Eh oui, trente ans ! On ne voit pas le temps passer quand on rigole. C'est en 1991 que Rob Liefeld créa le personnage de Deadpool dans les pages de New Mutants, avant de transformer ce titre en X-Force, qui permettra à Marvel Comics de battre des records de ventes. Cela valait bien une petite conférence à la New York Comic Con du week-end dernier où l'artiste a partagé quelques anecdotes sur cette période glorieuse de sa carrière.
Succes Story
C'est ainsi que Rob Liefeld s'est souvenu de la Wondercon de 1987 à San Francisco où il était venu montrer ses pages aux différents éditeurs présents à cette convention. Il n'était alors qu'un jeune dessinateur de 19 ans qui n'avait que quelques illustrations publiées chez Megaton Comics à son actif. Si Dick Giordano de DC Comics s'était montré intéressé, Mark Gruenwald de Marvel se montra, lui, le plus enthousiaste et s'exclama "Bienvenue chez Marvel !". Pourtant, les débuts marvelliens furent timides et se cantonnèrent à des travaux de design. Et ce fut bel et bien DC Comics qui lui donna sa chance avec une histoire de complément dans Warlord et la mini-série Hawk and Dove.
Finalement convaincu du potentiel du jeune artiste, Bob Harras, responsable éditorial des titres X-Men à l'époque, lui proposa de succéder à Walter Simonson aux dessins de la série X-Factor. Liefeld refuse. Impossible pour lui de passer après une telle légende. Il signera tout de même le numéro 40 de la série, juste après le départ de Simonson.
Il aura moins de scrupules avec Brett Blevins à qui il succède sur la série New Mutants. Il entame alors une opération de relookage de toute l'équipe à qui il faut également un leader. Il propose alors un de ces personnages, Cable. Bob Harras n'est pas fan du nom, mais Liefeld refuse de donner le personnage à Marvel si il est modifié. Finalement, Harras fléchit. "Ils m'ont laissé introduire Cable et les ventes de la série se sont envolées", se souvient l'artiste.
La création de Deadpool
Sa prise de contrôle ne s'arrêtera pas là. Après le cross-over X-Tinction Agenda, la scénariste Louise Simonson quitte le titre. Liefeld est suffisamment populaire pour qu'on lui en laisse le contrôle et qu'il s'occupe dorénavant des intrigues. On lui adjoint tout de même le scénariste Fabian Nicieza pour l'écriture des dialogues.
Dès son premier épisode en solo (New Mutants #98), il présente plusieurs nouveaux personnages : Domino, Gideon et le fameux Deadpool, un mercenaire inspiré de Deathstroke, ennemi des New Teen Titans.
Son design est cependant né d'une compétition amicale avec Todd McFarlane. Celui-ci avait l'habitude de moquer Liefeld sur le fait qu'il devait dessiner autant de personnages dans sa série, "avec des yeux, des cheveux et des dents", alors que Todd n'avait, lui, qu'à dessiner "deux grands blancs pour les yeux" sur Amazing Spider-Man. Rob a donc conçu Deadpool comme un Spider-Man encore plus simple : "Deux grands yeux, mais pas de toiles ! (...) Je voulais vraiment dessiner Spider-Man. C'est Spider-Man avec des flingues et des épées." Quand un fan lui demande ce qui lui a inspiré la personnalité du personnage, il répond: " Je suis un connard, je me devais d'écrire un connard".
Le personnage va s'avérer très populaire. Dans le magazine Marvel Age, alors qu'il annonce sa nouvelle série X-Force, qui fait suite à New Mutants, il promet le retour du mercenaire pour le numéro 7. Cependant, le personnage serait si réclamé que son éditeur lui demande de redessiner le numéro 2 afin de le faire apparaître quelques mois avant le moment prévu. Liefeld inclura donc au forceps un prologue où Deadpool combat un des anciens alliés de Cable, Kane. Liefeld réfute ainsi la thèse selon laquelle Deadpool aurait gagné en notoriété après son départ.
Tant qu'il aura du papier...
Après moins d'une dizaine d'épisodes d'X-Force, Liefeld quittera Marvel pour co-fonder Image Comics et créer une multitude de personnages, de nombreuses maisons d'éditions, mais aussi faire des allers et retours entre Marvel et DC, se fâcher avec pratiquement tout le monde et même se faire blouser. Une carrière bien remplie malgré des carences nombreuses, aussi bien en dessins qu'en scénario, et de nombreuses critiques.
De tout cela, le Rob n'en a cure. À 54 ans, il continue de vivre sa passion avec énergie. De l'aveu de ceux qui y ont assisté, il a animé et occupé la scène de sa conférence comme si il avait trente ans de moins. "Ma vie est une source d'inspiration car je n'aurais jamais dû avoir la femme que j'ai, les enfants que j'ai, la carrière que j'ai, ou la vie que j'ai." Et il sait à qui il le doit : "Si Cable n'avait pas fonctionné, rien de tout cela n'aurait fonctionné".
Malgré toute sa fougue d'éternel jeune premier des comics, il avoue cependant un petit penchant old school, il dessine toujours sur papier. "Je ne peux pas dessiner numériquement. (...) Je suis de la vieille école. J'ai des rames de papier." Il explique qu'en 1995, alors que son studio était en plein essor, il a fait une commande de 30 000 feuilles à un fournisseur de papier. Le studio a disparu, mais il a toujours le papier. "Mes petits-enfants dessineront encore sur ces feuilles", dit-il malicieusement. Pas sûr que certains lecteurs en demandent autant !
Source : The Beat