Le scénariste Mark Waid a annoncé récemment sur Facebook le décès de son ami, l'éditeur et scénariste Brian Augustyn.
Editorialord
Brian Augustyn est né le 2 novembre 1954, à Chicago (Illinois). Il tombe tout petit dans la marmite des comic books et commence à créer ses propres histoires dès 11 ans. Si il abandonne assez vite le dessin, il garde en revanche le désir d'écrire. Au début des années 80, il devient rédacteur et relecteur pour diverses publications avant d'entrer officieusement chez l'éditeur First Comics, basé à Chicago, où il apprend le boulot de responsable éditorial sur le tas, en observant le rédacteur en chef de la maison d'édition, Mike Gold. Il fait la connaissance, à cette époque, de Paul Fricke et Scott Beaderstadt qui promène un peu partout les 24 pages d'essai de leur projet Trollords. Lassés de se faire rembarrer par les maisons d'éditions en place, Fricke et Beadertadt fondent, en 1986, Tru Studios pour auto-publier leur titre et engagent Augustyn pour être leur responsable éditorial. En plein dans la mouvance des comics N&B indépendants, Trollords obtient un joli succès (à son paroxysme, le titre vendait dans les 75 000 exemplaires) et fait remarquer Augustyn. Il est recruté par la petite compagnie NOW Comics, où il supervise des séries comme Dai Kamikaze (qu'il co-créé), Syphons, Speed Racer ou Valor Thunderstar and his Fireflies. Il s'essaie également à l'écriture pour la petite boite B-Movie, où il scripte des histoires pour la revue Reacto Man.
Il obtient un entretien d'embauche chez DC Comics qui veut surfer sur la vague des indépendants en ouvrant une collection qui s’appelle alors National Comics et qui deviendra le label Piranha Press. Il n'aura pas le boulot, mais Mike Gold, qui a intégré DC Comics, se souvient de lui et l'année suivante, quand DC a besoin d'agrandir son staff éditorial, il l'intègre à l'honorable maison de Superman. Il commence d'ailleurs son boulot d'Associate Editor sur Action Comics Weekly, auquel succéderont Flash, la gamme des titres Justice League, Justice Society, Wonder Woman, Hero Hotline, Bugs Bunny, The Shadow, El Diablo ou encore Plastic Man. Le frais émoulu responsable éditorial partage alors son bureau avec un autre rédacteur tout juste arrivé également, mais plus jeune de quelques années, Mark Waid.
Master of the Friendship
Waid se souvient : "J'ai rencontré Brian Augustyn en 1987. Nous avions tous deux été embauchés chez DC Comics en tant que rédacteurs adjoints, l'un de nous une semaine avant l'autre, mais je ne me souviens plus qui est arrivé en premier. Cela n'a pas d'importance. Nous partagions un amour pour les vieux comics, les séries de David E. Kelley, les vieux programmes télévisés et les meurtres mystérieux. Nous avions des idées similaires sur ce qu'était une histoire et nous étions tous les deux fortement convaincus de la nécessité d'un apport de nouveaux talents et de nouvelles voix dans l'entreprise. Nous avions un lien naissant du simple fait que nous faisions partie des "petits nouveaux", mais le moment qui a cimenté une amitié durable est survenu quelques mois plus tard, lors d'une retraite du personnel de DC. Nous dînions à différentes tables dans un bon restaurant, et quelqu'un montrait sa capacité à faire chanter un verre à vin en faisant glisser son doigt autour du bord. Comme les autres à notre table, j'ai essayé de l'imiter et j'ai échoué, abandonnant après environ trois secondes. Je trouvais ça cool. Un supérieur, assis à une table voisine et profondément irrité par le son, n'a pas trouvé ça cool. Ne voyant que moi en train de toucher un verre, il a supposé que c'était moi qui faisais tout ce bruit et est venu m'engueuler devant tout le monde, m'humiliant complètement. Quelques minutes plus tard, Brian, sans y être invité, a pris sur lui d'aller voir le patron de son patron et de lui expliquer, avec une pointe d'agacement, que j'étais innocent, ce qui était un geste courageux étant donné que Brian était le nouveau et que le supérieur n'était pas particulièrement indulgent à ce moment-là. Je n'ai pas eu d'excuses, mais je me suis fait un ami pour la vie, un type droit qui m'a montré qu'il me soutiendrait toujours. Après ça, nous étions inséparables, meilleurs amis pour toujours. Je suis devenu le petit frère de Brian. J'aurais préféré un terme un peu moins humiliant que "petit frère", mais honnêtement, j'étais une grande gueule qui avait besoin qu'on le surveille de temps en temps, alors "petit frère" était assez juste."
