Après Infinity War et son game over, Avengers: Endgame vient conclure le jeu du Marvel Cinematic Universe. Onze ans d'intrigues, de personnages et d'adaptations (pas toujours heureuses) du vaste héritage légué à la fiction par le regretté Stan Lee et la Maison des Idées. L'heure de dire au revoir (et à jamais ?) aux plus grands héros de la Terre dans un débordement d'émotions contraires que tant de fans auront investies dans les aventures de ces désormais grandes figures de la pop culture.
Cette chronique sera la plus complexe qu'il m'aura été donné de rédiger pour Superpouvoir. Garanties sans spoilers, ces lignes resteront à la surface des choses, sans rien vous révéler mais gardons à l'esprit que sans vous faire part de notre ressenti, il sera difficile de tenir plus de quelques lignes.
Le premier mot qui vient à l'esprit pour résumer ces trois heures de film : émotion. Le long de cette intense conclusion, le spectateur sera amené à être éprouvé de bien des façons, entre la depiction d'un monde gris et terne, laissé à l'abandon suite au snapping de Thanos, des retrouvailles anticipées, des pertes inévitables et des ultimes chances de sauvetages forcées par le désespoir et l'impuissance. Sans oublier l'état de deuil dans lequel le film précédent nous avait laissé suite à l'acte de purge inéluctable (retenez bien ce mot) du Titan Fou pour restaurer l'équilibre dans l'univers et la certitude que le film nous mettra pour la dernière fois en présence de certains de nos héros fétiches.
Mais comme l'a bien prouvé le désavoué Star-Lord, se montrer émotif peut avoir des conséquences sur le court et, dans le cas précis, le long terme.
Avengers: Endgame se découpe ainsi en trois actes bien distincts, parfois aussi bâtards que jouissifs pour quiconque aura été un fidèle du MCU depuis ses débuts. Car si elle fera naître des larmichettes de tristesse et de joie sur les visages des fans, la conclusion chapeautée par les frères Russo n'en demeure pas moins bardée de quelques passages à vide et d'une bonne poignée de facilités scénaristiques – le retour de certains personnages dans l'intrigue tient du karma pur tandis que d'autres n'interviennent que par pur souci de "Deus Ex Machinaser".
Toutefois, on le rappelle : n'oubliez tout de même pas d'être à jour dans les événements de cet univers, même sommairement, pour bien en saisir tous les enjeux. Car le film s'adresse avant tout aux fans.
Après l'émotion, la surprise. Ou plutôt, les surprises. Ces dernières parsèment le métrage de bout en bout, du simple clin d’œil à la réplique miroir renvoyant aux punchlines les plus mémorables du Marvel Cinematic Universe. Ne nous mentons pas, le producteur Kevin Feige et ses équipes savent ce qu'ils ont entre les mains et mettent un point d'honneur à jouer avec leur propre héritage, transformant l'ensemble de Avengers: Endgame en une sorte d'immense claque dans le dos qu'ils se feraient à eux-mêmes. Mais quelque part : qui peut davantage se le permettre qu'eux ? Le long de ces onze ans, les liens de complicité entre univers et spectateurs ont été légion et le script sait tirer sur la corde du fan-service avec assez de mou pour ne pas lasser les plus blasés. De fait, les fans les plus assidus ayant guetté jusqu'à la moindre rumeur de tournage de Endgame auront peut-être deviner par avance certains rebondissements de l'intrigue. Mais si peu.
Feige et les Russo sont doués pour la communication et rarement secret aura été aussi bien conservé que les rebondissements de Endgame : démentis, bande-annonces trafiquées, comédiens tenus au secret, ainsi que la hype générale autour du film font de cette conclusion des aventures des Vengeurs un véritable OVNI dans l'histoire de la communication cinématographique. C'est bien simple : le projet s'est presque drivé tout seul dans les esprits, n'étant parvenu à vivre que de son mystère.
