La création d'une bande dessinée, d'un comic book ou d'un manga est un art complexe et minutieux qui mêle narration, dessin et mise en page. Pour les amateurs, comprendre le processus de création peut enrichir leur appréciation des œuvres. Cet article décrypte les sept étapes essentielles de la conception d'une bande dessinée, de l'idée initiale à la publication finale.
Attention, ces étapes ne sont pas immuables et servent avant tout d'indicateur lors de la production. Certains artistes travaillent de différentes manières et s'éloignent de ce modèle pour des raisons de confort ou d'emploi du temps, afin d'être le plus productif possible. Il se peut également que l'élaboration d'une bande dessinée prenne plus de temps que prévu ou que le succès rencontré redistribue les cartes. Il faut alors revoir certaines étapes.
L'idée et le scénario
L'expression est bien connue : tout commence par une idée. Cette idée peut provenir de diverses sources : une anecdote, une observation quotidienne, ou même un rêve. Dans le cas des comic books, notamment lors du Silver Age, l'idée s'inspirait grandement des problématiques sociétales des années 60-70 comme le nucléaire, l'exploration spatiale, la génétique ou encore la guerre mais de tous temps, le monde réel est une source d'inspiration sans fin pour les scénaristes car les sujets concernent directement les lecteurs.
Une fois l'idée trouvée, l'auteur développe un synopsis, c'est-à-dire un résumé de l'histoire. C'est à partir de ce synopsis que le scénario est écrit. Le scénario de bande dessinée, tout comme celui d'un film, décrit en détail les scènes, les dialogues et les actions des personnages.
C'est durant cette phase essentielle que seront définis les contours principaux de l'histoire qui sera racontée : quel en sera le ton ? Le style ? Le ou les personnages principaux ? Le monde ou l'époque ? Le message à faire passer au lecteur ? etc. Répondre à l'ensemble de ces questions et bien d'autres permet d'assurer la cohérence du scénario sur toute sa longueur mais est avant tout un gage d'imaginaire pour vendre le projet aux producteurs ou aux éditeurs.
C'est souvent un travail d'équipe entre les scénaristes et les dessinateurs puisque ce dernier doit pouvoir comprendre le récit, l'imaginer et le mettre en page. Il se peut qu'il ne suive pas à la lettre les indications fournies et prenne quelques libertés. La collaboration, l'échange et l'alchimie entre ces deux professionnels sont alors grandement nécessaires.
La recherche graphique
Lorsque les grands contours du projet sont définis, le dessinateur commence alors la recherche graphique. C'est durant cette phase qu'il va imaginer à quoi ressembleront les personnages – leur aspect physique, leurs vêtements, leurs expressions –, les accessoires et les décors. Il se peut qu'il existe pour un même personnage des dizaines de versions différentes, souvent très éloignées du résultat final.
Il faut également savoir que cette phase n'est pas propre uniquement au dessinateur du projet. En effet, il arrive parfois que le scénariste y procède afin que tous les détails graphiques coïncident avec ce qu'il a imaginé dans son scénario. C'est par exemple le cas de Gerard Way sur Umbrella Academy, bien que les versions proposées par Gabriel Bá "subliment" celles proposées, comme le confirmera l'auteur.
Le storyboard et le découpage
Après l'écriture du scénario vient l'étape du storyboard. Il s'agit d'une sorte de brouillon visuel de la BD. Il permet de visualiser l'enchaînement des scènes et de tester différentes mises en page. Cette étape est cruciale car elle définit le rythme de l'histoire et l'emplacement des éléments dans chaque case. Le dessinateur réalise des esquisses rapides pour chaque scène, en tenant compte des dialogues et des actions décrits dans le scénario.
Le découpage, quant à lui, consiste à diviser le scénario en différentes planches et cases. Chaque case représente un instant précis de l'histoire et doit être pensée de manière à maximiser l'impact visuel et narratif. Le découpage est une étape clé qui demande une grande maîtrise du rythme et de la mise en scène pour que l'histoire soit fluide et dynamique.
