La série Disney + / Marvel Studios a tiré sa révérence hier après un mois et demi de diffusion et d'attente hebdomadaire. Ayant eu le malheur de passer après WandaVisionpremière série événementielle du MCU au concept frais et aux personnages forts, Falcon et le Soldat de l'Hiver, que les premières bandes-annonces promettaient être un divertissement plus "dans les clous", était fatalement moins attendue, bien que les fans les plus exigeants s'y soient accrochés dans l'espoir de voir enfin les protagonistes trop secondaires de la saga que sont Sam Wilson (Anthony Mackie) et Bucky Barnes (Sebastian Stan) prendre du galon.

Et sur ces entrefaites, les six épisodes ont amené le propos des films Captain America sur un terrain tout autre, parfois inattendu et pas toujours maîtrisé, mais relativement bien équilibré entre grand spectacle, émotion et fan-service. Sans parler d'une promesse d'un avenir radieux sous la bannière étoilée, vu que dans la foulée, la production d'un quatrième volet cinématographique consacré à la Sentinelle de la Liberté a été annoncée en grande pompe – probablement pour la Phase 5 du Marvel Cinematic Universe. Mais avant de partir en circonvolutions, abordons le bilan de ce second essai épisodique de la firme, et en full spoilers. Merci donc de ne pas lire ce qui suit si vous souhaitez conserver la surprise.

Une histoire d'héritage

Suite aux événements d'Avengers : Endgame et la disparition de Steve Rogers, le costume du Captain est vacant. Nouveau propriétaire du bouclier en vibranium de son défunt ami et frère de combat, Sam Wilson, aka Falcon, ne se sent ni digne, ni assez fort pour endosser ce rôle de modèle et cède donc l'héritage de Rogers au musée Captain America pour la postérité. D'autant qu'il a lui même ses propres soucis à gérer entre une famille désargentée et des missions sur le terrain de plus en plus compliquées. Mais le gouvernement des États-Unis ne compte pas laisser le symbole de la liberté triomphante du peuple remisé dans une vitrine et engage (sans tenir Sam informé) un nouveau Captain America : John Walker (Wyatt Russell), soldat d'élite à qui il revient alors de porter le bouclier et la bannière étoilée pour répandre l'idéal de son prédécesseur. Une nouvelle très mal reçue par Bucky Barnes, meilleur ami de Steve Rogers et ex-Soldat de l'Hiver alors en pleine rémission, tentant lui aussi de trouver sa place et sa rédemption dans un monde en pleine mutation. Au milieu de cette débâcle morale, une nouvelle menace s'élève ; les Flag Smashers, un groupuscule terroriste de vagabonds ultra organisés dirigés par Karli Morgenthau (Erin Kellyman). Les deux anciens camarades de Steve Rogers ne seront pas de trop pour stopper ces individus dont le but est de rendre au monde le statut qu'il occupait avant l'Éclipse de Thanos et qui, pour s'aider dans leur quête, se sont tous inoculés le sérum du Super Soldat.

Dans l'ombre de l'idole.

Dans la droite ligne des films Captain America proposés par le MCU, Falcon et le Soldat de l'Hiver aborde l'univers des comics Marvel sous l'angle du thriller politique et du film d'action. Si les premières bandes-annonces laissaient entendre que l'approche du buddy movie serait privilégiée, avec des échanges verbaux pimentés façon l'Arme Fatale entre les deux héros titres (souvent amusants par ailleurs), il s'avère que la façade ne tient guère longtemps face aux véritables intentions de la série, à savoir parler de l'importance de l'héritage, des idéaux et de ce qu'on en fait. Un message qui prend à la fois corps dans les tourments de Sam Wilson, incapable de porter le poids que représente le bouclier de son camarade aux yeux du monde, et dans ceux de John Walker, nouveau personnage quasi central de l'intrigue. Dans les oripeaux d'un Captain America traditionnel, le futur U.S Agent que les fans de Marvel connaissent bien, est clairement l'un des meilleurs ajouts de cette série, n'en déplaise aux innommables gogols des internets qui ont tellement couvert le personnage et Wyatt Russell sous leur venin qu'il a été obligé de désactiver ses réseaux sociaux devant cette avalanche de haine ayant entraîné la création du hashtag #NotMyCap.

