Pour les fêtes, Urban nous propose une version de Dracula par l’équipe de Department of Truth. Et si les dessins sont le point fort de l’œuvre, on ne peut en dire autant de l’histoire proposées. Universal Monsters Dracula est visuellement captivante, mais narrativement décevante.
Bonne idée que de sortir pour Halloween deux récits mettant en scène les monstres les plus célèbres de la compagnie Universal et surtout de proposer à des artistes de renom de prendre en main leurs destinées (Dracula et La Créature du Lac Noir). Et quoi de mieux que Dracula par James Tynion IV, tout auréolé de ses réussites sur The Nice House on The Lake ou encore Batman et Martin Simmonds. Dracula par l’équipe de The Department of Truth ? Ça donnait plutôt envie ! Et Urban a sorti les grands moyens en faisant péter le grand format ! Hélas, si les dessins sont d’une grande qualité, on ne peut en dire autant de l’histoire, qui reste très superficielle et qui n’arrive pas à produire ni frisson, ni émotion. Surtout quand on la compare au Dracula de Mike Mignola et au film de Francis Ford Coppola. Une série superbement illustrée mais relativement vide.
De Dracula, je n’ai quasiment plus le souvenir du roman, que j’ai lu il y a une bonne trentaine d’années, mais je vénère le film de Coppola et j’ai encore des images très fortes de son adaptation en comics par Mike Mignola et Roy Thomas. De fait, c’est difficile lorsqu’on ouvre cet Universal Monsters Dracula de ne pas prendre en considération ce qui s’est fait avant sur le personnage (je ne parle bien évidemment pas de la version Marvel par Wolfman et Colan, qui prenait énormément de distance avec l’œuvre originale). De fait, pour proposer quelque chose qui ne soit pas déjà vu, c’est très compliqué. Et James Tynion IV utilise quelques artifices scénaristiques qui peuvent faire fonctionner le récit.
Tout d’abord, Dracula n’est pas le personnage principal de l’ouvrage. Il n’apparaît principalement que dans des scènes déconnectées de l’intrigue et n’a en tout et pour tout que deux mots de dialogue dans toute l’histoire. Tynion IV préfère orienter son histoire sur la relation entre Renfield (le laquais de Dracula) et le Docteur Seward dans son asile. Pourquoi pas, le souci c’est que cette idée cause à mon sens deux gros soucis. Le premier, c’est qu’en dehors de la relation maître/esclave de Renfield envers Dracula, il y a très peu de développements autour du personnage. De la même manière, Seward est un docteur opiniâtre, concentré sur l’aspect scientifique de son patient et la relation entre les deux devient vite redondante. Ces deux têtes d'affiche n’évoluent pas beaucoup durant la première partie du récit et on ne compte pas le nombre de scènes où Renfield hurle « Mon Maître arrive » devant un Seward qui se dit que son patient est fou à cause d’une maladie du sang. Le deuxième souci, c’est qu’à force de ne se consacrer qu’à ces deux personnages, tous les autres ne sont pas développés. On ne sait quasiment rien de Lucy, Jonathan, Van Helsing et tous ceux qui forment le cœur du récit originel. Ainsi, lorsque Dracula s’attaque à Lucy ou à Mina, on ne ressent rien, l’action étant même totalement phagocytée par les peintures oniriques de Simmonds.
Martin Simmonds reste quand-même le point fort de la revue. Il tente des choses avec son trait si caractéristique, qui pourrait faire penser à un mélange entre Dave McKean et Bill Sienkiewicz. Avec toutefois un peu moins de maestria narrative. L’illustrateur crève véritablement les pages lorsqu’il n’a rien à dessiner, c’est-à-dire lorsqu’il doit représenter des scènes chocs se déroulant hors champ.
Et c’est tout simplement magnifique. Les planches où Lucy est au bord de son lit ou lorsque Dracula parcourt la ville avec sa forme de loup sont splendides, il n’y a rien à redire. La manière dont il décrit aussi Seward ou les gens sous l’emprise de Dracula, avec des tâches de peinture blanche à la place de leur visage est très réussi à défaut d’être original (McKean l’avait déjà utilisé dans Arkham Asylum). Bref, c’est un bonheur graphique qui s’étiole un peu dans les passages plus construits.
Simmonds prend littéralement le relais d’un récit qui n’a pas grand-chose à dire. Comme si Tynion IV avait voulu laisser toute liberté à son illustrateur en ne proposant que quelques scènes scénarisées et en laissant le champ (et les planches) libres à Simmonds. C’est certes très joli mais cela n’enlève pas l’impression de vide lorsqu’on referme le livre, qui se lit en à peu près 15 minutes, tellement les illustrations ont pris le pas sur l’histoire et le développement des personnages.
De fait, cet Universal Monsters Dracula est plus une histoire courte illustrée brillamment par Martin Simmonds pendant quatre numéros. Et les lecteurs avides de superbes dessins seront comblés. Toutefois, on ne pourra pas mettre de côté la légèreté du scénario, qui se termine de plus de manière très rapide, voire totalement bâclée.
Universal Monsters Dracula, par James Tynion IV et Martin Simmonds, traduction de Maxime Le Dain ; disponible chez Urban Comics, 128 pages, 20 euros.