Dans ce nouveau récit complet, Mark Russel et Steve Pugh (The Flintstones) tournent en ridicule tous les travers de la société moderne à travers une histoire qui pourrait prêter à rire si elle ne tapait pas autant dans le mille. Un récit prophétique, brutal et réussi dont le seul défaut est, peut-être, de manquer parfois de nuance.

Des prisonniers qui ne s'en rendent même pas compte ! (Image : © Mark Russell & Steve Pugh)

Freedom Unlimited : La Solution à tous vos problèmes

Vous avez de l’argent à ne plus savoir qu’en faire ? Vous vous êtes enrichis sur le dos de normes écologiques abusives en graissant la patte d’un politicien pour qu’il vote une loi qui a permis de tripler vos dividendes ? Vous en avez assez de partager votre espace vital avec ces vermines misérables et malodorantes qui n’ont même pas de Rolex à quarante ans ? Vous, dont la maxime est exploiter plus pour gagner plus, comprenez donc les difficultés auxquelles nous, la classe supérieure, sommes confrontés.

Le réchauffement climatique et la surpopulation guettent ! Le nombre de réfugiés s’accroît sans cesse ! Tous sont prêts à taper dans notre gâteau, celui que nous avons construit sur le dos d'enfants ouvriers en Afrique ou en Asie. Il ne manquerait plus que le peuple se révolte.

Heureusement nous avons une solution : Freedom Unlimited !

Créée par l’entrepreneur de génie Bill Canto, Freedom Unlimited est une île artificielle, protégée par des drones automatisés qui sont programmés pour expulser tous ces ratés qui possèdent un capital inférieur à 1 milliard de dollars. Sur Freedom Unlimited, plus de contraintes ! L’île étant située en dehors des eaux internationales, elle n’est soumise à aucune loi, aucune règle : tous les comptes offshores, toutes les magouilles financières et tous les crimes sont permis !

Et tout ça sans payer la moindre taxe !

Les inspecteurs des impôts au fond de l'eau ! (Image : © Mark Russell & Steve Pugh)

Une satire violente

Dans ce récit, Mark Russell nous livre peut-être sa satire la plus violente envers le système économique actuel. Il faut dire que Billionaire Island est publiée par AHOY, une maison d’édition indépendante qui avait déjà confié au scénariste le titre Le Retour du Messie, où il nous racontait la seconde venue de Jésus sur Terre. De fait, l’auteur se lâche totalement avec cette histoire de vengeance. Billionaire Island, c’est un peu le destin croisé de deux personnes qui se font écraser par le système et qui décident soit de le dénoncer, soit de le faire exploser. Shelly est une journaliste, une des rares qui existe encore et qui a enquêté sur des malversations autour d’un programme d’aide alimentaire financé par l’une des sociétés de Bill Canto. Sitôt les moindres doutes émis par la journaliste sur la validité des propos de Canto, la voilà enfermée dans la prison de l’île avec d’autres prisonniers dérangeants. Son chemin va croiser celui d’un ancien soldat, dont la famille est morte à cause du fameux programme alimentaire et qui n’a qu’un rêve : infiltrer l’île pour régler ses comptes avec Canto.

Mais l’histoire est en réalité secondaire. Tout ce que veut faire Russell, c’est dénoncer et démontrer les absurdités d’un système devenu fou, où n’importe qui peut faire n’importe quoi sous prétexte qu’il possède un gros compte en banque. Des tonnes de détails, de petites idées font réellement mouche et l’on se prend à tourner les pages du livre sans s’arrêter, afin de voir jusqu’où Russell et Pugh vont pouvoir aller.

(Image : © Mark Russell & Steve Pugh)

Des défauts de structure

Si les premiers épisodes de Billionaire Island nous enchantent autant qu’ils nous font réfléchir, la dernière partie du comic book manque en revanche un peu de structure. On voit bien que ce qui intéresse avant tout Russell, c’est de dénoncer, de parodier. Et de fait, son intrigue principale n’est là que pour lui permettre de développer ses idées sur la société de consommation, la servitude volontaire et l’appel de l’argent. Du coup, il laisse un peu de côté ses personnages et son intrigue. Par exemple, le héros n’a même pas de nom. On pourra rétorquer que justement, l’auteur nous montre par ce procédé que le système touche surtout les anonymes mais cela réduit quand-même l’intensité de l’histoire. D’ailleurs, la conclusion du récit ne fonctionne pas vraiment. Une fois que Russell a terminé de montrer toutes ses idées et ses parodies, il nous propose une fin chaotique et avec une structure assez changeante. Le dernier épisode, obligatoire pour fermer l’intrigue, me semble de trop, ou tout du moins un peu forcé. Et c’est un peu dommage, car cela réduit en réalité la portée du message. Attention, Billionaire Island est un très bon bouquin, très original et nul doute que vous prendrez un énorme plaisir à recenser les dénonciations les plus extrêmes de Russel et Pugh. Car le dessinateur se fait une fois de plus plaisir en rajoutant des tonnes de détails, de petites choses qui apportent énormément à la satire. C’est le dessinateur parfait pur ce genre de récit. Une intrigue un peu plus ramassée, quitte à réduire sur la satire, aurait, peut-être, permis de ne pas délayer trop le message. Parfois le trop est l’ennemi du bien et si Billionaire Island fait sans conteste partie du haut du panier, il manque un peu de nuance et d’application sur les personnages pour en faire un véritable récit culte. Pour la dénonciation des travers de la société, je continue à préférer son travail sur The Flintstones, inédit en France. À lire toutefois !

Billionaire Island est publié par Urban Comics.

 

BIllionaire Island, Urban Comics

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