The Boys est une série agaçante. Très loin d’être une série ratée, c’est en réalité l’image qu’elle veut donner d’elle-même qui m’ennuie. En proposant à grand renfort de publicité des scènes gore et sexuelles, la série attire de nombreux spectateurs qui n’attendent que des scènes décérébrées alors qu’en réalité, The Boys nous propose une histoire beaucoup plus profonde qu’une simple caricature trash. Et cela atteint son apex dans la troisième saison qui vient de se terminer sur Amazon Prime Video. Jamais on ne nous a vendu autant de gore pour finalement nous proposer une série rarement aussi bien écrite.

© Prime Video 2022

Une série qui ressemble aux comics ?

The Boys est à l’origine un comic book parodique publié chez Dynamite, créé par deux spécialistes de la provocation gratuite et outrancière (mais pas que) : Garth Ennis et Darick Robertson (Transmetropolitan). Et en toute honnêteté, cela ne va pas très loin. Contrairement à ce qu’avait réussi à faire le scénariste sur ses deux précédentes séries régulières (Preacher, Hitman), où il développait des scènes choquantes et sales mais les mélangeait à des propos assez caustiques voire émouvants, le comic book The Boys n’arrive que rarement à décoller et reste dans le cadre de la parodie potache.  Cela crée un comics fastidieux et qui tourne rapidement en rond. Mais qui va extrêmement loin dans la provocation. Donc forcément, cela fonctionne auprès du lectorat. Ce qui est toujours rageant. Parce que le titre est loin, en termes de profondeur et de qualité derrière Hitman, une série toujours pas publiée en France et qui ne recueillerait pas d’enthousiasme.

De fait, on pouvait grandement s’inquiéter de l’adaptation télévisuelle de la série, même si la présence de noms comme Seth Rogen et Evan Golberg pouvait rassurer. Ils sont en effet à l’origine de nombreux projets satyriques (tout récemment de l’excellente minisérie Pam & Tommy sur Disney+) mais avec de la qualité. D’ailleurs, The Boys devait être adapté au départ en film par Adam Mc Kay, le réalisateur de Vice ou encore Don’t look up, ce qui montre bien que le côté parodique de la série a toujours été un tremplin pour dénoncer des choses plus graves, tout du moins à la télé ou au cinéma. La production de The Boys échoit finalement à Eric Kripke, ancien showrunner de la série Supernatural qui avait démontré, tout du moins lors de ses premières saisons, de bonnes choses. Les comics The Boys parodiant les super-héros de Marvel et DC Comics, Kripke et ses complices décident donc que la série télé va se moquer des super-héros à l’écran et notamment des films Marvel et du MCU. Bonne idée, les codes étant sensiblement différents.

Bien évidemment, on se doutait que la série n’allait pas pouvoir adapter stricto sensu le caractère outrancier de certaines scènes de la série – comme les viols à répétition ou la zoophilie – mais une pointe de sulfureux allait toutefois suffire pour déchaîner les passions sur un public qui imagine déjà voir les pires horreurs à la télé. Comme s’il ne suffisait simplement pas de regarder des chaînes info ! Le pire c’est que derrière cet aspect provocateur de surface se cache en réalité une série bien plus morale et dans l’air du temps que prévu !

Une parodie des films du MCU © Prime Video 2022

Méat Culpa

Si Garth Ennis et Darick Robertson se moquaient totalement de tout et de tout le monde dans les comics The Boys, on ne peut pas vraiment en dire la même chose à la télévision. En effet, certains choix sont faits réellement pour composer avec la période dans laquelle nous vivons. The Boys prend ses distances avec la série très rapidement, en modifiant les personnages, en introduisant beaucoup plus de diversité que dans l’original. Ce qui n’est pas un problème, bien évidemment – on va le rappeler au cas où – mais cela prouve quand même que la série ne se permet pas tout. Concernant le destin d’un des personnages, Eric Kripke avouera même que "son histoire dans la série a été changée pour éviter cette tendance de tuer les personnages LGBT". The Boys – et je vais le répéter encore une fois, c’est une bonne chose – utilise en fait le filtre de la parodie pour dénoncer, globalement, le monde d’aujourd’hui, ses fake news et ce qui se passe actuellement aux États-Unis. Donc a peut près ce que font les trois quarts de toutes les séries actuelles. Certains épisodes nous offrent même un numéro chanté et on trouve aussi la présence de caméos de célébrités comme ceux de Charlize Theron ! On a quand-même connu plus punk et corrosif que ça. Mais elle le fait de manière remarquable – on y reviendra plus tard.