L'habit ne fait pas le moine

Cette bêtise et cette intolérance crasse des fans représentent un combe absolu quand on sait que le poids des symboles, leur signification et le fait qu'un héros n'en remplace pas nécessairement un autre malgré le costume (n'est-ce pas Black Panther 2 ?) sont au cœur de l'intrigue de Falcon. Bourré de bonnes intentions au départ, Walker (un homme qui "marche" du coup, trop lent, trop réduit par rapport au sprinter qu'était Steve Rogers tout gonflé de son sérum) va porter une croix d'un poids rare et les événements de la série ne cesseront de l'humilier, de l'abattre et de le faire souffrir (la mort de son coéquipier Battlestar aux mains des Flag Smashers dans l'épisode 4 reste l'un des moments décisifs de l'intrigue) jusqu'à le faire publiquement céder à la violence et au meurtre, victime des attentes qu'ont fait peser sur lui des décideurs déconnectés de la réalité, sa propre perception exagérée d'un symbole mondial et la relative intolérance de nos héros, justement.

Bien sûr, tout cela amène à la création du personnage de US Agent à la fin de la série, une version plus moralement nébuleuse du Captain ici engagée par une nouvelle venue : Valentina Allgera de Fontaine (Julia Louis-Dreyfus), dans les comics une ex-agent du SHIELD devenue pendant un temps Madame Hydra. Probable future menace pour les héros du MCU et une sorte de Nick Fury de l'ombre.

LA scène où le personnage de John Walker (et le message de la série) prend tout son sens.

Changer le visage du monde

Si "Val" est un personnage aux intentions troubles venu des comics, elle n'est pas la seule. Karli Morgenthau et les Flag Smashers sont également issus de la mythologie du Captain, mais sous des avatars bien différents. Jouée par Erin Kellyman, déjà vue dans le rôle d'une rebelle masquée dans Solo: a Star Wars Story, Karli est une version féminine de ce méchant relativement secondaire qu'est le Flash Smasher, alias Karl Morgenthau, un violent activiste qui donne ici son nom au mouvement et non au personnage qui ne conserve finalement de son modèle de papier qu'un semblant de masque noir marqué de rouge. Agissant dans l'ombre d'un certain Power Broker (autre vilain des comics, cette fois endossé par le personnage de Sharon Carter, toujours jouée par Emily VanCamp, manifestement passée du côté des bad guys), Karli et les Flag Smashers, malgré leur violence manifeste, incarnent une limite morale souvent inédite dans le divertissement super-héroïque.

En effet, si les actions terroristes du groupe sont hautement discutables, le scénario passe beaucoup de temps en compagnie de ces violents idéalistes malmenés par la vie, souvent plus clairvoyants que ces ânes qui les dirigent, et porteur d'un combat que l'on peut comprendre au vu des enjeux soulevés – la réapparition des victimes de Thanos après cinq ans entraîne des mouvements migratoires et des relocations de réfugiés sans précédents et souvent inégalitaires. En affrontant ainsi l'héritage d'un événement, de l'Histoire même, Karli et ses sbires entérinent le fait que Falcon and The Winter Soldier n'a pas de réel méchant, ce qu'avait déjà annoncé le personnage d'Helmut Zemo (Daniel Bruhl), sous-estimé adversaire des Avengers dans Civil War ici de retour, et avec sa cagoule pour l'occasion.

Bas le masques : Zemo, un des "méchants" les plus ambigus et passionnants de MCU.

Baron des cœurs

Dès le second épisode, Sam et Bucky font appel au redoutable Zemo pour les aider dans leur quête des Flag Smashers, un retour amplement justifié au vu de la connaissance encyclopédique du baron sur le super sérum. Un ajout grandement bienvenu, car si Zemo se voit attribué de manière un peu cavalière son statut de baron pour faire plaisir aux fans des comics, il permet non seulement d'introduire aussi d'autres éléments que ces derniers attendaient (la fameuse cagoule violette, au détour d'une seule et unique scène d'une gratuité sans nom) et d'autres qu'ils attendaient moins (la cité criminelle de Madripoor) mais aussi de faire revenir l'univers de Black Panther dans l'intrigue, avec les Dora Milaje, garde royale du Wakanda, qui vont travailler main dans la main avec Bucky pour récupérer Zemo (meurtrier du roi T'chaka dans Civil War)  dès que nos héros en auront terminé avec lui.

De quoi ravir les fans du MCU qui assisteront dès lors à des scènes de combat d'une rare intensité entre John Walker, Bucky, Sam et Ajo, charismatique chef des gardes wakandaises. Si la présence de Zemo pouvait laisser croire que l'on tenait le méchant de l'histoire et donc le traitre de circonstance que les héros devront se coltiner encore et encore (un statut qui reviendra finalement à Batroc, de retour dans la série le temps de trois scènes, par pur souci de continuité), il n'en est rien et le Baron se poste lui aussi dans la case des "non méchants", statut qu'il occupait déjà dans Civil War en mari et père de famille détruit par l'inconscience guerrière des Avengers. Et en terme de guerrier, Zemo se pose lui aussi comme l'héritier d'une noble famille et le garant d'un avenir qu'il souhaite pur, sans aucun sérum capable de donner des pouvoirs à des gens. Et au vu de son passé et de son expérience avec la chose, on est en droit de saisir son point de vue.