Le destin des deux hommes sera intimement lié. Ils se mettent à écrire ensemble, notamment une histoire de Batman pour Detective Comics Annual #2 (DC Comics, 1989). Et chacun n'hésite pas à faire appel à l'autre pour écrire des projets dont il ont la charge. Ainsi, alors que Waid travaille sur un projet de numéro spécial pour Secret Origins, Alternate Origins, Augustyn lui pitche l'idée d'une histoire où un Batman apparaîtrait dans le Londres du XIXe siècle à la poursuite de Jack l’Éventreur. L'idée plait à Waid et ce qui devait n'être qu'un simple Annual se transforme en un Prestige Format lorsque les talentueux Mike Mignola et P. Craig Russell sont engagés pour la partie graphique. A Tale of the Batman: Gotham by Gaslight devient un succès immédiat (plus de 500 000 exemplaires selon Augustyn lui-même) qui amènera à l'établissement de la collection Elseworlds (où l'on découvre des mondes alternatifs) et à une suite, Batman: Master of the Future, écrit par Augustyn lui-même et dessiné par Eduardo Barreto (qui tapera ses 200 000 exemplaires tout de même, toujours selon le scénariste).
Un gros Impact
De son coté, en 1991, Augustyn se voit confié par Mike Gold l'élaboration d'une ligne de comics de super-héros qui pourrait servir de point d'entrée pour les plus jeunes lecteurs. "Gold a mentionné les héros Archie", se souvenait Augustyn. "Nous pensions pouvoir faire avec eux ce que DC avait fait avec les héros Charlton. Je me souviens que nous avions également envisagé d'acquérir ou de louer d'autres univers de héros préexistants (bien que dormants), y compris (je crois me souvenir) les bandes dessinées de Tower comme Thunder Agents. C'est évidemment pour les Mighty Heroes d'Archie que nous avons opté." La ligne prendra le nom d'Impact Comics et Augustyn y fait travailler son ami Waid qui avait quitté son poste de responsable éditorial pour devenir scénariste freelance deux ans plus tôt. Il lui confie la série The Comet (avec Tom Lyle) ainsi que les dialogues de Legend of the Shield.
L'année suivante, lorsque Wiliam Messner-Loebs quitte son poste de scénariste sur Flash, là encore, Augustyn se tourne vers Waid qui entamera alors un passage d'anthologie sur le titre. Alors que les comic books sont, à l'époque, marqués par la mode du dark and gritty et des justiciers violents, Waid et Augustyn choisissent la voie opposée, tentant de retrouver l'esprit positif des super-héros des années 50 et 60. Une démarche qui irriguera une partie de la production des années 90 (Marvels, Heroes Return, Supreme, Mr. Majestic) Pour Waid, Augustyn était alors plus qu'un responsable éditorial: "Dès le début, (...), il était essentiellement mon co-scénariste ; pas une seule histoire n'est née autrement que de nous deux au téléphone, discutant d'idées et essayant constamment de nous dépasser. Nous étions si complices que c'en était effrayant. Nous avons fini par arriver à un point où, si j'étais bloqué sur un point de l'intrigue, tout ce que j'avais à faire était de décrocher le téléphone. Pas pour parler à Brian, juste décrocher le téléphone, de commencer à composer le numéro. Instantanément, je savais ce qu'il dirait, comment il réagirait, comment il me suggérerait d'arranger les choses, et comme il avait raison, je reposais le téléphone et continuais à taper. Nous ne parlions pas seulement de Flash. À mes débuts, je ne pouvais vraiment rien faire sans son apport pour m'améliorer, et il y a une partie de son ADN dans tous mes premiers travaux, de Kingdom Come à Captain America en passant par J.L.A - des idées, des notions, des morceaux, tous essentiels. Des années plus tard, alors que la carrière pour laquelle je lui devais tout s'épanouissait, il avait l'habitude de plaisanter en disant que personne ne pouvait l'accuser de tirer parti de ma carrière, car il avait fait ma carrière, ce qui était tout à fait exact. Je n'ai jamais hésité à dire que, sans Brian, j'aurais passé les 25 dernières années à travailler dans une station de lavage quelque part et c'est la pure vérité." Cette osmose, elle se fera sentir même en dehors de Flash. Lorsqu'Augustyn est remplacé sur les titres Impact, il reste malgré tout co-scénariste de Waid pour certains titres comme Crusaders ou Crucible et lui file un coup de main pour un Annual de Batman: Legends of the Dark Knight (#4, DC Comics, 1994).Cela ne l'empêchait pas d'écrire seul sur quelques titres relativement discret comme Black Condor (avec le dessinateur Rags Morales), Black Mask (avec Jim Baikie), Firebrand (avec Sal Velluto) ou quelques histoires consacrées à Green Lantern, Blue Beetle ou à Black Condor dans l'anthologie Showcase.
