Saotome Love & Boxing (Saotome Senshu Hitakakusu en VO) est la seconde série du mangaka Naoki Mizuguchi. Le manga fut prépublié au Japon entre 2016 et 2019 dans Weekly Big Comic Spirit, un magazine spécialisé dans la publication de seinen et de josei abordant de manière critique certains aspects de la culture et de la politique japonaise, à travers des histoires "tranche de vie" autour de sujets comme le sport et la comédie romantique. Le magazine a notamment publié des auteurs et des artistes comme Buronson, Junji Itō et Ryōichi Ikegami.
La série est constituée de 10 volumes reliés en format Tankobon. En France, l’éditeur Doki-Doki a débuté la publication de ces volumes entre 2021 et 2023, le tome 10 étant sorti en février 2023.

Saotome Yae est l’idole son lycée, situé à Umesaki dans la banlieue de Tokyo. Elle partage son temps d’élève studieuse entre les classes et le club de boxe du lycée dont elle est la star. Pourtant, Saotome, une jeune femme assez réservée et timide, est secrètement amoureuse de Tsukishima Satoru, l’un de ses camarades du club de boxe. Le manga s’ouvre sur la déclaration de Yae à Satoru, qui lui propose de sortir avec elle.

Un manga "feel-good" très bien mené et touchant

Il y a peu de doute dans l’esprit de votre serviteur que Saotome Love & Boxing restera son coup de cœur de l’année 2023, tous types de bandes dessinées confondus.

Bien que le manga de Naoki Mizuguchi raconte en apparence une histoire assez simple, la construction narrative et visuelle ne cesse de surprendre à chaque passage de chapitre et de tome. Et cela pour une raison très simple : les personnages sonnent vrai !
Les deux principaux protagonistes sont donc Saotome Yae et Tsukishima Satoru. Saotome est enfermée dans son statut d’idol par la maire d’Umesaki et par le proviseur du lycée (qui sont frère et sœur), dans le seul but de profiter de l’aura de la jeune boxeuse. Pourtant, elle ne s’intéresse qu’à une chose hormis la boxe : Satoru, un jeune homme d’un an de moins qu’elle et passionné de boxe (le jeune homme est une véritable encyclopédie sur le sujet) mais qui cumule un record peu flatteur de zéro victoire en raison de son physique chétif. Nos deux tourtereaux sont finalement assez similaires : très maladroits sur le plan relationnel et éprouvant des difficultés à exprimer leurs sentiments.

La maire d'Umesaki et le proviseur du lycée : une épée de Damocles au-dessus des têtes de Yae et Satoru (®Shogakukan, ®Doki-Doki)

Les pressions politiques et le statut d’idol de Saotome vont donc les forcer à garder leur relation secrète. Ils seront aidés en cela par leur coach qui fait de Satoru l’entraîneur de la jeune femme dès le premier chapitre. Le comique de situation devient alors un ressort narratif très utilisé par l'auteur dans les chapitres suivants, son couple maladroit se retrouvant dans des situations gênantes et ne sachant pas comment se comporter en public.

La coach Shioya, l'un des personnages secondaires les plus importants de l'histoire (®Shogakukan, ®Doki-Doki)

Des personnages forts et une critique de la culture idol

À partir de la fin du premier volume, la galerie de personnage et les révélations vont aller croissantes, sans que cela nuise à l’intrigue et sans boursoufler le récit. Au contraire, chaque personnage se verra doté d’une personnalité bien distincte et de moments mémorables. Certains seront des adversaires lors des tournois de boxe, d’autres des camarades de classe et des connaissances de Satoru lorsqu’il vivait à Kyoto. Naoki Mizuguchi réussit ainsi à donner à chacun de ses personnages une personnalité propre et un charadesign bien établi.

Le mangaka saisi également l’occasion de critiquer de façon acerbe la culture des idols – qui, pour une fois, se déroule dans le milieu sportif. L’histoire d’amour naissante entre Yae et Satoru est mise en danger dès le départ par la volonté de la maire et du proviseur de présenter Saotome sous un jour aseptisé et cherchent par tous les moyens à contrôler son image. L’invasion qu'elle subit dans sa vie privée de la part de ces figures d’autorité est justement dépeinte comme malsaine et montre tout le mépris qu’éprouvent ces personnages pour ceux qui ne peuvent rien leur rapporter (notamment les autres membres du club de boxe). Cela est d’autant plus intéressant que Mito, la nouvelle amie du couple, se révèle être la fille de la maire et la nièce du proviseur qui l’ignore tout au long du récit.

Subvertir le genre du manga sportif

L’une des grandes qualités de Saotome Love & Boxing est l’absence volontaire de représentations grandiloquentes des combats de boxe, Naoki Mizuguchi préférant se focaliser sur son sujet : la romance entre Yae et Satoru.

