Le marché du comics en France est-il en danger ? À l’heure où le marché de la bande-dessinée est en pleine croissance, la bande dessinée américaine peine à se faire une place. Face à cette situation, et suite à la publication d’une vidéo de la part de HiComics, de nombreux lecteurs ont décidé de réagir. Avec un peu plus de recul, rassemblons les éléments pour comprendre en quoi le marché du comics en France se trouve dans une situation inconfortable.

Le marché du comics en France, sous les Mangas et les BD

2021 est une année pleine de fierté pour les passionnés du neuvième art. Et c’est beau. Pas de doute là-dessus. Mais sous ce vernis doré, se cache un fossé considérable entre les différentes catégories. Car c’est surtout du côté du manga que tout explose. À lui seul, il représente 55% du marché de la BD. Le BD européenne se place en second avec la BD jeunesse avec 41%.

Et les comics dans tout ça ? Ils profitent eux aussi de cette croissance selon les chiffres d’une étude menée par GfK Market Intelligence. Une hausse de 14.5% de CA entre août 2020 et Septembre 2021 et un volume de vente augmentant de 18%.

Alors où est le problème ? Malgré sur l’ensemble du marché de la BD, les comics ne représentent que 4%. Aïe.

Une croissance portée par les super-héros ?

Les ventes de comics concernent en très grande partie les super-héros. Les encapés représentent 71% des ventes. Un nombre colossal car il s’agit de 71% partagés en très grande partie entre les deux géants du secteur : Panini Comics et Urban Comics. Le super-héros est bien plus facile à vendre, car bien plus populaire que le titre indépendant.

On pourrait croire que les comics de super-héros se portent donc bien, puisqu’ils dominent les titres indépendants sous tous rapports. La réalité est toute autre. La publication de licences implique un achat des droits d’exploitation. Et l’achat de ces droits peut revenir extrêmement cher. Si Panini Comics a préféré laisser tomber les licences DC Comics – il y a une dizaine d'années – pour se concentrer sur les licences Marvel, ce n’est pas un hasard.

Le marché du comics se trouve dans une position des plus inconfortables avec des éditeurs faisant face à des difficultés différentes. Pour tenter d’attirer de nouveaux lecteurs, les opérations spéciales "Printemps du comics" et "Opération de l’été" des deux géants sont toujours un succès. À tel point que Urban Comics tente désormais une collection dédiée au petit format avec Urban Comics Nomad. L’objectif, rendre les comics accessibles (environ 10€) pour une pagination et un format se rapprochant étrangement… du manga. Une méthode surprenante pour tenter d’attirer un nouveau lectorat.

Les comics indépendants : premiers touchés

L’état actuel du marché touche cependant les éditeurs de comics indépendants. Suite au bilan 2021, Sullivan Rouaud a tiré la sonnette d’alarme dans sa vidéo. Son appel consistait à demander aux lecteurs de se mobiliser pour faire parler de cette culture, finalement restée marginale. Ce mode de communication surprenant nous laisse imaginer l’état de détresse qui peut régner chez les éditeurs. Chaque titre publié est un coup d’essai motivé par la passion, la volonté de rendre accessible une œuvre.

Quel est donc le problème ? HiComics communique très bien sur ses sorties et ses projets. Il n’est pas question de remettre en cause le travail de la maison d’édition, ni des titres proposés. Ou du moins, pas tout à fait.

Le problème serait la place et la considération des comics en France. Notamment pour les titres indépendants. Les publications indépendantes sont étiquetées « comics ». Les éditeurs sont honnêtes sur leur produit. Ils s’adressent aux lecteurs de comics, alors que leur produit plairait avant tout aux lecteurs de BD européennes.

Le cœur du problème vient du fait que la définition même des comics ne soit pas comprise en France. Les comics souffrent de nombreux stéréotypes leur collant à la peau ici, en France. Malgré une présence accrue sur grand écran, les comics restent perçus comme enfantins. De ce fait, qui irait se perdre dans un maigre rayon « comics » ?

Le problème concernerait avant tout les grandes enseignes. Au risque de généraliser, elles ne savent jamais vraiment où ranger ces albums publiés par des éditeurs de comics, mais dont les récits sont complets et ne répondent à aucune licence. Où ranger Decorum lorsque le rayon comics est inondé de Batman et Spider-Man ? Est-ce bien judicieux de mettre en avant American Ronin lorsque Venom vend bien mieux ?

Avec l'arrivée de Black River sur le marché, voilà peut-être une adaptation possible sur le marché du comics actuel. Et si le comics indépendant trouvait sa place grâce à des licences populaires ? Solution sur le court terme intéressante dans la position actuelle, cette stratégie ne tend pas à faire bouger les choses. Les comics resteront aux yeux du public français des licences opportunistes à des fins purement mercantiles.

La solution porterait sur deux changements. Le premier, du côté des libraires qui pourraient distinguer comics indépendants des comics de super-héros. Quitte à rêver, autant casser les barrières. Soyons fous et mélangeons BD américaine et BD européenne. Il y a bien des auteurs américains dans nos rayons BD, et des auteurs européens dans nos rayons comics. La BD est un art mondial. Il faudrait arrêter de se mentir avec nos étiquettes.

Le deuxième changement serait de rompre l’image des comics, de faire entendre une nouvelle définition de ce terme. Et sur ce point, le train semble déjà être en marche. La communauté a déjà répondu présent pour faire bouger les choses.

4% de lecteurs de comics : sommes-nous des marginaux ?

Réduits à 4% sur le marché de la BD en France, le secteur du comics se porte mal. Et si Urban Comics et Panini Comics en sont les deux géants, les petits éditeurs sont en peine, au point de craindre pour leur survie. Mais sommes-nous condamnés à rester des marginaux ? Car ce statut est loin d'être nouveau.

Dans la tentative désespérée d’unir les lecteurs, de propager ce goût d’une culture américaine réduite à des stéréotypes, chacun y va à l’aide de ses moyens. Parmi ces initiatives, un groupe s’est formé sous un nom évident #noussommesles4%.

noussommesles4

Le groupe s’est formé à la suite à la vidéo de Sullivan Rouaud et se propage à travers les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram). Géré par trois passionnés qui composent le noyau dur du mouvement, ils tentent de mobiliser la communauté comics, mais également les autres lecteurs de BD. Le groupe aspire à étendre l’influence de la culture comics et ses richesses.

Il n’est pas question d’auto-alimenter la communauté comics mais bien de l’agrandir et de la rendre active. Pour ça, le groupe semble aspirer à des desseins plus grands et communiquer avec des personnalités du milieu (libraires, éditeurs, artistes). Ce n’est donc pas une solution miracle, mais une action qui est à reconnaître et dont l’esprit transpire la bonne volonté. Une démarche à suivre, et peut-être, à rejoindre.

Si nous savions être une minorité en France, il est désormais clair que nous sommes une minorité même parmi les lecteurs de BD. 1, 2, 3 ou 4%, si nous sommes aujourd’hui définis sur le marché par un foutu chiffre, soyons fiers de trouver notre passion dans cette grande et heureuse famille qu’est la communauté comics.

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