Après le carton que fut The Last Ronin, aussi bien dans son pays d'origine que dans nos contrées, il était évident que Tom Waltz, Kevin Eastman, Ben Bishop et les frères Escorza allaient remettre le couvert dans l'univers grim and gritty à la Dark Knight Returns des Tortues Ninja.

The Lost Years fait d'autant plus sens, que la fin de The Last Ronin appelait sans l'ombre d'un doute à une suite, que l'on retrouve aujourd'hui publiée chez Hi Comics, un peu plus d'un an après la fin de la publication en VO.

Soyez donc prévenu, cette critique dévoilera inévitablement certains points clé de l'intrigue de The Last Ronin.

The Lost Years montre rapidement ses influences "Mad Maxienne" (©IDW et ©Hi Comics)

Un récit entre deux temporalités

Des visages inconnus, un guerrier solitaire, une montagne enneigée, une soif de vengeance à assouvir, c'est la promesse contenue dans The Lost Years, la seconde intrigue du Ronin-verse de l'univers Tortue Ninja. Toutefois, là ou The Last Ronin était une proposition originale dans la pléthore de titres Tortues Ninja d'IDW, avec malgré tout une approche assez classique dans sa narration, The Lost Years parvient à dynamiter la structure de son prédécesseur, sans pour autant échapper aux passages classiques du récit préquel.

Comme son nom l'indique, l'action de The Lost Years se déroule durant les quinze années d'exil de Michelangelo entre le meurtre de sa famille par le clan Foot dirigé par Oroku Hiroto et son retour à New York.

Dans le même temps, nous aurons l'occasion de suivre les aventures des quatre nouvelles tortues : Uno, Odyn, Yi et Moja en compagnie de Casey Marie Jones (la fille d'April O'Neil et de Casey Jones) et d'April dans une New York qui se remet à peine des événements de The Last Ronin.

Il est donc important de s'intéresser au fonds comme à la forme pour bien comprendre le chemin emprunté par les auteurs qui, non content d'étoffer le parcours et la psychologie de Michelangelo, se permettent également de s'aventurer dans un récit d'héritage et de filiation avec les nouvelles Tortues Ninja. Et ce que l'on peut dire dès maintenant, c'est que, malgré des défauts évidents, Tom Waltz et Kevin Eastman font preuve d'une maîtrise qui rappellera les meilleures heures du début de la série régulière d'IDW, en nous proposant de voyager dans un univers à la fois familier et dépaysant, peuplé par une galerie de personnages à la fois haut en couleur et touchants.

Le pari pouvait paraître risqué, mais là où différents événements (le confinement et la fermeture des bureaux d'IDW, entre autres) avaient en partie nui au rythme et au développement de certains personnages dans The Last Ronin, The Lost Years s'impose comme un récit, certes moins surprenant (nous savons désormais qui est le Ronin et ce qui est arrivé à sa famille), mais qui permet à ses auteurs de s'autoriser quelques audaces narratives dans un carcan en apparence verrouillé.

Une scène qui renvoie à The Last Ronin (©IDW et ©Hi Comics)

Un prologue et une suite sans enjeux ?

La narration décousue de The Lost Years se pose donc comme l'aspect central du récit, en mêlant chaque étape de la transformation de Michelangelo en tueur avec celle de Uno, Odyn, Yi et Moja. À ce titre, la séquence d'ouverture du récit est plutôt parlante, en plus de créer un effet miroir avec l'un des flashbacks de The Last Ronin.

Nous retrouvons Michelangelo, vivant en ermite dans les montagnes d'Hokkaidō, suite aux décès de Donatello et de Splinter. Malheureusement pour lui, l'irruption des membres du gang du Ver de la mort va le ramener sur les sentiers de la guerre et va nous donner l'occasion de découvrir comment Mickey a acquis ses nouvelles armes, sa tenue et ses nouvelles techniques de combat.

