Doctor Strange in the Multiverse of Madness est le dernier film du Marvel Cinematic Universe, sorti sur les écrans le 4 mai dernier. Alors que certains le classent parmi les meilleurs films Marvel (comme à chaque nouvelle sortie) d’autres ont un avis un peu plus mitigé. Après quelques jours de recul, je vous propose de lister quelques points forts et points faibles de ce nouveau chapitre de l’histoire Marvel au cinéma. Attention SPOILERS !!!
POINT FORT : La créativité
L’une des critiques les plus fréquentes concernant les films de l’univers Marvel est que la plupart du temps, ils manquent de personnalité, d’idées de réalisation originale, d’une patte personnelle. Et c’est souvent le cas. Sur la trentaine de films et de séries Marvel proposées depuis quinze ans, combien sortent réellement du lot et proposent des idées originales dans leur réalisation ou leur vision ? Pas tant que ça. Si certains réalisateurs voient leurs noms immédiatement associés à leur film (Les Gardiens de la Galaxie et James Gunn ; Les Éternels et Chloe Zaho, Thor: Ragnarok et Taika Waititi et dans une certaine limite les frères Russo et Joss Whedon) et apportent une vraie patte personnelle et reconnaissable à leur création, pouvez-vous me donner le nom du réalisateur de Ant-Man et la Guêpe ? Ou de Thor 2 : Le Monde des ténèbres ? Ou de Black Widow, ou encore Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux? Des films lambda la plupart du temps tournés par des réalisateurs qui suivent un scénario à la virgule près, aidés par des effets spéciaux. Et en toute honnêteté, ce Doctor Strange in the Multiverse of Madness propose de très jolies choses à l’écran. Il faut dire que Sam Raimi est un auteur, qui possède un vrai style cinématographique. Ce dernier a certes un peu vieilli, mais on sent toutefois que chaque plan, chaque séquence est pensée comme faisant partie d’un tout, plutôt que comme une succession de scènes techniques. C’est un véritable festival, que ce soit dans le choix des transitions entre les scènes, souvent pertinent ou encore dans la variété d’univers et de combats proposés. Le combat entre Strange et son double maléfique est juste splendide, même si une variante avait déjà été proposé dans la série Legion. On comprend tout, l’action est claire et chaque plan est un régal pour les yeux. Je pourrais citer des tonnes de scènes qui apportent, de par leur conception et leur réalisation, quelque chose. Le réveil de Wanda au début du film, avec un brusque arrêt de la musique et une transition dure entre le rêve et la réalité, le combat entre Strange et Strange, l’arrivée de Wanda sur une terre parallèle version exorciste, la plongée dans des tonnes d’univers différents, bref on en prend plein les mirettes ! De fait, Doctor Strange in the Multiverse of Madness est par plusieurs aspects l’anti-Spider-Man : No Way Home, qui proposait des scènes mal réalisées, où l’on ne comprenait rien et dont le succès n’est dû qu’à un fan service lourdingue et mal fichu, mais qui a fonctionné. Voyez-vous un plan intéressant dans le film de Jon Watts ? Un plan où il y a une idée de réalisation ? Même le sauvetage de MJ tombe totalement à plat en termes de narration. Ici, Sam Raimi joue avec les effets de profondeur, les effets de camera et bien évidemment les effets spéciaux. Et avoir un ajout d’inventivité semble pour le moins normal dans la cadre d’un film qui parle des univers parallèles et de la magie. S’il fallait être créatif, c’était bien sur ce film-là, et c’est réussi !
