Vous en connaissez assurément deux, mais les comics recèlent d’univers partagés. La continuité n’est pas unique. DC, Marvel, mais également Milestone, Spawn, et j’en passe, sont des univers où des licences cohabitent avec plus ou moins de facilité. La grande question de la continuité est devenue le sujet problématique pour tout lecteur de comics. Mais la continuité est un concept. Et pour chacune d’entre elles, il existe de nombreuses variations.

Pourquoi la continuité dans les comics est-elle importante ?

La continuité encadre l’univers. Elle s’assure d’une cohabitation censée des licences dans un même monde. Elle doit donner l’impression de faire défiler le temps entre les séries. Pour cela, on s’inquiète de savoir par où commencer. Que faut-il lire ensuite ? Dans quel ordre ? C’est à la continuité que revient ce travail malencontreux d’instaurer un ordre et une progression de l’univers. En cela, les nouveaux lecteurs ont tendance à lui reprocher d’être leur difficulté première pour commencer les comics.

Le run de Jonathan Hickman chez Marvel présente une longue histoire publiée sur 7 ans et a considérablement modifié la continuité Marvel. Source : r/Marvel

Mais ce n’est qu’une impression, car la continuité doit également faire stagner les personnages dans une situation connue de tous. Pourquoi avons-nous pu découvrir Batman à travers la trilogie de Christopher Nolan sans avoir lu aucune histoire au préalable ? Les scénaristes pensent bien à réintroduire leur personnage régulièrement. Et cela, tout en tenant compte des connaissances issues de l’imaginaire collectif. Tout le monde sait que Bruce Wayne est devenu Batman suite à la mort de ses parents. Nul besoin de raconter une énième fois ses origines. Même si la continuité peut faire peur, elle est aussi bien l’ami que l’ennemi du nouveau lecteur. Elle doit permettre à tout nouveau lecteur de pouvoir prendre le train en marche, tout en satisfaisant les anciens lecteurs et leur apporter une sensation de nouveauté.

Nocturna compte parmi les amours perdus de Batman. Un souvenir trouble chez les fans de la chauve-souris.

On se concentre alors sur le scénariste apportant une vision nouvelle d’un personnage. Cette dernière doit cohabiter avec le reste de l’univers, et surtout, se faire accepter des lecteurs. L’importance de la continuité est de faire coexister ces différentes itérations de héros. Qu’on comprenne, à travers une certaine logique que toutes ces formes répondent à un même personnage, ayant existé aux côtés de toutes ces versions d’autres personnages.

L’univers DC intègre aussi bien le Batman actuel, plus détective et père de famille, que les versions des années 70 et 90 où Batman était plus une créature de la nuit, lorgnant du côté du fantastique. Pour l’anecdote, rappelez vous que la continuité tient compte de sa relation avec une femme vampire dont il était amoureux. Les comics peuvent se permettre de laisser certaines informations de côté pour ne jamais y revenir. Certaines histoires restent en marge. On les oublie et les lecteurs ne gardent que l’essentiel pour construire le mythe d’un personnage. Chaque histoire est une tentative, et l’histoire d’un personnage n’est forgée que par les plus importantes.

À qui sert la continuité ?

La continuité sert avant tout les intérêts de la maison d’édition. Elle n’est qu’un concept adaptable de diverses manières, avec plus ou moins de rigueur. L’univers partagé est un moyen d’exploiter le plus de licences possibles régulièrement afin d’en conserver les droits d’exploitation. La continuité et l’univers partagé sont des outils pour faire de cet univers fictif une vitrine pour la maison d’édition. Vous aimez Batman ? Lisez donc World’s Finest où il s’allie avec Superman. Vous découvrirez alors la Doom Patrol, les Teen Titans et tant d’autres licences qui vous amèneront à découvrir plus. Et dépenser plus.

DC Comics essaye de clarifier sa continuité. Un fardeau que l'éditeur traine depuis Crisis on Infinite Earths (1985)

Dans cette logique d’entretien, la maison d’édition lutte pourtant contre les effets du temps. Il faut que les héros restent adultes. Ils ne doivent pas mourir. Et la meilleure solution à ce sujet, est d’adapter les règles de la continuité. Les récits des héros sont organisés selon une certaine chronologie ne correspondant pas à l’ordre de parution. Les éditeurs établissent une progression chronologique sans jamais mentionner – ou de manière très vague – le temps qui passe. Les données temporelles sont rarement précises. Et lorsqu’elles le sont, elles ne peuvent perdurer. Plusieurs tentatives à ce sujet ont été réalisées. Le constat reste le même. Ces indications ne font qu’amener des incohérences.

Ces règles sont adaptables au bon vouloir de l’éditeur. Chez DC, Infinite Frontier lance un renouveau suite à une gestion très discutable de leur continuité. Chez Marvel, elle trouve une bonne stabilité. Les comics parviennent à cohabiter tout en apportant de grandes libertés aux équipes créatives sur leurs séries. A côté de ça, Marvel contient un petit univers avec les X-men. Les X-men suivent les événements se déroulant au sein de l’univers Marvel, tout en développant leurs aventures. Ils ont un réseau de séries régulières se répondant de temps à autre.

4 ans après sa sortie, House of X reste une lecture nécessaire afin de comprendre l'univers mutant actuel.

