En dehors de Penny Dreadful et Carnival Row, le "fantastique victorien" n'a que peu droit de citer dans le paysage télévisuel actuel. Compliqué à produire, le genre exige également un public réceptif, des personnages forts et un concept suffisamment puissant et moderne pour passer outre le côté purement accessoire de ce genre potentiellement très codifié. Or, s'il y bien un showrunner qui remplit systématiquement presque toutes les conditions de cette exigeante to do list, c'est bien Joss Whedon, créateur entré dans la postérité grâce à la série Buffy contre les vampires. Et en dépit du bad-buzz et de la tourmente entourant le nom du scénariste depuis l'affaire Justice League et les accusations de mauvais traitements sur ses comédiens lors des tournages, le nouveau bébé du bonhomme, The Nevers, débute puissamment les hostilités sous l'égide de HBO avec plus d'un million de spectateurs pour un premier épisode plein de promesses, de personnages à fortes personnalités et de super-pouvoirs.

L'histoire débute à Londres, en 1896, jour marqué par un événement inexpliqué où plusieurs individus d'horizons différents vont être "touchés", à savoir, dotés de capacités extraordinaires. Le secret n'est pas longtemps gardé et au bout de trois ans, la société a dû intégrer cette nouvelle donne au sein de son corset social déjà bien serré. Parmi les touched se trouvent Amalia True (Laura Donnelly), une jeune femme capable de voir l'avenir, et Penance Adair (Ann Skelly), une inventrice de génie. Réfugiées dans une communauté de gens à pouvoirs, ces femmes téméraires conjuguent leurs capacités afin de porter secours à une jeune touched traquée par d'étranges individus au visage défiguré. En plus de la protection des leurs, ces individus uniques doivent faire face à la lente intolérance gangrénant la haute société londonienne et l'hypocrisie latente devant leurs grands pouvoirs.

Amalia True : une héroïne authentique portant bien son nom. 

Le fan de Marvel aura bien vite fait le rapport entre les prémices de The Nevers et la bande-dessinée X-Men, comics sociétaux auxquels Whedon n'est forcément pas étranger, lui qui a scénarisé l'excellente saga Astonishing X-Men pour la maison des idées. Ces personnages à pouvoirs en lutte constante contre l'intolérance de leurs contemporains, on les retrouve ici au cœur du carcan de rigidité de la société victorienne où l'émancipation par le pouvoir, surtout entre les mains de femmes à priori soumises aux desideratas d'un système patriarcal de rigueur, n'est forcément pas bien vue. Pour le fan de comics encore, les influences et clins d'œil à cet univers sembleront parfois trop évidents, entre autres dans les pouvoirs des héroïnes – Amalia rappelant Destinée, et Penance étant un transfuge très clair de Forge, auxquelles peuvent s'ajouter Lavinia Windlow (Olivia Williams), propriétaire de l'orphelinat où vivent les héroïnes, prostrée dans un fauteuil roulant (tiens, tiens) ou encore la jeune Primrose (Anna Devlin), une jeune fille affligée d'un excessif gigantisme (à l'instar de Dawn Summers, petite soeur de la Tueuse Buffy dans la saison 8 de la célèbre série au format comics).

Mais si les influences de Whedon sont claires, le show reste dans la droite lignée de ses autres œuvres, avec des personnages féminins puissants et réalistes, fortes en apparence et tourmentées intérieurement, encore que trop brièvement esquissées pour l'instant dans ce premier épisode pour en tirer des portraits complets (on aimerait savoir, entre autres, comment Amalia parvient aussi bien à se battre quand son pouvoir ne permet au final que de voir l'avenir). Mises face à des vieux parangons de vertu, ces personnages font face avec beaucoup de caractère à une société très masculine, incarnée par un groupuscule de lords très "Club des Damnés" ouvertement méfiants vis à vis de cette nouvelle donne dans leurs habitudes, au point de qualifier l'événement ayant octroyé des pouvoirs à "leurs femmes" comme une "agression"  lancée par un "ennemi" invisible – dont on aura pourtant un poétique aperçu au cours des dernières minutes de l'épisode dans une ambiance proche de La Guerre des Mondes de H.G Wells, mais toute en poésie. Sans oublier une étrange meurtrière en série en la personne bien nommée de Maladie (Amy Manson, vue dans Once Upon A Time), une touched à mi-chemin entre Jack l'éventreur et une fondatrice de Confrérie des Mauvais Mutants dont la folie annonce de grandes surprises et affrontements. Les scènes d'action sont, à ce sujet, de haute qualité au vu du format proposé.

Ce pilote instaure en un temps limite autant d'enjeux que de personnages et les lignes narratives promettent déjà d'être riches en rebondissements et révélations diverses. On se réjouit par ailleurs de la qualité des différents interprètes (britanniques, va sans dire) endossant l'ensemble chorale des protagonistes. Laura Donnelly (Tolkien) brille avec sa froide assurance, Ann Skelly (Les quatre filles du docteur March) touchante de pétillance et de timidité, le terrifiant roi des voleurs Declan Orrun joué par un Nick Frost totalement à contre-emploi, ou encore Dennis O'Hare (American Horror Story) dans un étrange rôle de médecin, et Eleanor Tomlinson (Poldark) dans celui de Mary Bright, une "cérébro chantante", ne sont qu'une partie d'une distribution prometteuse dont on attend encore des étincelles.

L'aspect steampunk de la série est amené à devenir prédominant.

Si la thématique est claire, la direction artistique est, quant à elle, bluffante ( contre les vampires ?). le Londres de Whedon sert son scénario de bande dessinée et se parchemine de touches de steampunk de circonstance – les inventions et l'arsenal de Penance, sont amenés à prendre beaucoup d'importance, et on ne serait pas contre retrouver son superbe carrosse capable de se changer en mini-auto, à cheval entre un véhicule de M.A.S.K et la Batmobile de Michael Keaton dans Batman Returns. On retrouve ici un léger fétichisme des voitures fantasques, comme l'auteur l'avait montré dans son pilote des Agents du SHIELD avec la "Lola" de l'agent Coulson. Ajoutons à cela une photographie aux tons gris et brumeux et on est loin de l'artificialité de la récente et décevante Londres de pacotille des Irréguliers de Baker Street sur Netflix.

On le voit, chaque case du divertissement cool est cochée, le propos social que l'on retrouve souvent chez Whedon aussi, et le bon usage de son univers peut sembler assuré si ses nombreux personnages ne s'avèrent pas par la suite être laissés sur le carreau, comme c'est souvent le cas dans de telles distributions. Au delà d'influences un peu trop évidentes pour le public averti et de quelques trous d'intrigue qui se complèteront certainement d'eux-mêmes, The Nevers est en bonne voie pour remplir son contrat, en espérant qu'il ne pêche pas par excès de zèle, que les scripts de Jane Espenson (qui a signé parmi les meilleurs épisodes de Buffy) sauront rester à hauteur de l'ambition du projet et que la nouvelle showrunner Philippa Goslett (en charge de la série depuis que Whedon a quitté le projet en janvier dernier) puisse poursuivre sa continuité sous les meilleures auspices en fonction de la manière dont le public recevra la série.

Vous reprendrez bien du thé ?



The Nevers (OCS) - Bande-annonce

The Nevers (OCS) - Bande-annonce


 

Envie d'en discuter ?
Rendez-vous sur Discord
Suivez-nous pour ne rien rater :
X-Men
Alligator Queen

Ça pourrait vous intéresser

 sur Superpouvoir.com
Partager : Partager sur Facebook Partager sur Twitter