Ralph et Vanellope sont désormais les meilleurs amis du monde. Habitués à leur petite routine entre leurs bornes d’arcade respectives et les virées dans celles des autres, les deux êtres de pixels voient débarquer l’arrivée d’un nouveau monde : l’Internet, accompagné de toute sa cohorte de jeux en réseau. Cet univers étendu émerveille Vanellope qui soupire secrètement et depuis longtemps après une nouveauté que le monde de l’arcade ne lui apporte plus. Lorsque le volant de son jeu de course est cassé par une joueuse, les deux héros s’aventurent dans le Word Wide Web pour remporter une enchère Ebay.
Disney passe la seconde. Les Mondes de Ralph (sorti il y a déjà sept ans) avait constitué une petite surprise dans le giron des sorties du catalogue souricier, tant par ses personnages et son univers que ses thématiques qui ont ravis plus d’un geek. À une époque où la quasi hégémonie de Disney sur le divertissement fait grincer les dents et soumets les fans à une forme de méfiance, les mésaventures de Ralph la Casse, outsider et looser magnifique de circonstance entre Shrek et Donkey Kong, constituait une exception notable qui, fort de ses presque 500 millions de dollars au box-office, avait offert une marge suffisamment confortable à la firme pour réfléchir à une suite qui se concrétise aujourd’hui.
À l’heure où ces lignes sont écrites, le nouveau film d’animation des studios Disney a presque déjà égalisé ce score alors qu’il n’est pas encore sorti dans tous les pays. Un constat encourageant que la firme aux grandes oreilles s’était bien mis en tête de prévoir avec un teasing qui s’est déroulé pendant plusieurs mois avant la sortie du film. Ainsi, certaines séquences étaient déjà cultes sur la toile, que cela soit grâce aux bandes-annonces ou aux divers extraits lâchés ça et là. On pense évidemment à la scène de jeu « Bunny Pancake and Cat Milkshake », jeu mobile dans lequel Ralph et Vanellope s’incrustent avec pertes et fracas ou celle, déjà adulée, où la jeune et turbulente héroïne se retrouve sur le réseau social de Disney aux prises avec les plus fameuses princesses de l’écurie — clairement un des instants les plus drôles et méta du film, avec un déroulement de personnages et d’occurrences hilarantes telles qu’on en avait pas vu depuis Qui Veut La Peau de Roger Rabbit.
Ce renversement constant des valeurs archaïques qu’on prête de façon trop systématique à Disney fait en partie le sel de cette suite infiniment supérieure à son aîné, ce qui reste un fait rare dans le grand engrenage des séquelles de grands succès populaires. Son scénario pourrait imposer l’arrivée du Net comme l’enterrement définitif du monde agréablement rétro dans lequel vivent les personnages mais tel n’est pas le parti pris par Ralph 2.0 qui, au contraire, évacue très vite la menace attendue, la muant en un monde de possibilités qui complète les affects autant qu’elle effraie les certitudes des personnages.
Ainsi, si Ralph se contente très bien de sa vie dans l’arcade et de la confortable répétitivité de son existence, sa jeune amie Vanellope voit dans l’arrivée de la toile une possible échappatoire vers ses rêves de vitesse et d’évasion. En somme, un moyen d’entrer dans la cour des grands : map libre, jeux pirates sans limites, vitesse sans restriction… tout ce que la jeune génération cherche à atteindre, au contraire de la précédente qui tend davantage à se reposer qu’à explorer ce qu’elle pense dangereux.
Fort de séquences d’action drôles et rythmées, Ralph 2.0 tire aussi la couverture à lui grâce à un élément plus inattendu : l’émotion. En effet, Disney reprend cette fois-ci à son compte le principe un brin tire-larme assez systématique des studios Pixar et offre au final de cette belle histoire d’amitié un des dénouements les plus émouvants qu’on ait pu voir ces dix dernières années dans un divertissement familial qui, après une intense séquence de combat de boss, aura du mal à ne pas convaincre jusqu’au spectateur le plus réfractaire du bien fondé de son message.
Au coeur d’une production annuelle qui va donner la part belle aux remakes live de ses grands classiques (Dumbo, Aladdin et Le Roi Lion sont prévus cette année), ce Ralph 2.0 fera probablement encore office d’outsider dans le catalogue mais sa touchante sincérité et les multiples degrés de lecture qu’il permet en font indubitablement le candidat idéal au meilleur divertissement familial de 2019.
Disney a gagné un niveau.