En cela, n'oublions cependant pas que la continuité est l’un des facteurs de plaisir de lecture de comics. Elle peut faire peur aux premiers abords, notamment lorsqu’il est question de s’engager à l’achat. En revanche, elle passionne. Elle sert le lecteur.

Rappelez vous de ces sensations lorsque les Avengers ont été réunis pour la première fois au cinéma. Rappelez vous lorsque vous avez compris que Spider-Man pouvait affronter ses ennemis aux côtés de Iron Man ou de Captain America. Ce plaisir a pu disparaître avec le temps, certainement parce que nous le tenons pour acquis. Il est pourtant toujours présent à travers nos lectures, les interventions pertinentes et agréables d’un héros venu prêter main forte à un ami. Sans univers partagé, les valeurs de nos héros pourraient perdre en intensité.

La continuité nous permet d’établir un semblant d’ordre dans l’histoire de nos personnages et de nous rappeler d’où ils viennent. Ainsi, nous pouvons clairement attester d’une évolution qui nous semble alors logique. Mais la continuité connait cependant ses détracteurs.

Que serait un univers sans continuité ?

Il y a un avant et un après The Flash #123

Avec les nombreuses critiques la visant, la continuité pourrait possiblement disparaître à l’avenir. Mais un univers sans continuité est un univers désaccordé. Les auteurs et artistes seraient libres de toute contrainte, certes. Mais leurs histoires et visions de l’univers rendraient la cohabitation anarchique. En guise d’exemple, un scénariste pourrait écrire une série Iron Man et raconter l’histoire de Pepper Potts menant l’enquête à l’aide d’autres héros pour résoudre le meurtre de Tony Stark. Au même moment, une série Avengers présenterait Tony Stark comme directeur d’une Avengers Academy visant à former de nouveaux membres.

Sans continuité, la chronologie de chaque personnage disparaitrait. C’est une anarchie temporelle qui nous fait effectivement profiter du savoir-faire d’artistes libres. Mais nous y perdons l’entretien d’une histoire bien plus grande, et d’un univers devenu complètement incohérent. Nous avons besoin d’un minimum d’ordre. Si les incohérences sont nombreuses au sein des univers partagés, ce ne sont que des failles visibles, mais acceptables. Supprimer la continuité dans les comics viendrait à supprimer toute cohérence au sein d’un univers partagé.

La continuité est-elle un frein ou un moteur pour les comics ?

Heroes Reborn (1996) tente de moderniser les licences Marvel en écartant certaines figures de la continuité

La continuité est assurément une contrainte pour les artistes. Elle impose des orientations. Elle demande à ce que chacun puisse s’accorder avec le récit des autres auteurs. Sa gestion relève du domptage d’un animal. Il s’agit d’encadrer ce terrain de jeu avec plus ou moins de fermeté. Le travail éditorial demande d’imposer des règles et de s’y tenir. Toute transformation doit être mûrement réfléchie. Le respect de la continuité instaure la paix entre les scénaristes. Et en cela, elle est motrice.

L’histoire des comics nous rappelle que des erreurs sont visibles. Heroes Reborn ou les New 52 amènent les éditeurs à faire machine arrière, à l’aide d’excuses scénaristiques difficilement crédibles. La pression éditoriale n’est pas toujours bonne. A ce titre, le cas Heroes in Crisis révèle bien des failles, entre le projet psychologique de Tom King chez les super-héros DC et l’appropriation de Dan Didio, ancien directeur éditorial, qui en a profité pour y intégrer des événements très discutables.

Aux yeux des scénaristes, la continuité est bien souvent considérée comme un mal. Elle impose des barrières à des esprits qui souhaiteraient passer outre, par quête de sens, par envie ou par souci de simplicité. Seulement, donner le pouvoir au scénariste l'amène à empiéter sur les libertés des autres. L'exemple de Final Crisis, chapeauté par Grant Morrison, en est un bel exemple. Morrison impose à l'éditeur des conséquences requises pour son événement dont il ne se servira finalement pas.

En 2011, DC Comics veut simplifier sa continuité.

Ainsi, certains auteurs dont Greg Pak se sont réjouis de participer à l'écriture des versions New 52. Ces versions faisaient table rase des récits passés, les scénaristes pouvaient se sentir - plus ou moins - libres. A contrario, des scénaristes tels que Geoff Johns ont souffert de cette transition. Ce dernier utilisait l'existence passée de ses personnages pour nourrir leurs nouvelles aventures. On peut alors penser à sa JSA, son run sur Green Lantern, Hawkman ou encore Teen Titans.

Si pour vous la continuité est un frein pour les comics, sans doute craignez vous la continuité. Et pour cela, rappelez vous que vous n’avez pas besoin de tout lire. Vous n’avez pas besoin de tout savoir pour apprécier un titre. Rappelez vous que la continuité tient compte d'éléments farfelus dont vous n'avez pas forcément connaissance. Et cela n’a aucune importance pour lire et apprécier les comics actuels.

La continuité est essentielle, mais n’est pas le maître mot. Des événements sont survenus. Des retcon ont été tentées. Mais c’est à l’histoire, aux lecteurs, artistes et aux éditeurs, de faire reconnaître ou non une histoire marquante.

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