Spider-Man: No Way Home tisse enfin sa toile sur les écrans en ce 15 décembre 2021. Le troisième ( et dernier ?) volet des aventures du tisseur made in MCU par Jon Watts va-t-il combler les hautes attentes qu'il a su cristalliser autour de lui ?

Comme le disait si justement la tante May dans son adage : il existe un héros en chacun de nous, qui nous rend plus fort. Plus honnête. C'est bien ce qu'a toujours été Spider-Man, l'homme-araignée, le petit voisin arachnide sympa du quartier, le super-héros le plus à même de fédérer tous les spectateurs, qu'ils soient jeunes, vieux, riches, pauvres, moches ou beaux. Sa simplicité, sa jeunesse, son côté homme de la rue et son envie perpétuelle de se relever pour affronter les dangers en ont fait une figure plébiscitée de la pop culture et du divertissement super-héroïque. Quoi de plus naturel donc que malgré des propositions risquées, parfois neuves de la part du Marvel Cinematic Universe ces derniers temps – on songe bien sûr aux séries Disney+, à l'inconnu Shang-Chi ou à l'auteurisant Les Éternels –, ce soit encore et toujours ce bon Peter Parker des familles qui possède le véritable pouvoir d'émouvoir, à plus forte raison qu'il jouit par-delà les comics d'une véritable aura cinématographique avec désormais pas moins de neuf films estampillés à son nom, tous univers confondus.

Or, c'est justement d'univers se confondant qu'est constitué la trame scénaristique de ce No Way Home, troisième effort conjoint entre Marvel Studios et Sony pour permettre à l'araignée de vivre sa vie au sein de l'univers (lui aussi partagé) des Avengers et autres super-héros issus de la Maison des Idées depuis maintenant près de quinze ans. Un partenariat toujours plus ou moins situé sur le fil du rasoir et qui trouve aujourd'hui un achèvement symbolique avec l'émergence dans le MCU des univers cinématographiques préexistants via le multivers, ce concept de science-fiction aussi casse gueule que réjouissant (introduit dans la série Loki) permettant à des licences de se côtoyer. De quoi ravir les plus acharnés lecteurs des bandes dessinées de Steve Dikto et Jack Kirby, rompus à l'exercice, autant que les cinéphages regrettant les plus que louables contributions de Sam Raimi et Marc Webb aux aventures de l'araignée new-yorkaise. Peut-être aussi l'occasion de faire du Peter Parker remuant joué par Tom Holland une figure tragique, perdue et – enfin ! – responsable.

Peter Parker. Responsable... et c'est pas trop tôt.

Prendre les fans dans la toile

No Way Home prend donc place à la seconde où Far From Home s'achevait. Après avoir tué sans le vouloir le vilain Mysterio, Peter Parker est victime d'une dernière bassesse de son adversaire qui a libéré une vidéo publique révélant sa véritable identité au monde entier. Désormais traqué par les curieux, les pros Mysterio et les journalistes (dont un très remonté J. Jonah Jameson), Peter doit affronter les conséquences que ce coming-out involontaire font peser sur son existence et celles de ses proches : son meilleur ami Ned, sa copine M.J. et sa tante May en priorité. Sa double identité publique devenant trop envahissante, Peter se tourne vers son allié le Docteur Strange (Benedict Cumberbatch) afin qu'il concocte un sortilège permettant au monde d'oublier qu'il est Spider-Man. Mais le sort tourne mal et en résulte une ouverture des frontières entre les mondes d'où vont peu à peu commencer à émerger d'anciens adversaires de Spider-Man en provenance d'autres univers: le docteur Otto Octavius, Electro, l'Homme Sable, le Lézard et le Bouffon Vert. Autant d'ennemis qu'il va désormais falloir renvoyer dans leurs mondes respectifs avant que l'équilibre fragile qu'implique leur présence n'entraîne de graves conséquences.

Derrière l'arrivée de ces personnages emblématiques issus des anciens films Spider-Man se cachent à la fois l'aveu d'échec de Sony et Marvel, incapables de réinventer ces méchants emblématiques dans d'autres licences, mais aussi une confiance quasi aveugle de l'implication du spectateur. En effet, tout réjouissant que soit le retour des ennemis cultes de Spider-Man (l'entrée en scène du Doc Ock est, entres autres, très réussie), il n'en reste pas moins qu'ils réclament un immense prérequis pour que No Way Home soit apprécié en l'état. La remise en contexte de certains des protagonistes est faite à la truelle et avec la subtilité du Rhino fonçant dans un mur (il est absent du film, n'espérez rien de ce côté-là) alors que les deux heures et demi d'intrigue auraient permis d'explorer des psychologies plus fouillées au détriment des éternelles blagounettes typiques du MCU. En effet, du côté de l'humour, en plus du fan-service, ce troisième Spider-Man coche aussi la case la plus lourdingue de la saga, désamorçant trop systématiquement une dramaturgie (ici importante) à laquelle le Peter Parker de Holland semble bien insensible depuis ses débuts dans Civil War. Toujours aussi angoissé, ce Spider-Man se retrouve confronté à un concept écrasant (le multivers) qui ne le déstabilise pas plus que cela, comme la plupart des personnages qui n'ont, de fait, quasiment pas le temps de s'apitoyer ou de s'organiser autrement que dans le chaos le plus total. Majoritairement, cette trilogie aura marqué le personnage culte du sceau de l'inconséquence.

