Du petit projet étonnant au succès qu’il est actuellement, l’univers qu’est White Knight aujourd’hui était impensable dix ans plus tôt. Sean Murphy était un jeune talent en plein essor, fort d’une expérience chez Vertigo avec Punk Rock Jesus et Joe : l’aventure intérieure. Avec son troisième volet, Beyond the White Knight, Sean Murphy perturbe son lectorat. Ce dernier se trouve divisé entre le plaisir de suivre Sean Murphy dans sa création passionnée et un manque total de repères dérangeant.

Avec une telle réception, il est temps de trouver une explication à ce que devient l’univers White Knight. Comment expliquer un changement aussi radical sur cet univers dont Sean Murphy semble avoir un contrôle total ?

Sean Murphy : fan service et concepts extrêmes

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Pour comprendre la vision de Batman par Sean Murphy, il faut chercher du côté des projets qu’il a soumis à DC Comics. Pour un projet d’histoire dans la série anthologique Batman: Black & White, Sean Murphy a proposé un Batman post-Killing Joke. Lassé par les crimes commis par ses ennemis, il se résout à s’armer et à tous les éliminer à l’Asile d’Arkham.

Sean Murphy savait très bien qu’il avait peu de chances de voir cette histoire sortir. Cependant, il voulait apporter au personnage un second degré qu’il manquait dans les productions de ce héros. Sean Murphy n’hésite pas à déranger en engageant des idées parfois choquantes, aux antipodes du personnage. Il s'agit également une qualité, car il peut réussir à nous proposer une vision différente du personnage, au risque de tomber dans l’extrême.

Mais Sean Murphy nous aura rapidement montré que sa vision de Batman est surtout prétexte à rappeler sa passion pour la série animée de Bruce Timm. Cela s’en ressent surtout dans ses visuels et sa constante envie de multiplier les easter-eggs dans ses planches. Le fan-service devient indissociable de son travail sur Batman.

Pour Murphy, il est également question de métaphore à travers ses multiples références. Il tente de se servir de ces références pour évoquer le temps ayant défilé entre les volets de la saga. En interview, l'artiste précise que les différents modèles de Batmobiles sont les preuves d'une expérience acquise et de périodes traversées par le personnage. On peut difficilement réfuter l'idée. Le problème étant que le sens recherché n'est qu'à peine évoqué et se retrouve noyé dans une multitude de références, ayant ainsi bien plus le rôle de jeu de reconnaissance avec le lecteur que de véritable sens au sein du récit. Un aspect dérangeant pour certains, une passion honnête et partagée pour d’autres.

Batman: White Knight

batman white knight urban comicsEn 2018, Sean Murphy disait qu’il voulait, avec Batman: White Knight, apporter une conclusion à Batman en faisant de ses ennemis des personnages auxquels il était possible de s’attacher. Le projet dispose alors d’une direction stable. White Knight propose un Batman dans l’excès, condamné, là où ses ennemis se révèlent être parfois plus sains que lui. L'auteur réemploie des concepts déjà travaillés sur Batman, notamment dans les années 90 avec The Last Arkham par Alan Grant, entre autres, et dans les années 2000 avec The Man Who Laughs de Ed Brubaker. Il y ajoute un nouvel angle d'attaque en osant politiser un personnage comme le Joker. Personne n'a osé revenir sur cette association depuis Jim Starlin.

Avec Batman White Knight, le Joker se fait sauveur de Gotham City. Il séduit naturellement la population et le lecteur. Le public se passionne toujours pour celui qui a vécu, celui qui s’est repenti. Surtout lorsque le sort s’acharne sur le justicier déviant. Ainsi le chevalier blanc se trouve enrichi de sens multiples, et va bien plus loin qu’une simple opposition au chevalier noir. Si Sean Murphy ne pouvait pas malmener les ennemis de Batman, il allait malmener son héros. Le récit se suffit à lui seul, ce qui en fait une histoire accessible et moderne pour de nouveaux lecteurs. Ceci explique donc sa popularité actuelle.