Bien qu’il pourra satisfaire les fans de mangas de sport, il ne faut cependant pas s’attendre à des combats du type Hajime No Ippo ou Kengan Ashura, à savoir des combats se déroulant sur plusieurs chapitres – bien qu’il y ait deux exceptions – et détaillants avec précision les techniques de combat. Non, le manga de Naoki Mizuguchi dépeint des combats de boxe plus sobres dans leur représentation et sont même parfois coupés par une ellipse narrative pour renforcer le côté dramatique, ou tout simplement pour recentrer le récit autour de Yae et Satoru. C’est là que nous voyons l’une des grandes forces de ce manga : l’absence de digressions. Tout est fait pour laisser le lecteur au plus près du couple. Un exemple de cela est le chapitre 51 (tome 5) dans lequel Satome emmène son petit frère Keita au konbini local pour faire des courses. Ce chapitre est l’occasion pour l'auteur de développer la relation entre Keita et sa grande sœur, tout en appuyant le caractère très empathique de Yae vis-à-vis de sa famille.

Un autre point intéressant de la narration adoptée par Naoki Mizuguchi est la gestion très bien menée des ruptures de ton. Prenons la fin du chapitre 71 et le début du chapitre 72 (volumes 6 et 7) qui nous montrent un événement majeur dans la relation entre Yae et Satoru se déroulant au Korakuen Hall de Tokyo (l’un des temples de la boxe au Japon). Ce moment très touchant bénéficie d’une mise en page très bien pensée qui permet au lecteur d’apprécier ce beau moment d’émotion que souhaite faire passer le mangaka. La conclusion de cette scène est l’occasion d’un gag très bien amené – et que nous vous laisserons découvrir –, faisant passer les personnages et le lecteur d’un état émotionnel à un autre en seulement quelques cases.
Dans la même logique, la structure narrative du manga n’est jamais conçue pour vendre un adversaire surpuissant qui pourrait faire barrage à Saotome. Non, le véritable défit se posera pour le personnage lorsque Satoru ne sera pas présent pour l’un de ses sparring.

Pour en savoir plus : lisez les tomes 6 et 7 (®Shogakukan, ®Doki-Doki)

Un grand combat est cependant présent dans le manga, l'auteur commençant à le mettre en place autour du chapitre 90 et n’impliquera pas Saotome, mais Satoru. Là encore l’enjeu n’est pas l’adversaire de Satoru, mais sa relation avec Yae, perturbée par un événement mis en place dans les chapitres précédents.
En somme, Naoki Mizuguchi met un point d’honneur à se concentrer sur ses deux personnages en misant avant tout sur l’émotion.

Une édition française de qualité, mais loin d’être parfaite

L’édition de Doki-Doki est plutôt qualitative dans son ensemble et reprend la maquette du format Tankobon sorti au Japon. Cependant, l’œuvre de Naoki Mizuguchi comprenait plusieurs pages en couleurs lors de sa prépublication, dont deux venants notamment conclure le manga. Malheureusement, ces pages en couleurs sont absentes de l’édition française et cela se voit, notamment au niveau de la saturation des noirs et blancs sur les planches. Rien de dramatique évidemment, mais cela est un peu dommageable, surtout donc sur les deux planches finales. On notera également l’absence des pin-ups du dernier tome.

Petite parenthèse : la couverture du tome 2 (en dessous de la jaquette) présente une planche spéciale de la Saint-Valentin, à l’origine publiée en ligne, il serait dommage de passer à côté.
Il faut aussi prendre en compte l’effort de Doki-Doki de proposer un pack regroupant les tomes 1 et 2 pour le prix d’un tome, qui vous permettra de découvrir les débuts de l’histoire de Yae et Satoru.

Ne vous laisser donc pas impressionner par les jaquettes tirant très légèrement sur le fan service – la question des abdos est d’ailleurs un gag récurrent du manga – Saotome Love & Boxing est un excellent manga rom com et de sport, peuplé par une galerie de personnages très attachants. En subvertissant les codes du genre, Naoki Mizuguchi évite les poncifs habituels de ce type de récit en proposant une narration mettant en avant les personnages et l’émotion, tout en se permettant de critiquer, parfois de façon assez virulente, la culture des idols.
Pour l'heure, Naoki Mizuguchi n'est toujours pas revenu sur une série régulière, le mangaka ayant œuvré sur des one shots encore inédits en France et sur des variant covers.

À noter : la question des Jeux Olympiques de Tokyo de 2020 est un sujet très présent dans le manga et Naoki Mizuguchi situe son épilogue lors de l'événement. Cela ne devrait pas gêner votre lecture du manga, mais il est important de rappeler que la série s’est conclue avant le confinement et qu’il était donc impossible pour l’auteur d’anticiper cet événement.
En outre, les plus attentifs d’entre vous pourront aussi découvrir un parallèle fort étrange entre la conclusion du manga et un événement ayant réellement eu lieu aux J.O. de 2021.

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