Après Man of Steel et Batman v Superman, Justice League arrive au cinéma. Et cette fois, ce n'est ni Hans Zimmer ni Junkie XL qui signent la musique, mais Danny Elfman. Le compositeur du thème culte de Batman revient plus de 25 ans après avec la lourde tâche d'écrire la bande originale d'un film qui se veut lumineux, épique et tourné vers l'espoir, un soi-disant retour aux sources des icônes de DC Comics. Et si à l'heure où sont écrites ces lignes le film n'est pas encore sorti au cinéma, on peut d'ores et déjà sentir la nostalgie et certains frissons dans le travail livré par Elfman pour cette BO de Justice League.
Note : Afin de mieux illustrer cet article, un lien pour chaque piste de la BO citée en exemple a été ajouté. Nous ignorons si les liens resteront actifs encore longtemps, n'hésitez pas à nous le signaler dans le cas contraire. Pour commencer, posons le contexte. Été 2017, soit quatre mois à peine avant la sortie du film, Danny Elfman se voit confier la tâche de composer la BO de Justice League. La production est alors dans une situation très compliquée : Zack Snyder, pour des raisons personnelles, a laissé sa place de réalisateur à Joss Whedon (Avengers). Celui-ci entame alors une longue et intense série de reshoots. Certains problèmes – dont la moustache de Superman – pousseront la production a travailler jusqu'au dernier moment, juste avant la sortie du film au cinéma. Elfman ne pourra donc commencer à travailler que tardivement, et encore, certainement pas sur le montage finale qui sera diffusé dans les salles. Mais s'il a peut de temps pour trouver l'inspiration, les studios lui font une belle surprise : on lui demande de réutiliser les thèmes iconiques des personnages au cinéma. Donc celui de Superman par John Williams, celui de Wonder Woman par Hans Zimmer et bien entendu, celui qu'il a composé lui-même en 1989 pour le Batman de Tim Burton. Et le compositeur s'en donnera à cœur joie. Pourtant, aucune paresse dans cette bande originale, bien au contraire. Danny Elfman joue avec les thèmes sans jamais les utiliser tels quels. Ils sont toujours réarrangés, parfois méconnaissables. Le meilleur exemple reste celui de Superman (piste 16 - Friends and Foe) : si le compositeur en a beaucoup parlé dans ses derniers interviews – au point qu'on a eu peur d'y voir un spoiler – c'est surtout parce qu'il se doutait que s'il ne l'avait pas évoqué, peu de monde auraient remarqué le clin d’œil au thème de John Williams. Dès la 22ème seconde, un cuivre joue les premières notes à l'identique, sur un tempo bien plus lent, quand une dernière note dissonante évoque une bien mauvaise surprise. La suite confirme l'ambiance pesante et pourtant : en y prêtant une oreille plus attentive, vous reconnaîtrez la (dé)construction du thème original de l'homme d'acier, avec sa montée, ses variations... Mais on change de mode, on déplace des notes, hache le rythme, on met l'accent sur les notes les plus dissonantes là où Williams mettez en valeur les harmonies les plus justes. Au final, le thème est absolument méconnaissable. D'autant qu'un arpège s'ajoute dans une dernière partie, celle utilisée dans le thème de Batman. Et cet arpège reviendra très souvent tout le long de la BO de Justice League, à croire que le Chevalier Noir y est très présent. Et c'est à l'image de l'ensemble de la bande originale. Ne vous attendez pas à de grands thèmes, ici on considère que les personnages ont déjà le leur. C'est un retour aux orchestrations symphoniques, à un son plus organique qui contraste avec l'orchestration synthétique d'Hans Zimmer. Si les deux compositeurs affectionnent les ambiances lourdes et sombres, les longues nappes ambiantes et sobres de Zimmer font place à la multiplication et la