Sortie du film oblige, DC Comics nous propose un titre alternatif, hors continuité vraisemblablement, écrit par le scénariste du film The Batman. De fait, on peut penser que le lien entre la bande dessinée et le film sera assez présent et que peut-être les fans de la version cinéma se jetteront sur cette histoire complète. L’histoire a prouvé que ce n’était jamais le cas. Et pour Batman Imposter, ce n’est pas finalement très grave dans la mesure où le récit, s’il a des qualités, reste assez faible et parsemé de défauts.

Batman Imposter

(image : © DC Comics)

Un scénariste qui n’en est pas un ?

Batman Imposter est vendu comme une histoire écrite par le scénariste du film Batman. Et pourtant, vous ne le verrez jamais dans le générique du film de Matt Reeves, et pour cause, ce dernier n’a finalement eu qu’un rôle de consultant. C’est déjà une première imposture. En revanche, Mattson Tomlin (c’est de lui qu’il s’agit) a bien scénarisé le film (assez médiocre) Project Power avec Jaimie Foxx sur Netflix. Donc il connaît les super-héros. Mais rappelons l’adage qui veut qu’un scénariste de cinéma ou de télévision est rarement un bon auteur de comics. Beaucoup s’y sont essayés et nombreux sont ceux qui s’y sont cassé les dents. On peut notamment penser à Allan Heinberg, Kevin Smith, Marc Guggenheim ou encore J.J. Abrams. Quelques exceptions notables, J.M. Straczynski ou Joss Whedon, mais c’est bien peu. Et malheureusement, Mattson Tomlin rentre dans la première catégorie, celle du scénariste de télévision qui rame beaucoup et qui n’arrive pas à adapter son rythme d’écriture à celui d’une bande dessinée. Batman Imposter est en effet bourré de défauts scénaristiques très classiques que l’on analysera un peu plus tard. Mais faisons tout d’abord un petit résumé de l’histoire.

Un imposteur en vadrouille

Batman n’est justicier de Gotham que depuis peu. Il participe activement à la pacification des rues de Gotham et son travail semble plutôt apprécié par la police. Jusqu’à ce que des images du justicier en train d’exécuter des criminels apparaissent et tournent en boucle sur les écrans de télévision. La police n’a donc pas d’autre choix que d’enquêter et c’est l’inspecteur Blair Wong qui va démarrer l'enquête. Et ses investigations la conduisent rapidement à Bruce Wayne. Qui se cache derrière cet imposteur ? Quel est son but ? Est-ce simplement un amateur fou ou est-ce que certains entrepreneurs véreux verraient d’un mauvais œil l’apparition d’un justicier masqué ?

Batman Imposter

(image : © DC Comics)

Un pitch de départ intéressant mais mal mené

Comme souvent avec les personnes qui n’ont pas l’habitude d’écrire des comics, le principe de départ est plutôt intéressant. On y parle des questions d’identité, de confiance sous le masque, des victimes collatérales que les combats du justicier peuvent engendrer. Et surtout, du fait que les actions de Batman peuvent aussi ennuyer certains hommes d’affaire véreux ou faire libérer de prison des criminels de par ses actions pas vraiment légales. Le personnage de Blair est plutôt intéressant et bien développé. Malheureusement, Mattson Tomlin se prend les pieds dans le tapis assez rapidement avec Bruce Wayne. Sa relation avec le docteur Thompkins ne fonctionne pas beaucoup, dans la mesure où elle est surtout faite de clichés et de poncifs. Alors certes, elle permet, par ses dialogues, d’expliquer un peu ce qui se passe dans la tête de Bruce, mais rien de bien nouveau, ni de bien transcendant (« tu as beaucoup de colère en toi »). Et après une première partie assez enjouée, on se retrouve rapidement à tourner en rond. Le scénariste multiplie les fausses pistes mais sans donner beaucoup de tension dans son récit. On pense notamment au personnage d’Otis, expédié aussi rapidement qu’il est arrivé, ou encore au fils du magnat de la finance, qui ne sert pour le coup strictement à rien, si ce n’est un clin d’œil appuyé sorti de nulle part. Le récit s’arrête brusquement lors de sa deuxième partie, où il ne se passe plus rien d’intéressant, pour arriver à une fin assez bâclée et rapidement expédiée.

Batman Imposter

(image : © DC Comics)

Une fin frauduleuse

En effet, après avoir développé des intrigues assez longues sur plusieurs personnages, voici que le scénariste nous bazarde la réponse à son récit en environ trois ou quatre pages. On apprend l’identité de l’imposteur et c’est une énorme déception. En effet, sa révélation tombe totalement à plat, dans la mesure où il s’agit d’un personnage quasiment lambda et pas du tout développé. De fait, cela anéantit toute singularité du récit. Pire, on se demande alors pourquoi avoir passé une centaine de pages sur tout autre chose. C’est un peu le sentiment qui se dégage à la fin de cette lecture. L’impression d’avoir lu une bande dessinée un peu longue, prometteuse dans son premier segment mais qui au final ne propose pas grand-chose. Il y a quelques bons moments, notamment la relation entre Bruce et Blair assez appréciables, mais cela ne suffit pas, surtout qu’il s’agit d’un personnage à usage unique, qu’on ne reverra certainement plus jamais. En fait, Mattson Tomlin est venu avec une idée forte, quelques envies intéressantes, mais n’a pas réussi à les adapter à ce format aussi particulier qu’est le comic book. Trop long, pas assez intense, il se perd au fil des pages. Le parallèle entre les destins de Bruce et Blair pourra être, pour certains, le seul élément un peu digne d’intérêt. Mais  difficile de ne pas rester circonspect devant la résolution de l’intrigue, pas vraiment aidée par le dessin.

Batman Imposter

(image : © DC Comics)

Joli mais pas efficace

Oui, Andrea Sorrentino est un bon illustrateur. Certaines de ses planches, de ses compositions sont tout simplement magnifiques. En revanche, dès qu’on entre un peu dans de l’action, ça se gâte. Si l’artiste est extrêmement doué pour faire passer des sentiments, des ambiances, il est en revanche totalement dépassé lorsque cela bouge un peu. De fait, on ne comprend pas souvent ce qui se passe dès qu’il y a un peu de mouvement. C’est joli, mais très confus et pas facile à suivre. Le pire est lui aussi atteint lors des quelques pages de résolution de l’intrigue. Non seulement on ne comprend pas vraiment ce qui se passe, mais en plus, lorsque le fameux imposteur enlève son masque… on ne voit pas de qui il s’agit au premier abord ! Parce que le scénariste l’a utilisé à peine deux ou trois fois mais aussi parce que le dessinateur n’a pas su lui donner une personnalité et un physique propre et reconnaissable immédiatement. Du coup, là aussi cela tombe à plat même si cela reste, on le répète encore une fois, très joli. On comprend bien que DC ait choisi Sorrentino, qui représente Bruce Wayne avec les traits de Robert Pattinson. L’artiste est très à l’aise avec les références photographiques. Mais globalement ce n’est pas suffisant.

La critique est un peu sévère mais clairement, les qualités de Batman Imposter ne compensent pas ses défauts.  Sans être totalement catastrophique, Batman Imposter est donc un comic book plutôt oubliable et qui, au contraire de ce que l’on nous affirme, n’a pas inspiré le film The Batman, mais s’en est totalement inspiré histoire de surfer sur la vague. Ce qui est, en soi, une imposture.

Batman Imposter (Batman Imposter #1-3) est publié par Urban Comics.

Batman Imposter

(Btaman Imposter, Urban Comics)

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