Oui, les haters existeront toujours mais sachons rendre à César ce qui est à César : le MCU est parvenu à créer de toutes pièces un nouveau modèle de divertissement produit à rythme soutenu avec une intense efficacité et sans jamais se trahir. (DC et Warner, si vous nous lisez.)
Ce qui nous mène à un troisième point: l'humour, la fameuse donnée de la formule Marvel, depuis copiée par les retardataires pré-cités pour s'assurer du rendement en salles. Malgré la tonalité désespérée et définitive d'Avengers: Endgame, vous rirez devant le film. Beaucoup. Parfois amèrement, tant certaines blagues viennent désamorcer d'intenses moments d'émotion ou d'importantes révélations ayant court dans l'histoire. En particulier via le personnage de Thor qui prendra des atours extrêmement particuliers et auquel le réalisateur de Ragnarok, Taika Waititi, n'est clairement pas étranger (sérieux, oubliez James Gunn les gars... Le vrai punk du MCU, c'est lui). Si cet aspect par trop systématique vous avait rebuté jusque-là, il y a fort à parier que le ton de Endgame enfoncera le clou et que le film vous décevra partiellement. Mais en contrepartie des gros sabots pas très fins, certaines touches d'humour, minutieusement placées dans du pur comique de situation, auront tout de réjouissant, parfois jusqu'à nous arracher de sincères applaudissements.
Une sincérité qui revient aussi dans le jeu des comédiens. Si Chris Hemsworth donne encore cours à son talent de comique, les prestations habitées de Chris Evans, Scarlett Johansson, Karen Gillan et Robert Downey Jr sont tout bonnement folles et figurent déjà parmi les plus belles de toute la saga. Quant au marquant Josh Brolin, derrière la motion-capture de Thanos, il sera malheureusement un cran en dessous de ce qu'il proposait dans Infinity War, jouant sur un registre différent et offrant à son imposant Titan une nouvelle facette, plus impitoyable, celle d'un "grand méchant" un peu incomplet et classique pour lequel on avait pourtant initialement beaucoup sympathisé.
Le film est-il aussi épique que son prédécesseur ? La question est mal posée. Avengers: Endgame est un objet, une conclusion plus qu'une suite à Infinity War. Il est plus une réponse à ses tragiques événements qu'une séquelle visant à le compléter. Il oscille entre caméra d'auteur, longs silences et moments d'intimité, pour mieux partir dans une quête plus héroïque, souvent unique dans son genre, avec en aboutissement une inévitable bataille – la plus électrisante que vous pourriez vous imaginer et dont tout lecteur de comics aurait jamais pu rêver.
Avengers: Endgame se veut donc être une récompense ultime, le bonbon le plus riche du monde, dont la recette a été composé après des années de savoir- faire et avec un amour certain pour son sujet. Il sera une consécration absolue pour certains et une conclusion méritée pour d'autres, quand une frange complète de spectateurs n'y verra rien de plus qu'un produit bien emballé.
Avengers: Endgame est à la saga Avengers est ce que Le Retour du Jedi est à Star Wars : un final très satisfaisant, parfois un peu déséquilibré, jouissif malgré l'ombre de son prédécesseur et reposant avant tout sur l'émotion et les personnages. Et devant une foule pas trop sentimentale qui aime à reprocher ce manquement d'humanité aux blockbusters, c'est hautement plaisant et bienvenue.
Pourtant, ce n'est pas la fin du Marvel Cinematic Universe qui va achever sa phase 3 cet été avec Spider-Man : Far From Home avant d'entamer une nouvelle ère avec la phase 4 et déjà cinq à six films prévus. Vers où, quand, comment ? L'univers est vaste. Le Marvel Cinematic Universe est vaste. Vers quels univers, quelles guerres infinies les super-héros pourront-ils encore nous mener ?
Quoi que l'avenir nous réserve, le divertissement – super-héroïque ou pas – de l'année est avant tout humain.