sophistication des instruments par Elfman. Si chaque petite mélodie du compositeur allemand est superbement mise en valeur (son thème de Man of Steel est un bijou de simplicité et d'émotions), les notes d'Elfman sont presque noyées dans un ensemble en perpétuelle ébullition. Oui, presque. Car plusieurs écoutes laissent ressortir une énorme palette d'émotions. C'est vivant, il se passe des choses en permanence et on ne peut que reconnaître que le compositeur est un maestro des arrangements et de l'habillage. Et l'utilisation des thèmes est plutôt intelligente. Celui de Wonder Woman sert à faire monter la pression (piste 06 - Wonder Woman rescue), celui de Batman, sûrement pour illustrer l'apparition du personnage ou sa présence à Gotham, est exprimé par des emprunts, quelques notes légères (piste 04 - Batman on the Roof), et souvent par l'arpège cité plus haut (piste 13 - The Tunnel Flight). Ces thèmes qui servent de codes pour illustrer l'arrivée à l'écran de tel ou tel personnage, ces émotions qui varient en permanence, soulignent il est vrai la virtuosité de Danny Elfman. Mais ça laisse entrevoir ce qui semble être un des plus grands défauts de ce score qui semble un peu trop appuyer sur commande le scénario. Un peu comme si on nous demandait d'être triste ou excité par la scène. Ainsi, une écoute suffit à deviner tout le scénario du film. On devine presque chaque scène, l'apparition *surprise* d'un super-héros – qu'on croyait mort par exemple – qui tour à tour inspire la menace et l'espoir. La piste 20 -The Final Battle est un très bon exemple : le thème de Batman y est utilisé, prolongé, mais pour une fois pas transformé, on devine qu'il y aura son grand moment de gloire. Mais surtout, à 2.44 min, c'est le gros moment spoiler : impossible de louper qui est là. Pour le reste, on notera l'utilisation à outrance de chœurs graves pour illustrer le côté sacré (ou tragique par moment) de la mythologie de DC. Les cuivres, comme souvent dans les thèmes de super-héros dont le thème d'Avengers, exprime l'héroïsme (piste 02 - The Justice League Theme - Logos ou même la 17 - Justice League United). Certaines ambiances sont mystérieuses et on se plait à imaginer les scènes qu'elles illustrent (piste 08 - The Story of Steppenwolf, piste 11 - Aquaman in Atlantis ou même piste 15 - Spark of the Flash). Au final, la BO de Justice League ne sera sans doute pas la plus grande BO de la carrière de Danny Elfman, ni même des films de comic books, peut-être même pas de l'année. Le fait qu'il n'y ait pas de grands thèmes qui s'en dégage peut même être un peu décevant. Mais le travail fourni par Elfman est extrêmement riche et varié, ce dont on avait perdu l'habitude ces dernières années dans les films du genre. Même si la première écoute n'apporte pas tout ce que vous auriez souhaité, une seconde puis les suivantes vous apporteront sans doute plus de satisfaction. De nombreuses surprises sont réservés aux oreilles les plus attentives. D'autant que dans quelques temps, après l'avoir mise de côté et oubliée pendant des mois/années, quand vous la réécouterez : de nouvelles surprises se dévoileront à vos oreilles, vous trouverez de nouveaux clins d’œil. Et la magie opérera toujours. JUSTICE LEAGUE au cinéma, le 15 novembre 2017 (voir la seconde bande annonce) Réalisé tout d’abord par Zack Snyder (Man of Steel, BvS), Joss Whedon a pris le relais. Avec Henry Cavill (Clark Kent/Superman), Ben Affleck (Bruce Wayne/Batman), Gal Gadot (Diana Prince/Wonder Woman), Ezra Miller (Barry Allen/The Flash), Jason Momoa (Arthur Curry/Aquaman), Ray Fisher (Victor Stone/Cyborg) et J.K. Simmons (le commissaire James Gordon).
La BO de Justice League est bien entendu de Danny Elfman (Batman, Avengers: Age of Ultron).