Cet album traduit les six premiers numéros de la série Marvel 2-in-One. Cette dernière reprend le titre, légèrement modifié, d'une série de collaborations entre la Chose et les héros Marvel qui dura 100 numéros entre 1974 et 1983. Bien que mineure, cette série comporte quelques morceaux de bravoure comme la saga Pegasus, menée par les scénaristes Ralph Macchio et Mark Gruenwald et les dessinateurs John Byrne et George Pérez. Pour autant, cette nouvelle version, signée Chip Zdarsky (Spectacular Spider-Man), Jim Cheung (Young Avengers) et Valerio Schiti (Guardians of the Galaxy), ne se veut pas une relecture de ce titre, mais bien une ode, un hymne d'amour à la série Fantastic Four.
Car si il est une série qui représente "l'esprit Marvel", c'est bien Fantastic Four. Ce mélange d'émerveillement dû à une imagination débridée et d'humanité au quotidien a été pendant des années l'aune à laquelle se jaugeait les autres séries de la firme. Pourtant, si il est aussi une série qui ne semble plus parler à notre époque, c'est bien celle-ci. Trop optimiste peut-être, plus de territoire à défricher sans doute. Et une histoire cinématographique chaotique, peu à la hauteur du mythe. Au point que Marvel a dû interrompre en 2015 (et au bout de 645 numéros) son titre le plus emblématique, faute de ventes. Au terme de Secret Wars, la famille Richards disparaissait, laissant la Chose rejoindre les Gardiens de la Galaxie et la Torche Humaine, les Avengers d'abord, puis les Inhumains ensuite. Plus de Quatre Fantastiques, la First Family de Marvel décomposée.
Difficile pourtant de se passer trop longtemps de la série fondatrice de la renaissance Marvel, celle qui a vu le tandem Lee/Kirby lançait toute la mythologie de la maison d'édition. On savait que le retour de la série serait inévitable, que Marvel attendait seulement le bon alignement des étoiles pour re-proposer le titre au lectorat. Cependant, avant un retour effectif, l'éditeur a joué avec la montre puisque nous avons eu droit à un prologue avec cette série Marvel 2-in-One.
Jusqu'ici séparés, la Torche Humaine et la Chose s'y retrouvent enfin. Si Johnny semble se perdre dans le deuil et l'autodestruction (d'autant qu'il semble perdre petit à petit ses pouvoirs), Ben Grimm, lui, essaie de porter l'héritage bienfaisant de l'équipe. Il se lance dans la recherche du Multisect, un appareil inventé par Reed Richards qui permet de voyager à travers le multivers. Si Ben ne se fait aucune illusion, il persuade pourtant Johnny de l'accompagner en lui faisant croire que les Richards sont dans doute toujours vivants, coincés dans un autre univers. Il espère ainsi remonter le moral de son ami.
En cours de route, ils font la connaissance de Rachna Koul, une scientifique spécialisée dans les pouvoirs de super-héros, et doivent subir la présence d'un Fatalis censé avoir renoncé à sa vie de super-vilain (dans Infamous Iron Man), mais toujours aussi hautain. Après un détour nostalgique et infructueux par l'île des Monstres, ils finissent par mettre la main sur l'appareil et partent pour un autre univers où ils espèrent retrouver leur famille disparue.
Nous l'avons dit plus haut, Marvel 2-in-One est un chant d'amour aux Quatre Fantastiques. Zdarsky revisite des moments-clés du passé du groupe (l'île aux Monstres, Galactus), rapatrie le vilain attitré de la série (un Fatalis qui oscille entre bon et mauvais) et remet l'exploration sur le devant de la scène avec cette escapade dans une dimension alternative. De fait, ces six épisodes ressemblent beaucoup à un exercice vain de nostalgie, recyclant les tropes de la série, histoire de rappeler aux lecteurs pourquoi ils ont aimés les Quatre Fantastiques et leur faire ressentir leur absence. Cependant, il faut admettre que c'est fait avec un indéniable savoir-faire. Zdarsky soigne ses dialogues et balance quelques rebondissements plutôt balaises dans la partie "dimension alternative". Malheureusement, faute de place, il n'exploite que trop peu ses idées cosmiques, un comble quand on veut rendre hommage à une série de Jack Kirby. Aux dessins, Jim Cheung est comme toujours impeccable de précision, même si il ne signe hélas que trois épisodes sur six. Le trait de Valerio Schiti est plus relâché et, hélas, un peu moins efficace que celui de Cheung.
Si vous n'aimez pas les Quatres Fantastiques, cet album ne vous fera malheureusement pas changé d'avis. Si, en revanche, vous avez la nostalgie de l'équipe qui faisait les beaux jours du magazine Nova chez Lug/Semic, vous en retrouverez -un peu- le goût avec ces aventures de Tête d'alouf et de la Chose aux yeux bleus.
Marvel 2-in-One, tome 1 : Jour Fatal (Panini Comics, 136 pages, 16 €). Sortie le 28 décembre 2018. Traduction de Nicole Duclos, lettrage de Claudia Sartoretti.