Comme chaque année, à la grand-messe qu'est le Festival d’Angoulême, l'industrie de la bande dessinée s'offre l'occasion de revenir sur l'année précédente grâce aux chiffres fournis par GfK, une société spécialisée dans la collecte et l'analyse de données. Après une année exceptionnelle en 2021, la BD, à l'image de l'édition en général, marque un peu le pas. Néanmoins, les chiffres restent excellents.

La BD, une industrie qui carbure en 2022

Avec 23% du chiffre d'affaire total de la vente de livre neuf, la BD reste le deuxième moteur de l'édition française, juste derrière la littérature générale (27%). À eux deux, il représente 50% du chiffre d'affaire de l'édition. La meilleure vente de 2022, tous livres confondus, est d'ailleurs une BD, Le Monde sans fin de Jean-Marc Jancovici et Christophe Blain.

Le nombre d'albums vendus a certes diminué de 3% avec 84,6 millions d'unités vendues (contre 85,1 M en 2021), mais reste largement au dessus des chiffres pré-COVID (49 M en 2019). En revanche, le chiffre d'affaire a lui augmenté de 2% par rapport à 2021, atteignant les 921 millions d'euros.

Si la baisse du nombre d'exemplaires vendus est expliqué par l'absence d'album d'Astérix cette année, elle ne doit donc pas occulter le dynamisme du marché de la BD, toujours porté par le manga. 48 millions de BD venus du Japon se sont écoulées dans l'année. Plus d'une BD sur deux vendue en France est un manga. Le shōnen (le genre aventure plutôt tourné vers le jeune public masculin) domine outrageusement avec 36,5 M d'exemplaires écoulés, représentés par les séries One Piece, Naruto ou Spy X Family. Le shōjo (genre romantique plutôt destiné vers le public féminin) est cependant en nette progression avec 15% de ventes en plus que l'année dernière.

Si le manga représente 57% du marché de la BD, c'est sur la BD franco-belge qu'il grignote. Celle-ci représente tout de même 39 % de parts de marché et a su mettre de dignes représentants en haut des tableaux de ventes comme, on l'a dit, Le Monde sans fin, mais aussi L'Arabe du futur de Riad Sattouf et Mortelle Adèle dans la ligne jeunesse.

Les comic books: vers un marché tiraillé ?

Vaille que vaille, les comic books, eux, ne représentent toujours que 4% de tout ce marché. Une stabilité au pire inquiétante par son immobilisme, au mieux rassurante par sa constance, mais qui place toujours le genre dans une niche confidentielle. L'écart entre l'ommniprésence médiatique des super-héros et son impact sur les ventes de comics est une nouvelle fois remarquable.

Pourtant, si le nombre d'exemplaires vendus reste stable à 3,7 M, le chiffre d'affaire du secteur comic gagne 2% pour atteindre 50 millions d'euros. Un score dû, sans surprise, aux augmentation de tarifs qui se sont succédé tout au long de l'année 2022, mais aussi au poids de plus en plus important des opérations à petits prix.

Avec la hausse des matières premières, les prix ont flambés, autant pour le secteur des comic books que pour celui de la BD en général, avec pourtant une petite curiosité. Si les mangas ont pris 4% et la BD Franco-belge entre 3% et 6%, la valorisation des comic books n'est pas du tout uniforme. Ainsi les comics hors super-héros ont carrément pris 8% dans la vue tandis que les comic books super-héroïques ont vu leur prix global chuté de 1%.

C'est que, comme on l'a dit, le poids des opérations à petits prix est devenu énorme dans la petite niche de la BD anglo-saxonne. En 2022, il représente 38% des vente de comics en France. Sa masse fait baisser de facto le prix moyen du comic books alors que, par ailleurs, les éditions normales voient leurs prix augmenter et leur part sur le marché diminuer. Paradoxe: alors que les éditions les moins chères sont plébiscitées, celles à l'autre bout du spectre tarifaire gagnent également en acheteurs.  Les éditions collectors ou luxueuses représentent certes seulement 5% du marché comics, mais ce sont environ 200 000 exemplaires que se écoulés à des prix tournants autour de 30 € et plus. Un volume qui s'est vu multiplier par 3,5 en moins de 10 ans.

Le marché comics semble donc, petit à petit, devenir un marché à plusieurs vitesses, tiraillé entre son ADN de BD populaire à bas prix et la tentation de l'embourgeoisement et de la respectabilité des éditions luxueuses et patrimoniales. Entre les deux, un no man's land où le super-héros surnage et où les indépendants peinent à trouver leur place.

Sources: GfK, Actualitté, Comicsblog

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