Le dessin et l'encrage
Une fois le storyboard validé, l'étape du dessin commence. Le dessinateur crée les planches définitives en travaillant les détails des personnages, des décors et des expressions. Cette étape demande précision et créativité pour donner vie aux personnages et aux scènes mais aucun projet ne se ressemble. En effet, il peut arriver que le scénario soit très détaillé, laissant peu de marge de manœuvre au dessinateur ou, à l'inverse, que le dessinateur doivent improviser et laisser parler sa créativité vis-à-vis d'un script peu fourni.
Une fois les dessins terminés, ils sont encrés pour renforcer les contours et donner de la profondeur aux illustrations. L'encrage est souvent réalisé à la main, mais peut aussi être fait numériquement, directement par dessus les crayonnés ou bien à l'aide de calques. Cette étape peut être réalisée par le dessinateur lui-même ou bien par un autre artiste plus spécialisé dans cette tâche. L'objectif est d'obtenir des lignes nettes et expressives. L'encrage apporte une dimension supplémentaire aux dessins, leur donnant relief et intensité. Il faut savoir que certaines techniques de dessins ne nécessitent pas d'encrage mais demandent alors un travail bien plus important de la part du dessinateur comme les enhanced pencils (crayons renforcés) utilisés par Andy Kubert dans 1602 de Neil Gaiman.
La couleur
Après l'encrage vient la colorisation. Cette étape est réalisée par un coloriste et permet de rendre vivant le dessin, de lui apporter de la profondeur et de la lumière ou d'inclure dans le récit une touche particulière qui lui est propre, sur le design d'un personnage ou d'un décor par exemple. Elle n'est pas obligatoire puisque de nombreuses bandes dessinées – notamment les mangas – sont en noir et blanc.
La méthode employée a beaucoup évolué au fil des décennies et peut totalement différer selon l'artiste ou le récit. Elle est désormais majoritairement numérique pour un travail plus rapide et offrant un choix plus large mais nombreux sont encore ceux qui préfèrent travailler à la main.
Le lettrage et la traduction
Le lettrage consiste à insérer les dialogues et les textes dans les bulles et les cartouches. Le choix de la typographie, la taille des caractères et leur disposition sont importants pour la lisibilité, la narration et l'esthétique générale de la BD. Certaines maisons d'éditions font également appel à des studios professionnels pour cette étape mais certains scénaristes ou dessinateurs peuvent gérer cette partie eux-mêmes.
La traduction joue un rôle important afin de permettre aux œuvres d'être distribuées dans de nombreux pays à travers le monde. Que ce soit dans le domaine de la bande dessinée ou bien au cinéma, dans les séries ou encore les romans, la traduction est importante car elle permet de garder le ton et l'atmosphère désirés par l'auteur, permettant à chaque lecteur, peu importe sa langue, de comprendre le récit comme il a été pensé. Il se peut également qu'il faille traduire des termes qui n'existent pas. Le traducteur va alors devoir redoubler d'effort pour inventer des mots fantaisistes comme ce fut le cas sur Harry Potter ou Game of Thrones par exemple. Une autre part importante du travail de traduction peut se situer sur les textes incrustés dans les dessins – comme un tag sur un mur ou un sous-titre de JT – ou autour du lettrage car les traductions occupent une place importante dans le bulle. Il convient alors de faire appel à des graphistes pour modifier le dessin original et y inclure la traduction.
L'édition
On approche de la fin avec l'édition de l'œuvre. Celle-ci se prépare en amont, notamment durant la phase de dessin puisque l'éditeur va faire appel à un artiste – parfois le dessinateur lui-même – pour réaliser la couverture et va préparer l'intérieur de la revue. Cela comprend les résumés, les textes d'explication, la quatrième de couverture, la publicité, etc. L'éditeur va aussi choisir le type de papier et le type d'impression voulu selon le format. Enfin, c'est l'heure de l'impression après différentes phases de test. L'éditeur va s'occuper de la promotion et la diffusion – par des tiers comme des libraires – de la bande-dessinée terminée.
Vous l'aurez compris, la création d'une bande dessinée est un processus complexe qui nécessite de nombreuses compétences et une collaboration étroite entre l'auteur, le dessinateur et les autres intervenants. De l'idée initiale à la mise en page finale, chaque étape demande précision et créativité pour donner vie à une histoire captivante. La prochaine fois que vous lirez une bande dessinée, pensez à tout le travail minutieux et passionné qui se cache derrière chaque case et chaque bulle.
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