la sympathie, et c'est avec une pointe de regret qu'on se demande si le film n'aurait pas gagné à être vu et conté par la voix de Katy (Awkwafina) et non celle de Shang-Chi. 

Clichés : rassemblement !

Reste que le casting est solide, peut compter sur des comédiens de poids (Leung bien sûr, mais aussi Michelle Yeoh, bien trop peu présente) et a travaillé d'arrache-pied sur les scènes de combats, forcément motivés à l'idée de faire entrer tout un pan de la culture asiatique dans l'une des sagas les plus adulées du monde cinématographique. Le film a aussi pour lui d'être pour moitié dialogué en langue chinoise (très honorable authenticité) et de ne nécessiter aucun pré-requis, pouvant être visionné sans avoir vu le moindre des films du MCU, bien que celui-ci renvoie par brefs moment à des éléments de son univers, qu'ils soient essentiels (le blip de Thanos) ou d'une gratuité sans nom (le combat entre Wong et l'Abomination, teasé dans les bandes annonces, d'une durée de cinq secondes montre en main). Ajoutons-y les raccourcis et incohérences d'usage, ainsi que dans son dernier tiers un combat final, épique mais dont les effets spéciaux lourdauds le rendent aussi indigeste qu'un tour sur le pouce chez un mauvais traiteur (sans oublier une volonté manifeste de vouloir nous vendre des peluches via son bestiaire), et Shang-Chi achève de cocher plus d'une bonne moitié des cases du blockbuster Marvelien qu'on se serait passé de retrouver ici. D'autant que ce final semble nous plonger dans un tout autre film, à la mystique mythologique prononcée sans presque aucun rapport avec les quasi-deux heures de film qui précèdent. Deux univers cohabitent donc au sein de ce Shang-Chi, et leur embranchement trouve racine au sein des deux scènes post générique ouvrant plus de pistes qu'elles n'en résolvent.

Sympathique produit de drague pour le marché chinois et divertissement dans la plus pure tradition, Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux ressemble davantage à un objet de complétiste pour la saga super-héroïque mais reste, malgré ses défauts, un spectacle très recommandable pour tous, d'autant qu'il apporte de l'inédit dans l'équation Marvel au cinéma. Il n'atteint malheureusement jamais son plein potentiel, n'effleurant qu'en surface son univers, reposant trop sur ses influences et non sur l'écriture des personnages, et ne délivre jamais totalement ce qu'il promet. Au mieux peut-on espérer des suites plus inspirées, et avec des références comme Il était une fois en Chine, le cinéma de Wong Kar-Wai, la saga d'Histoires de fantômes chinois ou, pourquoi pas, Big Trouble in Little China de John Carpenter, difficile d'imaginer que Shang-Chi ne puisse pas justifier un lore et une saga à lui tout seul. Mais au vu de la fragilité globale du cinéma en ce moment et ce début de Phase 4 plutôt mou (du moins côté chiffres au cinéma, ça va bien mieux côté télévision), le succès demeure une donnée difficile à calculer et ce type de projet (superbement risqué, mais ici pas extrêmement maîtrisé) pourrait condamner le MCU à revenir drastiquement en arrière. Les Éternels seront-ils nos sauveurs ?

Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux, au cinéma depuis le 1er septembre 2021.

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