En août 1999, l’Amérique découvrait le monde de la magie selon Alan Moore dans le premier épisode de Prométhéa. Seulement deux mois après la parution du premier épisode de Tom Strong, donc, l’auteur de Northampton publiait une œuvre autrement plus mystique. Et mystique, c’est peu de le dire, car Prométhéa est une sorte de condensé sur la magie telle qu’il la connaît… une magie tout en symboles qui puise notamment son inspiration des religions, de l’histoire, de l’occulte et du tarot.

Épaulé par J.H. Williams III au dessin et par Mick Gray à l’encrage, ce sont trente-deux épisodes qu’il écrira sous la bannière d’America’s Best Comics, sa propre collection au sein de la maison d’édition Wildstorm avant que celle-ci tombe aux mains de DC Comics (et donc, bien avant que Prométhéa elle-même soit introduite dans la continuité de la maison d’édition dans Justice League of America n° 24 [2018]).

Le titre est clair : Prométhéa est une version féminisée du mythique Prométhée, que la jeune Sophie Bangs est capable de conjurer grâce à sa poésie. L’œuvre s’inscrit aussitôt dans un courant d’écriture féministe et empreint de philosophie.

De la magie, du symbolisme, de la philosophie… vous l’aurez compris, Prométhéa est une œuvre très dense, qui fera probablement fuir les lecteurs en quête de livres plus légers. L’auteur y partage ses propres réflexions sur le monde et l’immatériel ainsi que le fruit de ses recherches dans l’univers de l’occulte.

Malgré tout, le texte n’est pas sérieux du début à la fin. Le récit est ainsi ponctué de personnages plus colorés que la sérieuse déesse, tels que Stacia, meilleure amie de Sophie Bangs au caractère bien trempé et aux réflexions souvent très cyniques, les Cinq Sympathiques, sorte de parodie des Quatre Fantastiques, ou bien encore le gorille qui pleurniche, personnage de bande dessinée dans une bande dessinée aux réflexions auto-contenues dans une simple case, souvent cyniques et qui, malgré la tristesse des propos, se veulent humoristique.

Alan Moore créée, comme à son habitude, un monde et tout un univers très complets. On découvre ainsi une société futuriste enfoncée dans un matérialisme devenu presque oppressant et une passion pour la science qui frôle le fétichisme. L’exploration des différents plans de l’immatéria, royaume de l’imaginaire, et de l’arbre de vie kabbalistique donnent à l’équipe créative tout autant d’occasions de jouer avec le médium et de proposer des concepts inédits, autant sur le plan visuel que sur le plan scénaristique. Le lecteur en prend plein les yeux, et s’amuse ainsi à traverser plusieurs sphères à l’esthétisme bien marqué, sur lesquels J.H. Williams III rebondit pour faire quelques clins d’œil, à la célèbre Nuit étoilée de Van Gogh, par exemple, et qui chambouleront parfois le concept de lecture lui-même de différentes manières particulièrement réfléchies et (ré)créatives.

Cela étant dit, Prométhéa ne se résume pas à cette exploration des royaumes de l’imaginaire. C’est une œuvre qui présente la vie elle-même (la création, l’imagination) à travers le prisme de l’occulte et prend à cet égard une dimension pédagogique, à travers laquelle Alan Moore nous enseigne l’ensemble de ses connaissances (actuelles) sur le sujet.

Publié en France dans une première édition en sept tomes (trois chez Semic, puis quatre chez Panini Comics) entre 2000 et 2010, Prométhéa profite actuellement d’une réédition de luxe au sein de la collection « Cult » d’Urban Comics. Trois volumes, dont deux déjà disponibles, parés pour l’occasion d’une nouvelle traduction par Jeremy Manesse.

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