The Boys, produit par Amazon, ne peut pas se permettre d’être aussi jusqu’au-boutiste que sa contrepartie de papier. Tout du moins sur le fond. Elle va donc se différencier sur la forme et surtout, créer chez le spectateur le sentiment qu’il n’y a jamais eu de série aussi trash dans l’univers de la télévision. Ce qui est bien évidemment faux, totalement. Mais en utilisant ce qu’il y a de pire dans l’univers, à savoir les réseaux sociaux, la production de The Boys va prendre un peu les afficionados du genre totalement à leur propre piège. La technique est simple : attirer le chaland par des premières scènes totalement improbables pour ensuite développer une intrigue uniquement consacrée aux motivations des personnages et d’une réelle profondeur.

Je disais que la série était finalement bien sage mais la satyre politique et sociale est développée de tous les côtés. L'affiliation entre Homelander et Donald Trump est plus qu'évidente. Certaines phrases prononcées par le héros semblent tout droit sorties d'un discours de l'ancien président des États-Unis. Ce que j'ai bien aimé aussi, c'est que The Boys se moque quand-même un peu de la tendance gnan-gnan des "artistes", avec une parodie de chanson chorale de haute volée – et avec quelques guest-stars. On tape sur les dérives autoritaires des États-Unis, mais aussi sur le ridicule des idéalistes. C'est sur ce point-là que l'on retrouve un peu de l'esprit des comics. Mais la série est nettement plus profonde.

Un numéro chanté, comme dans toutes les séries du moment, © Prime Video 2022

Et c’est ce qui se produit exactement lors de cette troisième saison ! L’une des toutes premières scènes du premier épisode nous montre un super-héros pouvant se miniaturiser entrer dans son partenaire via un méat urinaire en gros plan – je vous laisse chercher la définition sur internet, faites juste attention à ce que votre grand-mère ou vos enfants ne soient pas à côté ! Et là une grande partie du public se dit "oh là là, quelle audace, quelle inventivité, jamais on n’a vu ça nulle part et surtout dans une série télé". Faux. Non seulement l’idée avait déjà été utilisée vingt ans plus tôt par un tout jeune Geoff Johns dans les pages d’Avengers n°71 (avec Hank Pym et la Guêpe, ce qui est quand-même nettement plus provoc), mais l’idée d’un sexe en plein écran avait aussi été utilisée quelques mois plus tôt dans la série Pam & Tommy, des mêmes producteurs exécutifs.

Le truc, c’est la communication en amont sur les réseaux sociaux qui ne joue quasiment que là-dessus. On va vous vendre des scènes choc, on va même vous donner quelques passages horribles pour pouvoir confirmer, de sorte que les soi-disant punk et adorateur de trash puissent venir en masse. Pour proposer ensuite quelque chose de plus sérieux. La technique a même atteint son apogée lors du fameux épisode 6 nommé Herogasm. Herogasm est certainement l’une des arches narratives – c’est à la base une mini-série – les plus extrêmes de The Boys les comics. Et l’une des plus mauvaises d’ailleurs. Elle décrit en détail une partie fine entre super-héros, pouvoirs inclus ! Et c’est extrêmement violent mais sans réel but. Clairement la série est pourrie et très mal dessinée par un John McCrea au bout du rouleau. Herogasm reste toutefois l’un des comics dont on a beaucoup parlé mais que peu de gens ont lu ! Du coup, la production de la série télé va laisser fuiter le titre de l’épisode, histoire de bien faire saliver les gens avant même la diffusion de la saison 3 ! Et va, à grand renforts d’articles mensongers, prétendre que "certains acteurs ont eu besoin d’une aide psychologique après le tournage" ou que "la production était en panne de faux-lubrifiant". Tout cela pour faire monter la mayonnaise, si j’ose dire. La bande annonce de l’épisode promettait tout et ne montrait rien ! Tout comme l’épisode en fait, qui a dû décevoir énormément de "fans" qui s’attendaient à une orgie sale. Car ce sixième épisode est peut-être l’un des plus sages de la série, en tout cas les scènes ne sont pas plus choquantes que ce que l’on a pu voir avant. Kripke et ses sbires ont tout simplement joué sur le voyeurisme des spectateurs pour faire venir du monde. À la place, ils nous livrent toutefois un épisode d’une intensité rare et qui va faire évoluer bon nombre de personnages de manière irrémédiable.