Batman: Curse of the White Knight

batman curse of the white knightLorsqu’une suite a été annoncée, il était difficile d’imaginer ce que Sean Murphy avait en tête. Et à vrai dire, l'auteur lui-même ne semblait pas vraiment savoir où il allait. Le concept du White Knight reste travaillé dans Curse of the White Knight. Batman redevient le sauveur de Gotham, mais peut-il y avoir de chevalier pur ? Comment Batman peut désormais se repentir de ses fautes passées ? Quand la faute ne touche plus Batman, mais Bruce Wayne, il est donc question de laver son honneur et de payer sa dette.

Curse of the White Knight développe un aspect radicalement plus chevaleresque. Alors que Sean Murphy souhaitait créer tout un ordre de chevaliers, Mark Doyle, son éditeur, lui souffle l’idée d’utiliser Azrael comme antagoniste. Sous diverses intrigues entremêlées et des sensations fortes, Curse of the White Knight permet à Murphy de faire un ménage radical dans son univers, afin de préparer le terrain pour la suite.

L’artiste a déjà en tête l’idée d’un Beyond the White Knight. On remarque alors une fin ouverte intrigante, osée, rebelle. Tout ce qu’on connaissait de sa bonne période Punk Rock Jesus. Ses préparations consistaient en une transformation de Gotham, une modernisation et une progression chronologique pour faire vieillir ses personnages et présenter une évolution à travers le temps.

D’une vision de Batman à un univers très personnel

joker batman white knightLe premier problème est que Sean Murphy est revenu sur ses idées. On le remarque surtout avec la conclusion de Curse of the White Knight. Non seulement Red Hood change de design avec la série Harley Quinn, mais il change également de fonction dans cet univers. L'auteur fait machine arrière et Beyond the White Knight tente de recoller les morceaux avec une introduction assez confuse, laissant le lecteur découvrir un nouvel univers rompant totalement avec ses attentes.

Beyond the White Knight est perçu comme la suite de trop. Si le ressenti peut se comprendre, il ne faut pas oublier que Beyond the White Knight est le premier pas vers ce que Sean Murphy visait. C’est le chemin emprunté qui a changé et l’attachement à cet univers.

Avec la mini-série Harley Quinn, on note un grand bouleversement dans le rôle que tient le personnage dans l’univers. Un rôle déjà pressenti dans Curse of the White Knight. La fameuse question d’une Harley Quinn comme véritable "White Knight", comme personnage principal dissimulé depuis le début. Cette interprétation n’est pas incohérente, car Sean Murphy ne cesse de rappeler à quel point sa femme joue un rôle important dans son écriture de Harley Quinn.

Entre l’influence de sa femme et son travail en collaboration avec Matteo Scalera, ami très proche de Murphy, ce projet de fan est partagé. Ce qui était un projet concentré sur Batman et le Joker s’est transformé en univers dans lequel l’artiste se projette, lui et son entourage. Tout ceci rend bien plus compréhensible ce changement radical de ton dans Beyond the White Knight revenant sur une Bat-Family reconstituée.

Beyond the White Knight, le volet de trop ?

terry beyond the white knightAppréciation personnelle à part, Beyond the White Knight reste fidèle à l’esprit de Sean Murphy. Il est un artiste libre de faire ce qu’il veut avec la délicatesse qu’il entend. Un fan souhaite une stabilité – rappelez-vous que Batman n’a pas tellement changé en plus de 80 ans. Sean Murphy fait tout pour rompre cette stabilité. Il brise Batman dans White Knight. Il brise Bruce Wayne dans Curse. Il reconstruit dans Beyond.

On peut assurément reprocher la rapidité des explications données et d’un traitement des personnages expéditifs. Mais on ne peut retirer à Sean Murphy sa qualité d’artiste à vouloir imposer de nouveaux concepts, de nouvelles idées. N’oublions pas que s’il peut déranger, il offre une vision singulière de Batman, un personnage pourtant surreprésenté sur le marché.

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