POINT FAIBLE : Un scénario pas très original et pas assez nuancé
Le sursaut de créativité de Doctor Strange in The Mutiverse of Madness est d’autant plus impressionnant que le scénario est quand-même très linéaire et assez peu ambitieux. Globalement, il s’agit d’une course poursuite à travers les réalités. Le méchant est exposé dès les premières scènes et il y a très peu de surprises. Je suis aussi assez circonspect sur l’utilisation des pouvoirs d’America Chavez, dont on ne comprend pas bien le fonctionnement. Mais mon gros problème réside dans le traitement de Wanda. OK, on comprend bien que le film fait de notre sorcière rouge un personnage très unidimensionnel, poussé par une seule idée : revoir ses enfants. Mais du coup, Vision est totalement oublié, il n’est, je pense, même pas cité dans tout le film. Wanda n’aurait-elle pas aussi envie de retrouver son mari à travers les dimensions ? C’est dommage car il y aurait eu plus de nuances à donner au personnage avec cet élément. De plus, il semblait qu’elle faisait tout un cheminement de pensée durant la série WandaVision, cheminement qui a été totalement oublié dès le début du film. Je suis également surpris de constater que les éléments du Multiverse définis dans la série Loki et qui correspondent totalement à cette histoire ne soient pas intégrés. C’est encore plus paradoxal dans la mesure où le scénariste de Doctor Strange in the Multiverse of Madness et Loki est le même. Après, ce n’est peut-être pas un défaut, mais étant donné que le film est intimement lié à la série Wandavision, il en aurait pu être de même avec Loki. Après, même si l’intrigue est basique cette volonté d’aller toujours de l’avant, en dépit de nuances, rythme le film de lanière satisfaisante.
POINT FORT : On ne voit pas le temps passer
La linéarité de ce scénario est toutefois à l’origine d’un avantage certain : le rythme. C’est l’une des rares fois où je ne m’ennuie pas devant un films Marvel depuis longtemps. Il n’y a pas de scènes en trop, tout s’enchaîne parfaitement. L’idée de cette course poursuite étalée sur deux heures fait qu’on ne voit pas du tout le temps passer. Il faudrait des pages et des pages pour lister les scènes inutiles ou les films trop longs du MCU, ici il n’y a pas de gras. Pas de scène redondante, pas trop d’exposition. Et la longueur est juste parfaite : à peine deux heures ! Côté divertissement, on coche totalement les cases. Même si le personnage principal est inexistant.
POINT FAIBLE : Des personnages désagréables et un héros absent
Quand on fait un film de super-héros, la moindre des choses c’est de proposer un héros qui permettra aux gens de s’y identifier. Et même si le Doctor Strange n’est, à priori, pas le plus empathique ni le plus altruiste des superhéros dès ses premières apparitions, on ne met pas beaucoup de ses côtés positifs en avant dans ce film. Il subit plus l’intrigue qu’autre chose et prend souvent de mauvaises décisions. De la même manière, en dehors d’America Chavez, je ne vois pas de figure un peu sympathique dans ce film. Les Illuminati agissent un peu comme des idiots bourrins et Mordo trahit comme un sale. Si cela n’enlève pas de rythme au film, on a un peu du mal à avoir de l’empathie pour les personnages et ce qui leur arrive.
POINT FORT : America Chavez
On ne va pas se le cacher, dès qu’un adolescent arrive dans une histoire, il est sauf rares exceptions une tête à claques qui prend toujours les mauvaises décisions. Eh bien à ma grande surprise, ce n’est pas le cas ici. America Chavez est un élément moteur de tout le film et son intégrité, ni son intelligence, ne sont à remettre en question. L’actrice Xochitl Gomez apporte toute sa fraîcheur et son enthousiasme au personnage, qui aurait vraiment pu être agaçant. C’est réellement un point fort de Doctor Strange in the Multiverse of Madness, un film dans lequel le reste du casting n’est pas franchement à l’aise.
POINT FAIBLE : Des acteurs pas toujours concernés
On sait que ce qui peut parfois pêcher chez Sam Raimi, c’est sa direction d’acteurs, un peu vieillotte. Et c’est malheureusement le cas ici. Alors oui, je sais que la performance d’Elizabeth Olsen est saluée par beaucoup de personnes, mais clairement, je n’ai pas trouvé sa prestation exceptionnelle. À sa décharge, le rôle est assez caricatural, puisqu’il s’agit d’une mère prête à tout pour retrouver ses enfants. Elle est dans la confusion des sentiments, et en toute sincérité, c’est aussi le b.a.-ba de tout acteur qui se respecte. Quant aux autres, ils sont tout simplement absents. Benedict Cumberbatch est tout le temps en dessous, souvent à contretemps. On a véritablement l’impression qu’il s’ennuie. Quant aux autres, à savoir les Illuminati, ils sont plus là pour cachetonner ou pour faire plaisir aux fans qu’autre chose (mention spéciale à Hayley Atwell). On n’adhère pas à ce groupe, ni même à la prestation de Wong, qui n’a, en tout cas à mon goût, jamais fonctionné. Même Rachel Mc Adams se contente de réciter son texte, sans plus. C’est un peu dommage, on aurait aimé un peu plus d’enthousiasme. Le jeu assez terne de la majorité du casting freine un peu le rythme et ne permet pas de scène épique.
