Not All Robots, un titre évocateur sorti chez Delcourt et reprenant le gimmick “Not all men”, comme pour éviter de ranger toutes les machines dans le même panier de câbles. Ce récit dystopique signé Mark Russell (Le retour du Messie) et croqué par Mike Deodato Jr. (Iron Man, She Hulk) nous plonge dans un futur dans lequel l’obsolescence programmée est au cœur du fonctionnement de la société. Bienvenue en 2056, un monde où chaque foyer dispose d’un Dombot qui les remplace sur le marché du travail pour subvenir aux besoins des familles. Un monde où les humains dépendent des machines, mais demeurent contraints de cohabiter avec elles, dans une atmosphère proche de la guerre civile.

Not All Robot couverture

Si vous n'avez pas la référence, on en parle un peu plus bas.

Nous sommes dans un pavillon de banlieue de la “Bulle” d’Atlanta. Il est 19h et les Walters s'apprêtent à passer à table. La mère sert le repas. Au menu : globules de protéine en sauce. Le père, lui, entame un bénédicité un peu spécial sous les yeux plus que blasés de ses deux adolescents. Alors que ce beau monde s’apprête à festoyer, la porte s’ouvre. Voilà Razorball, le robot domestique des Walters, harassé par la tâche, qui part s’enfermer dans son garage sans prendre la peine de saluer ses propriétaires.

Chez les Walters, Sheryl, la mère de famille, s’inquiète. Au regard de plusieurs faits divers sordides relatant des robots dysfonctionnels qui se sont mis à massacrer leur foyer, elle suspecte Razorball de construire des armes dans le garage pour les exterminer…

Et pourtant, aujourd’hui, ce sont ces mêmes robots qui font face à leur déclin. Les Dombots, première génération de machines domestiques, vont rapidement laisser place à leur mise à jour : les Mandroïds. Des robots plus empathiques dont l’apparence humanoïde pourra être totalement personnalisable par leurs propriétaires.

Razorball, le robot des Walters, travaille chez OMNI, la société fabricante des robots qui vont bientôt le supplanter. Conscient de sa future mise au rebut, il traîne sa carcasse métallique entre son foyer d’humains et son travail, ne trouvant finalement sa place dans aucun des deux mondes.

#MeToo en tôle de fond

Lorsqu'elle est maîtrisée, la fiction est un exercice d'empathie contrainte” dit l'auteur Mark Russell. C'est en effet un exercice de style que nous propose l'auteur de Not All Robots :  une satire dystopique.

En première lame, cette bande dessinée se présente comme une critique acerbe des dangers d'un jusqu'au-boutisme technologique qui viendrait mettre en péril la pérennité de l'existence humaine.  Tout y est : l'avènement de l'intelligence artificielle, des scènes parodiques comme celle d'une chaîne d'infos en continue mettant en scène un débat humain vs. machine, le tout, porté par un humour grinçant, manquant indubitablement d'une couche de WD-40.

Et en deuxième lame, un sous-texte en pointillés : la critique de la masculinité toxique.

Je me suis lancé dans une histoire de robots comme métaphore de la masculinité toxique, un peu avec l'espoir que les hommes s'identifient à ces humains forcés de vivre dans la peur des robots. [...] L'idée m'est venue en 2017 au cours du mouvement Metoo qui a mis le projecteur sur les abus que les hommes au pouvoir font subir aux femmes.
Mark Russell

 

Le récit brille particulièrement par la subtilité de son sous-texte : présent en arrière-plan, il infuse à froid après la lecture, sans jamais écraser l'histoire, ni perturber son déroulement. Mark Russell ne se veut pas plus intelligent que ses personnages et les abandonne à leurs péripéties sans corrompre sa narration avec un message politique imposé au forceps. Comme quoi, c'est encore possible.

Même Pascal Praud a été remplacé.

Iron Mike au pinceau

Robotiser l'Homme ou incarner un robot demandent obligatoirement une justesse dans le dessin. C'est à Mike Deodato Jr que revient la lourde tâche de croquer l'émotion du métal sans se casser une dent. S'il ne peut faire afficher ni sourire ni haussement de sourcils à ses machines, il arrive néanmoins à creuser dans la tôle, le doute, la peur et la méfiance. Sa force ? Son talent pour le cadrage, ses casques inclinés et une forme de dynamisme dans les scènes d'action qui soulignent l'urgence d'une société au bord de l'implosion.

Le travail de la couleur quant à lui ne laisse rien au hasard : des teintes chaudes, presque écarlates, pour porter les machines, et des froides, bleutées, comme pour souligner les Hommes qui s'éteignent et s'effacent. Nous ne sommes clairement pas devant un festival de couleurs et d'excentricités graphiques, mais le contrat reste rempli. On retiendra également la couverture pleine de malice, parodiant le tableau de Grant Wood, American Gothic.

Pour conclure

Que l’on soit d’huile ou de sang, Not All Robots nous intime que nous sommes tous remplaçables. Et quand la figure du Père de la Nation laisse sa place à la Carte Mère patrie, il n’y a que quelques gagnants : celles et ceux qui ont créé la technologie des machines.

Not All Robots est une fable de la mécanisation des corps, oscillant entre scènes à l’humour sordide et propos questionnant notre rapport à la technologie confinant à la servitude consentie. 

Mark Russell, s’amuse en détournant des références de notre société contemporaine, mises en scène sous le prisme d’une culture robotique. Le tout, porté par un dessin astucieux de Mike Deodato Jr qui parvient à buriner le métal des machines pour leur sculpter des émotions.

Bienvenue dans le futur où plus personne n’a besoin de vos services” dit la quatrième de couverture. Nous ajouterons pour conclure : “Bienvenue dans ce monde, où l’humanité s’est mise en veille.”  

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