Alexandre Tefenkgi est un dessinateur français qui a commencé sa carrière dans l'industrie franco-belge, essentiellement chez l'éditeur Bamboo. Il y a signé Tranquille courage, Les Âmes nomades (tout deux avec Olivier Merle), Où sont passés les grands jours ? (avec Jim) et une adaptation du roman de Marcel Pagnol, Jean de Florette (avec Serge Scotto et Éric Stoffel). Depuis 2017, cet admirateur de Chris Bachalo et Stuart Immonen a fait le grand saut de l'autre côté de l'Atlantique et s'est attaqué au marché des comic books, où il a pu travailler avec le scénariste Jason Aaron et même gagné un Eisner Award. Retour sur un parcours artistique atypique.

Superpouvoir : Peux-tu te présenter pour nos lecteurs ? Quel a été ton parcours avant de travailler pour le marché américain ?

Alex Tefenkgi : Je m’appelle Alexandre Tefenkgi, auteur de bande dessinée. J’ai commencé à publier mon travail dans le Journal de Spirou en 2007 et j’ai ensuite continuer à travailler pour le marché franco-belge, principalement pour Bamboo Editions, pendant presque dix ans sur différents livres passant du genre historique au roman graphique.

J’ai ensuite eu l'envie d’autres horizons et l’attrait pour d’autres formes de narration, j’ai donc changé la direction de ma carrière pour un pays exotique et mystérieux: les États-Unis, en 2017.

Tu as fait tes premiers pas internationaux avec une participation à la revue numérique de David Lloyd (le célèbre dessinateur de V pour Vendetta), Aces Weekly, avec Alain Mauricet. Comment ça s'est déroulé ?

J’ai bien aimé le concept du magazine comic en ligne collectant différentes histoires. Quand Alain Mauricet m’a proposé cette expérience, j’ai pris ça comme un nouveau terrain de jeu. Collaborer sur une histoire courte, en ayant complète carte blanche, a réveillé cette envie d’écriture que j’avais laissée de côté depuis mes études. Prendre le temps de créer une histoire en binôme a été un excitant aparté en même temps que mes projets respectifs.

Extrait de "Shoot for the Moon" d'Alain Mauricet et Alex Tefenkgi (Aces Weekly).

Comment en es-tu arrivé à travailler régulièrement pour le marché américain ? Je crois que ça a démarré avec une histoire courte pour DC dans Harley Quinn and His Gang of Harleys #3, non ?

Presque mais non, hahaha ! C'est ma rencontre avec Cliff Chiang au New-York Comic Con qui a agi comme un révélateur. Quand je l’ai rencontré en dédicace, on s’est tout de suite bien entendu. J’en ai profité pour lui montrer ce que je faisais et il a réellement apprécié. On s’est trouvé beaucoup de points communs dans notre façon de raconter des histoires. C’est lui qui m’a mis en relation avec Skybound.

C'est là que tu as ensuite signé quatorze numéros d’Outpost Zero avec Sean McKeever. Comment s’est passée la transition entre le marché français et l'américain, notamment au niveau du rythme de production ?

Pour être honnête, j’étais terrifié à l’idée de faire une vingtaine de pages par numéro pour un comics à parution mensuelle. Mon rythme européen n’était clairement pas adapté au marché américain; j’ai dû revoir drastiquement ma façon de travailler et mes choix narratifs et demander à ma femme et à mes enfants de me soutenir pour pouvoir y arriver. Ils m’ont facilité la vie à côté du travail. J’ai dû me défaire de la couleur et du lettrage car c’était impossible d’être sur plusieurs postes de production en même temps. La segmentation du travail et la collaboration avec des professionnels habitués au marché américain m’ont beaucoup aidé. J’étais parti pour dix numéros, on en a finalement fait quatorze. On s’est bien amusé.

Couverture de Outpost Zero The Complete Collection par Alex Tefenkgi. Le recueil de l'intégralité de la série est sorti récemment chez Image Comics.

Un Eisner Award, une option audiovisuelle, The Good Asian semble te porter chance. Comment es-tu arrivé sur ce projet ?