Le personnage, souvent un peu trop léger et caustique par rapport au manipulateur froid et méthodique de Civil War (la scène de danse dans la discothèque de Madripoor est aussitôt devenue virale) n'est donc jamais là où on l'attend, et c'est un véritable plaisir, tout comme le message définitif que va délivrer la série sur une seconde moitié forte en émotion, à défaut d'être bien filmée et parfois, bien crédible.

"Ils n'accepteront jamais un Captain America noir" : crois-tu ?

Capitaine, mon capitaine

C'est par l'ajout d'un autre élément des comics, le personnage d'Isaiah Bradley (apparu en 2003) que Falcon et le Soldat de l'Hiver va enfoncer le clou ultime. Extrêmement juste dans le rôle du Captain America noir oublié, remisé dans sa maisonnette après des années de tortures au super-sérum, Carl Lumbly est le cœur émotionnel de l'histoire, encore plus que Sam. Par ce personnage et l'arc narratif qui l'entoure, la série porte le cri d'alarme des minorités et de la condition noire américaine qui mènera à ce que le spectateur attendait depuis belles lurettes, à savoir que Sam, suite à la défection de Walker, endosse enfin le rôle de Captain America, encore plus crédible, équipé de ses ailes dignes de l'aigle chauve du pays de l'Oncle Sam (tiens, tiens).

Si cet aboutissement consiste en un engagement lourd de sens, il est tout de même terriblement précipité dans l'acte final, où Sam devient le héros à tout faire dans chaque plan, au point de pouvoir même soutenir un fourgon blindé avant une chute à la seule force de ses ailes (sans super-sérum), et de mettre un terme à toute l'intrigue en décochant un discours beau mais un peu ronflant sur les responsabilités des dirigeants de ce pays (ce qui marche un peu trop facilement).

Et Bucky dans tout ça ? Malheureusement, et même si Sebastian Stan fait le job, le second personnage-titre passe trop rapidement au second plan, malgré un affect rare mais qui fait souvent mouche (la très belle scène de flash-back où l'ex-vilain réalise qu'il n'est plus sous le contrôle du code d'activation du Soldat de l'Hiver). En ce sens, la série aurait tout aussi bien pu s'appeler Falcon tout court tant l'utilité de Bucky reste majoritairement accessoire et réduite au rôle de gros bras utile à la baston. Des bastons qui faisaient pourtant le régal des spectateurs jusqu'à son final au montage hystérique et à la chorégraphie pas très bien maîtrisée, sans parler du retour en fanfare de John Walker pour pas grand chose, alors qu'il était porteur de bien plus de matière que cela.

Sans oublier Sharon Carter, l'ex-agent 13 et love interest de Steve Rogers, ici devenue le Power Broker (une révélation annoncée entre la poire et le dessert), un protagoniste jouant un double-jeu et dont le traitement est assez vite expédié, ne semblant servir qu'à annoncer de futurs enjeux dans d'autres séries – d'autant qu'au vu de la présence de Sam pas loin au cours de l'échange final entre Karli et Sharon, il reste étrange que le nouveau Captain America n'ait rien entendu de cette révélation – mais sa demi-cagoule lui bouche peut-être les oreilles ?

Bucky, le grand sacrifié de la série, devant un motif rappelant une bannière étoilée "fragmentée" à l'image de sa psyché.

En route pour Captain America 4

Si des rumeurs de saison 2 commençaient à fleurir ça et là, c'est avec l'annonce d'un quatrième volet de Captain America, porté par Sam Wilson dans le rôle, que la continuité thématique de cette phase du MCU va se profiler. En espérant que Kevin Feige tire un enseignement de cette série qui, comme WandaVision et certains films de son univers, est trop vite expédié dans un épisode final qui oublie la nuance dont la série faisait preuve jusque là. Mais l'un dans l'autre, et devant la catastrophe annoncée au début de la phase de tournage, Falcon et le Soldat de l'Hiver est une bonne surprise, un show court et solide, qui annonce des choses bien intrigantes pour la suite.

Le Captain est mort ? Vive le Captain !

Falcon et le Soldat de l'Hiver, disponible sur la plateforme Disney+.

Envie d'en discuter ?
Rendez-vous sur Discord
Suivez-nous pour ne rien rater :
Alligator Queen

Ça pourrait vous intéresser

 sur Superpouvoir.com
Partager : Partager sur Facebook Partager sur Twitter