La quête de Michelangelo se déroule ainsi sous la forme d'un road trip qui sera autant un voyage dans le monde dévasté du Ronin-verse qu'un voyage initiatique pour notre protagoniste, parsemé de références à la pop culture (comme The Last Ronin) et d'une vision plus sombre et cynique de l'univers. Dans cette optique, Splinter devient au cours des flashbacks une figure bien plus ambiguë et amorale que dans la formule habituelle des Tortues Ninja (cet aspect était vaguement esquissé dans The Last Ronin), obligeant son fils le plus pacifique (Mickey) à emprunté un chemin violent qui n'est pas le sien. Le tout étant extrêmement bien souligné par le trait de Ben Bishop.

Même si cette épopée du Ronin, que l'on devinait via des bribes d'informations et des flashbacks dans The Last Ronin, s'avère bien rythmé, on peut quand même noter le côté hasardeux de cette entreprise d'expliciter une partie de l'histoire de Michelangelo. Car force est de constater que le mystère autour de ses années fonctionnait mieux lorsqu'il était laissé à l'imagination et à l'interprétation du lecteur (la manière dont Mickey acquiert son fameux manteau est un cas d'école, par exemple, pour donner de l'importance à un simple détail visuel).

Malgré tout, l'aventure de Michelangelo est sans conteste la partie la plus intéressante de The Lost Years, notamment grâce à toute l'ambiguïté qui plane sur le parcours de la tortue au bandana orange, en posant un point de vue original et radical, dans la droite lignée de The Last Ronin. Cela est malheureusement moins le cas en ce qui concerne les nouveaux protagonistes.

La partie du récit qui concerne nos nouveaux protagonistes (Uno, Odyn, Yi et Moja) est bien plus classique, comparé à l'arc narratif de Michelangelo, car le récit adopte la forme un peu plus usitée de la fiction d'arts martiaux, avec le développement physique et psychologique des élèves (les nouvelles tortues) avec leur maître (Casey Marie, qui fait à la fois office de maître et de mère pour les quatre mutants).

Et bien que la narration de ces séquences soit ponctuée par un passage du journal de Michelangelo, le rythme du récit se retrouve perturbé à de nombreux moments, avec des allers-retours peu équilibrés (surtout sur les deux derniers numéros) entre le passé et le présent.

C'est pourquoi la partie du récit qui se déroule dans le présent fait plus office de prologue à The Last Ronin II Re-evolution, qu'autre chose.

L'un des passages les plus intéressant de The Lost Years, mais trop court malheureusement (©IDW et ©Hi Comics)

L'avenir du Ronin-verse

Avec l'arrivée de The Last Ronin II Re-evolution prévue l'année prochaine chez Hi Comics (la série est en cours de publication en VO chez IDW), la frénésie autour du Ronin-verse ne semble pas prête de s'arrêter, mais là ou The Lost Years fait preuve de qualités indéniable, malgré un certain manque d'enjeux, on peut légitimement se demander si cet univers n'a pas déjà atteint ses limites ?
Le parcours de Michelangelo est désormais clos et les nouvelles aventures de Uno, Odyn, Yi, Moja et Casey Marie, semblent prendre une tournure beaucoup plus classique et déjà vue, à coups de guerres de gangs et d'antagoniste mystérieux, saupoudré d'habilité mystique (des super-pouvoirs en réalité), le tout se déroulant dans un univers d'anticipation.

Bien qu'incertain (deux numéro The Last Ronin II Re-evolution sont parus à l'heure où nous écrivons ces lignes), le futur du Ronin-verse interroge en même temps qu'il inquiète. Dans tous les cas, The Lost Years reste un complément plaisant et qualitatif à The Last Ronin, mais qui ne révolutionnera en rien l'univers des Tortues Ninja, à contrario de son prédécesseur.

The Last Ronin: The Last Years, disponible depuis le 21 août 2024 chez HiComics, 208 pages, 29,95 €.

Les Tortues Ninja - TMNT : The Last Ronin : Lost Years
De Peter Laird et Kevin Eastman
21/08/2024 – Relié – 29,95€

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