Et c’est je pense le but de cette série, donner une forme trash de surface pour proposer en réalité un récit dense, bien construit et parfaitement exécuté. Et c’est quand-même un peu dommage. Parce que finalement, ceux qui attendent avant tout une histoire risquent d’être perturbés par les scènes gores et le public décérébré qui ne vit que par la violence va trouver "qu’il ne se passe rien" au bout de 2 épisodes. Car The Boys, et surtout sur cette saison 3, se révèle être l’une des séries non seulement les mieux écrites, mais aussi les mieux interprétées de l’année.

© Prime Video 2022

Une série très dense

Derrière ses aspects trash, The Boys saison 3 se révèle encore meilleure que la saison 2 en ce qui concerne l’écriture des personnages. Même si l’on pouvait reprocher à la saison précédente d’avoir un peu bâclé son traitement du personnage de Stormfront et de la manipulation des foules. Les personnages sont désormais connus et ont été développés durant 2 saisons. Et The Boys saison 3 réussit l’exploit de faire évoluer ses figures de proue, leur donnant à chacun une situation, une action qui va changer leur statu quo ou tout du moins confirmer ou infirmer les pistes entrevues lors des précédents épisodes. Le parallèle entre Billy Butcher et Homelander (le Protecteur) est tout simplement parfait, avec deux hommes qui sont prêts à tout pour aller au bout de leur compulsion et de leur désir de mort et qui vont entraîner d’autres qu’eux dans leur obsession. Le thème de la saison est véritablement la famille : celle que veut créer Homelander et celle qu’a perdu Butcher. Il y a des conflits familiaux un peu partout, sauf pour Starlight et Hughie, qui les ont déjà réglés dans les précédentes saisons.

La notion de pouvoir est elle aussi très importante : ce n'est pas tout d'être un surhomme, il faut aussi en faire quelque chose. C'est ce qui va se passer avec ce fameux composé temporaire capable de donner pour un temps, les mêmes pouvoirs que les super-héros de Vought.  Starlight (Stella) s’affirme de plus en plus comme la meilleure de tous tandis que quelques nouveaux personnages, dont Victoria Neuman et Ashley Barrett prennent une profondeur insoupçonnée jusque-là. C’est très simple, à partir de l’épisode 6, le fameux Herogasm, les révélations et les avancées s’enchaînent à une vitesse folle ! Sans avoir eu l’air d’y toucher, les scénaristes de la série ont parfaitement positionné leurs pions durant la première moitié de la saison et les mettent ensuite rapidement en mouvement. Et je le répète encore une fois, c’est extraordinairement bien fait. On réussit à sortir de la caricature pour proposer de véritables enjeux et de réels moments d’émotion, voire de malaise pur. Malaise qui ne se traduit pas par des images insoutenables ou gores, seulement par des situations particulièrement éprouvantes pour les personnages. Ce qui prouve encore une fois qu’il n’y a pas besoin d’entrer dans une surenchère de provocation pour mettre le spectateur mal à l’aise, une simple scène bien écrite et bien interprétée d’un personnage en train de manger un poulpe suffit – les fans de Old Boy apprécieront le clin d’œil.