Durant son temps comme responsable éditorial chez DC (qui lui vaudra un Wizard Fan en 1994), Augustyn a contribué à découvrir et promouvoir de nombreux artistes comme Humberto Ramos, Travis Charest, Ethan Van Sciver, ou Mike Parobeck. Flash notamment sera un vrai catalyseur de carrière. En quelques mois, il fait défiler sur la série Mike Wieringo, Carlos Pacheco, Salvador Larrocca et Oscar Jimenez qui verront leurs trajectoires littéralement décollées grâce à ses passages. Tout à une fin cependant. En 1996, il décide de quitter son poste pour devenir scénariste freelance. Il devient officiellement le co-scénariste de Waid sur Flash et l'épaule sur X-O Manowar et Operation Stormbreaker pour Acclaim, Ash: Cinder & Smoke et Painkiller Jane pour Event Comics, le cross-over Vampirella/Painkiller Jane pour Harris Comics et JLA: Year One et le roman graphique The Flash: The Life Story of Barry Allen.
Hell
Seul, il signe une mini-série Imperial Guard pour Marvel Comics et scénarise les deux séries d'Humberto Ramos pour Wildstorm : Crimson et Out There. Il écrira aussi un Lady Death/Medieval Witchblade et un Lady Death/Bedlam avec Brian Pulido pour Chaos Comics.
Au cours des années 2000, il intègre Visionary Creative Services, un studio qui se veut à la fois un fournisseur de contenu pour différents éditeurs et un centre de formation pour jeunes auteurs. Augustyn y apporte son expérience d'éditeur et de scénariste. Il écrira alors pour de nombreuses maisons d'édition. Pour Dreamwave, ce sera une mini-série consacrée au personnage de jeu vidéo Mega Man, au titre de fantasy Warlands et la courte série Duel Masters. Il comptera aussi parmi les premiers auteurs de Speakeasy pour lequel il écrira les débuts de la série Beowulf. Parmi les curiosités, on peut citer qu'il scriptera l'adaptation d'un roman chrétien apocalyptique pour les éditions Tyndale House. Il fera également un tour chez Dark Horse avec un numéro de Star Wars Tales, de B.P.R.D et la mini-série Hell. Il écrira aussi le cross-over Painkiller Jane/Hellboy et Painkiller Jane/Darkchylde. Il retrouvera l'univers de son Batman victorien dans un numéro spécial de DC, The Search for Ray Palmer: Gotham by Gaslight et Wally West dans DC Retroactive: Flash - The 90's.
Chez le petit éditeur Red Giant Productions, il signera les débuts de la série Amped tout en prodiguant son expertise éditoriale. Il retrouvera finalement son compère Mark Waid pour deux mini-séries, Archie 1941 et Archie 1955.
Sa fin de carrière assez discrète n'a malheureusement pas été à la hauteur de l'influence qu'à pu avoir Augustyn durant les années 80 et 90 sur les comic books, tout à la fois découvreur de talents, initiateur d'une collection mythique et maître d'œuvre d'un run influent.
Brian Augustyn est décédé le 1er février des suites d'une attaque cardiaque survenue deux jours plus tôt. Il laisse derrière lui sa femme Nadine, ses filles Carolyn et Allie et son petit-fils Quinn, à qui nous adressons toutes nos condoléances.
Sources : Wikipedia, Bleeding Cool, Downthetubes