La réception de notre livre a été phénoménale, tant au niveau des lecteurs que des critiques. Je pense que notre histoire est sortie au bon moment, le marché a trouvé un bel appétit pour ce détective asiatique dans les années 30. Sur le papier, ça ne ressemblait pas vraiment à l’histoire d’un succès populaire. Heureusement qu’il n’y a aucune formule infaillible, on a fait un pari gagnant! Je suis reconnaissant d’avoir pu travailler avec Pornsak [Pichetshote, le scénariste, ndlr], Will [Dennis, le superviseur éditorial, ndlr], Lee [Loughridge, le coloriste, ndlr], Jeff [Powell, le lettreur et designer, ndlr]. Une équipe de choc.

Pornsak Pichetshote cherchait un artiste qui non seulement conviendrait graphiquement au projet, mais il souhaitait aussi créer une équipe créative asiatique qui avait à cœur de porter fièrement les thèmes de l’histoire.

As-tu des contacts, une influence quelconque sur le projet d'adaptation ?

Non, je ne suis pas impliqué à ce stade du développement.

Couverture du premier volume du recueil V.O de The Good Asian par Dave Johnson (Image Comics).

Tu as ensuite travaillé avec un scénariste très en vue. Comment s’est passé ta collaboration avec Jason Aaron sur Once Upon a Time at the End of the World ? Et avec les autres dessinateurs de la série ?

Ce fut une belle opportunité de travailler avec un scénariste aussi talentueux et de pouvoir créer les bases d'un univers qui seront ensuite amenées à évoluer avec les différents artistes du projet. J’ai tout de suite dit oui quand on m’a proposé de participer, vous imaginez bien mon excitation. J’ai toujours eu envie de raconter une belle histoire romantique qui a du punch en comics. Jason m’a servi ça sur un plateau d’argent. Je suis curieux de voir comment les autres artistes interpréteront la suite de l’histoire.

Tu as signé une couverture alternative pour la collection de séries asiatiques We are Legends de DC Comics. Quel regard portes-tu sur ce genre d’initiative ?

J’adore quand on utilise le médium du comic book pour faire entendre des voix ou des sujets qui n’ont pas l’habitude d’être mis en avant et ce d’autant plus quand ça touche à une partie de mon identité (De par mes parents, j’ai des origines djiboutienne, vietnamienne et française. International, vous avez dit ?). Je ne suis pas américain mais ça a été pour moi un plaisir et un honneur d’utiliser mes compétences artistiques pour célébrer le mois du patrimoine des Américains d'origine asiatique et des îles du Pacifique.

Couverture alternative de City Boy # 1 par Alex Tefenkgi (DC Comics).

Quels sont tes prochains projets ?

Je suis occupé sur l’écriture de mon propre projet, c’est la premier fois que je m’attellerai à l’écriture sur un long récit, j’ai beaucoup à apprendre et beaucoup à dire. Dans l’idéal, ce serait un roman graphique. Cependant, la réalisation du marché me demande d’être ouvert à plusieurs options de format.
Le thème principal de cette histoire sera la famille. Je ne vais pas en dire plus, j’aime garder le mystère et rien n’est encore signé pour le moment. Sinon, pour ce qui concerne le plus long terme, nous avons, Pornsak et moi, décidé de travailler sur une nouvelle aventure avec Edison Hark. J’aime le personnage, la thématique et ma collaboration avec l’équipe créative est juste magique. Vous nous reverrez donc à un moment donné.

Enfin, notre question rituelle : si tu avais un super pouvoir, quel serait-il ?

Le pouvoir de téléportation sans limite et partageable par le toucher. Emmener ma famille en vacances en un clin d’œil, quel rêve !

Alexandre Tefenkgi (Manuel F. Picaud / Auracan.com)

Merci pour tes réponses, Alexandre ! Pour l'instant, Outpost Zero, The Good Asian et Once Upon a Time at the End of the World ne sont pas encore traduits en français. Alexandre se déclare d'ailleurs ouverts aux propositions d’éditeurs : "Ces histoires ne demandent qu’à traverser l’Atlantique." Avis donc aux responsables éditoriaux français !

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