Quelques histoires sont toutefois un peu en dessous. Je pense à ce qui se passe autour de A-Train, un personnage dont on ne sait plus vraiment quoi faire, ou de Frenchie, qui manque depuis le début d’une origine claire et de substance. Il y aurait peut-être aussi eu quelque chose à faire avec le personnage de Black Noir, dont on ne nous a pas vraiment tout révélé alors que cela pouvait faire sens ici. Au niveau de la construction narrative, c’est très fort. Et on ne le répètera jamais assez, c’est dommage que ces qualités d’écriture soient un peu éclipsées par l’aspect trash de circonstance. Espérons que la série ne s’enferme pas là-dedans et ne devienne pas prisonnière de la caricature qu’elle a elle-même engendrée. Mais pour donner corps à des personnages et à des intrigues, il faut aussi de bons acteurs, et là aussi c’est une réussite quasi-totale.

© Prime Video 2022

Des acteurs particulièrement bons

Il serait difficile de ne pas conclure cette chronique sans préciser à quel point la réussite de The Boys repose en réalité sur la justesse de l’interprétation des personnages. L’atout majeur étant bien évidemment Antony Starr, qui joue le rôle du Homelander. Ce qui est assez intéressant, c’est de voir à quel point la performance de l’acteur a évolué en même temps que son personnage. Lors de la saison 1, je pense que l’acteur n’osait pas aller jusqu’au bout. C’est ce qu’il propose en revanche depuis deux ans. Dès qu’il arrive dans une scène, Antony Starr arrive à rendre son personnage tellement imprévisible et capable de tout, qu’il instaure immédiatement une tension dramatique. Ce qui avait été esquissé dans la première saison est porté ici au maximum. Mais Antony Starr ne fait pas de Homelander qu’un psychopathe, il arrive aussi à faire passer de l’émotion ou de la tendresse, notamment via quelques scènes avec sa famille. Tout se joue uniquement sur ses expressions faciales et c’est véritablement l’une des meilleures performances d’acteur de ces dernières années. Karl Urban croque encore une fois un Billy Butcher prêt à tout mais en termes de jeu, il est resté sur les mêmes bases qu’au début, avec ce sourire en coin et cet accent à couper au couteau.

Il faut noter aussi la grande performance du casting féminin, Erin Moriarty (Starlight) en tête qui en trois saisons est passée de naïve de service à la plus puissante des membres des Seven. Elle est remarquablement accompagnée dans son évolution par Dominique McElligott qui interprète Queen Maeve mais qui n’a pas autant de présence à l’écran qu’auparavant. Même si elle nous propose une scène de combat d'anthologie dans le dernier épisode. Mention spéciale aussi à Claudia Doumit, très convaincante dans le rôle d’une future opposante à notre équipe et à Colbie Minifie, dont les problèmes suggérés tout au long de son évolution prennent une tournure dramatique dans les dernières minutes de la série. Quant aux nouveaux personnages, il n’y en a pas énormément, si ce n’est bien évidemment Jensen Ackles qui joue Soldier Boy et dont les origines ont totalement été remaniées. Ackles est plutôt convaincant même si l’histoire ne lui offre pas les meilleurs dialogues. Son introduction fait sens dans le cadre du thème principal de la série, mais disons que j’ai été un peu déçu par son développement. Ce n’est pas le point d’orgue de cette saison. Le reste du casting est au diapason.

De fait, The Boys saison 3 représente, à mon humble avis et pour l’instant, la meilleure saison de la série pour ses qualités d’écriture. Elle réussit à faire évoluer les personnages de manière convaincante au sein d’une histoire assez dense et pleine d’inventivité. Dommage que la force du récit soit un peu gâchée par le côté provocateur dans lequel les producteurs l’ont sciemment enfermé. Pour une série parodique, elle est loin de tomber dans la caricature. C’est donc très conseillé, si vous avez quand-même plus de 18 ans et pouvez mettre en avant les qualités d’écriture et d’interprétation avant le côté formel de l’image. Encore une réussite !

The Boys saison 3 est disponible depuis juin sur Amazon Prime Video.

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