Grand événement DC de l’année, Heroes in Crisis est une nouvelle production signée Tom King, le scénariste (et ex-agent de la CIA) à qui l’on doit le magnifique Mister Miracle (publié en France chez Urban Comics) ou encore Vision (Panini Comics).
Certainement inspiré par sa carrière au sein de l’agence de renseignements, Tom King se lance dans l’introspection des personnages de comics et en ressort leur côté humain. Il explore dans Heroes in Crisis l’état de stress post-traumatique dans la communauté super-héroïque, ce qu’il avait déjà accompli (probablement avec plus de finesse) dans ce fameux Mister Miracle (notre critique).
Ainsi est créé le Sanctuaire, un lieu de recueillement et de convalescence installé par la trinité au beau milieu de l’Amérique rurale pour les super-héros marqués par un traumatisme. Ceux-ci y reçoivent une sorte de thérapie durant le temps nécessaire pour qu’ils se sentent prêts à retourner dans la nature. Et l’intrigue de Heroes in Crisis démarre lorsqu’un meurtre de masse a lieu au sein de cette maison de repos. Démarre alors l’enquête qui donne son genre au livre : qui a tué tous ces super-héros ?
Ainsi, dès le premier numéro, Tom King et toute l’équipe éditoriale derrière ce pan de l’histoire des super-héros prennent une décision étonnante : celle de se débarrasser de nombreux personnages secondaires (et d’autres moins secondaires). Et cette décision a fait couler de l’encre tant la perte de certains de ces héros a déçu les lecteurs. Un mauvais départ, donc, pour une saga en neuf chapitres.
Si Heroes in Crisis se la joue un peu Crise d’Identité (où la panique se répandait au sein de la communauté des super-héros, choqués par le meurtre d’un des leurs), le traitement de ses personnages est loin d’être aussi approfondi. Tom King écrit tout au long du livre les confessions des personnages sur des gaufriers à neuf cases (ou les barreaux de la prison littéraire, comme il décrit lui-même cette disposition narrative), sauf que celles-ci se révèlent tantôt aberrantes (Hal Jordan qui ne sait même pas ce qu’est la volonté ?) tantôt ridicules (Roy Harper reçoit un traitement presque insultant !) et qui semblent parfois seulement servir à offrir un caméo à d’autres personnages dans un chapitre tant leur apparition est courte et inutile.
Bref, pour en revenir à l’intrigue principale, l’enquête est menée simultanément par les deux seuls personnages qui ont survécu à l’attaque : Booster Gold et Harley Quinn. Sauf qu’ils sont tous deux persuadés que l’autre est le coupable. Après quelques rebondissements finalement peu intéressants, le fin mot de l’histoire est révélé et si certains seront déstabilisés par son identité, l’explication risque de les décevoir. Et la résolution plus encore, tellement celle-ci tombe comme un cheveu sur la soupe.
Clay Mann endosse la plus responsabilité graphique de l’œuvre (épaulé par Mitch Gerads, le comparse habituel de Tom King, sur quelques planches), et ce pour le bonheur de nos pupilles. Mais s’il n’y a rien à redire sur le talent du dessinateur, il faut avouer que dépeindre les personnages comme le cliché même du super-héros (avec une plastique de rêve, parfois même limite provocante est un peu dommage lorsqu’on explique que les défenseurs de l’humanité restent humains.
Ainsi, si la partie scénaristique d’Heroes in Crisis fonctionne très peu, il y a tout de même une très belle alchimie qui opère entre Tom King et ses dessinateurs et qui fait que le livre reste agréable à lire (sans avoir le simple espoir d’arriver à la cheville de Mister Miracle dans sa profondeur). On aime particulièrement voir le duo Booster Gold/Blue Beetle une nouvelle fois au centre d’une histoire, et Harley Quinn forme une équipe imprévue avec Batgirl qui fait plaisir à voir.
Tom King bénéficie des talents de traducteur de Jérôme Wicky (qui livre d’ailleurs un travail particulièrement appréciable sur les chansons d’Harley Quinn) et du lettrage de Moscow Eye. Sorti le 15 novembre dernier chez Urban Comics, ses 240 pages (9 numéros) se vendent au prix de 22€50 chez tous les meilleurs libraires.