Sinister Six ? Rassemblement (ou pas) !

Pourtant, la débauche de fan service est ici très maîtrisée et permet même quelques agréables relectures de personnages, comme Maxwell Dillon, alias Electro (Jamie Foxx), ici bien plus proche de son avatar de papier, pédant, acide et incontrôlable, comme il aurait dû l'être dès le départ dans The Amazing Spider-Man 2. Tout comme la réintroduction de Norman Osborn et du Bouffon Vert (nous permettant d'apprendre qu'Oscorp n'existe pas sur la terre 199999 du MCU), dans un costume se rapprochant de la défroque emblématique du personnage dans les pages de la bande-dessinée à mesure que l'intrigue progresse. Là encore d'agréables clins d'œil à destination des fans, mais qui achèvent encore et toujours de faire de ce No Way Home guère plus que ça : un film pour les fans, bourré de petits easter eggs à leur seule attention, sans prendre la peine de se préoccuper du spectateur lambda qui se contentera probablement de voir défiler passivement les protagonistes au petit bonheur la chance, et qui ne risque en aucun cas de satisfaire le quidam en quête d'un scénario écrit.

Logique aléatoire

Faire plaisir aux fans, c'est louable. Mais à trop vouloir bien faire, on s'emmêle les pieds dans le tapis – ce n'est pas tante May qui le dit, mais l'adage se vérifie. Ainsi, avec son arc narratif principal reposant sur un sortilège instable, dont les tenants et aboutissants de l'usage, ou contrefaçon d'usage, ne sont jamais proprement explicités autrement que par les vagues menaces du Docteur Strange, No Way Home accuse un scénario complètement bancal dont les rebondissements ne reposent quasiment que sur un insolent coup de bol ou un trou commac dans le script afin d'appuyer des situations et dénouements hautement tragiques (vous pleurerez de joie, comme de peine devant ce film, ne vous y trompez pas) qui peuvent, dans les faits, être totalement évités – les personnages passent leur temps à se plaindre de la magie, ou la tourner en dérision, et force est de reconnaître qu'ils ont raison sur ce coup-là. En particulier au cours d'un dernier acte, encore une fois réjouissant et vecteur d'intenses frissons, qui semble n'être rien d'autre qu'une course contre la montre afin de corriger la trop grosse ambition du scénariste Chris McKenna. Même si on sait que ce n'est pas une question de taille, encore moins quand il s'agit de cinéma.

"La logique du scénario ? Ta gueule, Peter. C'est magique !"

Car No Way Home est bien un film ambitieux, peut-être encore plus que les films Avengers, le plus ambitieux de tout le MCU jusque-là et s'il annonce peut-être des lendemains qui chantent pour l'avenir du personnage de Spider-Man (pour la première fois, la fin du film ne tease pas son retour), il donne aussi l'impression que la trilogie de Watts n'a servi, au final, que de vague et paresseuse introduction, bourrée de personnages potentiellement géniaux n'ayant jamais trouvé leur plein potentiel, trop occupés qu'ils étaient à avoir l'air cool et dans l'air du temps. Les prochains jours et semaines verront probablement émerger les premières nouvelles de ce que nous réserve Sony pour le tisseur (une des scènes post-générique l'annonce potentiellement déjà). Mais en dépit d'une très belle émotion et d'une nostalgie fonctionnant à plein régime, No Way Home ne sait pas transformer l'essai ailleurs que sur ce dernier terrain, ne proposant que de très rares scènes mémorables sur le pur plan cinématographique (un vague affrontement dans la dimension miroir de Strange et un final aussi épique qu'obscur constituent les deux véritables seules tentatives du film à faire un effort de ce côté-là) et comptant bien trop sur l'acquisition d'un bagage au détriment d'un script qu'on ne s'est, de toute évidence, pas cassé à écrire alors que Peter Parker, et l'importance de la proposition présente, le méritaient amplement. Et ce n'est pas la réalisation de Watts, toujours aussi proprette et dans les clous, qui réhaussera le niveau (on s'inquiète pour les 4 Fantastiques que le bonhomme est supposé plier pour conclure la Phase IV).

Ne s'attendre à rien, c'est le meilleur moyen de ne pas être déçu

Des mots pleins de sagesse prononcés par MJ (Zendaya), constituant la seule réplique miroir du film qui, malheureusement, s'applique avec un désagréable relent multiversel à notre propre réalité, faite de critiques et de spectateurs qui vont probablement déclencher autour du film les débats les plus passionnés qu'on ait entendus et lus depuis belles lurettes. Que va-t-il advenir de Spider-Man désormais ? Cette fin de trilogie en forme de multi-achèvement pour de nombreux personnages (qu'on ne citera pas), aussi épique et émouvante soit-elle, va sans nul doute marquer à jamais le divertissement super-héroïque, en bien comme en mal. Il nous a réjoui, a titillé notre âme d'enfant, confirmant un autre adage, celui disant que plus c'est gros, mieux ça passe. Mais ses fondements sont bancals, précipités, franchement maladroits par endroits... et on serait gré à Sony et Marvel, si entente il doit encore y avoir, de reprendre plus fermement la barre pour les prochaines aventures de Spider-Man sur grand écran. Car avoir un personnage aussi important entre les mains, c'est avoir du pouvoir certes, mais surtout, une grande responsabilité.

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