POINT FORT : Un humour bien dosé
C’est l’avantage lorsqu’un créateur prend les commandes d’un film : il apporte directement sa vision et ne se contente pas de suivre des punchlines souvent très lourdes. C’est exactement le cas ici. On sent les tics d’écriture de Sam Raimi, ses marottes et généralement, ça passe plutôt bien. En dehors de l’apparition de son acteur fétiche, totalement à côté de la plaque. Je n’arrive pas à me rappeler un gag lourd ou une réplique convenue dans ce film. Il faut dire, encore une fois, que le rythme enjoué de l’histoire ne permet pas ce genre de choses. Pas une grande surprise dans la mesure où le scénariste était déjà celui de Loki, qui n’allait pas non plus dans les références bas de gamme.
POINT FAIBLE : Des Illuminati de chez Wish
Lorsqu’on me demande quelles sont les références du film concernant les comics, force est de reconnaître qu’il n’y a pas grand-chose. Je reconnais Shuma-Gorath comme monstre du début, mais en dehors de ça, je ne vois pas grand-chose. Mais comme il faut absolument du fan service, nous voilà avec une version des Illuminati qui pour le coup, ne fait aucun clin d’œil aux lecteurs de Marvel, mais plutôt à ceux du MCU. Et c’est quand-même très bas de gamme. OK, il y en a un, voire deux qui pourront peut-être vous faire un peu lever votre sourcil, mais le reste ? Des personnages qui n’ont pas grand-chose avoir avec un groupe secret constitués d’éléments majeurs de l’univers et que le réalisateur balaye en quelques minutes tel un James Gunn dans Suicide Squad. Après, j’ai horreur du fan service. Donc ce n’est peut-être pas plus mal. Mais quitte à en produire, j’aurais préféré voir autre chose que des Illuminati du pauvre issus des pires heures du MCU.
POINT FORT : Un film qui repousse les limites
Ce qui est surprenant dans Doctor Strange in the Multiverse of Madness, c’est que le film est assez…gore, pour les standards du moment. En effet, rarement un film Marvel classé tout public nous aura proposé des scènes à la limite de l’horreur. Des têtes qui explosent, des gerbes de sang, des zombies dont il manque un bout de mâchoire, des cadavres ressuscités. Après, rien qui ne fera frissonner le jeune public comme un Indiana Jones et le temple maudit, mais c’est quand-même assez surprenant pour une entreprise comme Disney qui a peur de tout. Et je trouve ça très bien ! De fait, le réalisateur utilise sa notoriété pour pousser un peu les limites imposées par le cadre d’un film MCU. S’il ne transgresse pas, il repousse un peu les bords du cadre, de l’intérieur. Et c’est à mon sens la meilleure manière de changer les choses. On avait pu voir un peu la même chose avec Éternels de Chloé Zaho avec la première scène d’amour, certes bien chaste, mais qui a le mérite d’exister.
POINT FAIBLE : Une fin bisounours
Et là, c’est le drame… On prend un malin plaisir à voir comment Sam Raimi détourne un peu les codes des films Marvel et le voilà qui nous propose une fin digne de La Petite Maison dans la Prairie. L’intrigue est totalement résolue par un "Prends confiance en toi" qu’on a déjà vu des centaines de milliers de fois et cela met quasiment tout le film en l’air. C’est dommage parce que l’on avait jusque-là une réalisation qui sortait un peu des sentiers battus et là, on termine sur un archétype scénaristique assez niais. On était limite dans un film un peu transgressif et nous revoilà dans du Disney le plus sucré qui existe. Le destin de Wanda est classique, attendu si l’on se réfère à ce qui se passe dans le film.
CONCLUSION : POSITIVE !
Doctor Strange in The Multiverse of Madness, sans être un chef d’œuvre, nous propose deux heures où l’on ne voit pas le temps passer. Ce n’est certes pas dû à son intrigue assez linéaire, ni même à son jeu d’acteurs parfois limite, mais plutôt à une réalisation maîtrisée ainsi qu’une volonté de proposer quelque chose de très créatif. La volonté de tenter de repousser un peu les limites de l’horreur dans une franchise Marvel est aussi à saluer ! Je lui mets un bon 12/20. Dans la moyenne haute d’un film Marvel.