Dans les eaux troubles de L'Étrange Créature du Lac Noir, la collection Universal Monsters propose un nouveau titre signé Dan Watters, Ram V et Matthew Roberts chez Urban Comics. Après une superbe adaptation remarquée de Dracula par James Tynion IV et Martin Simmonds, la collection prend cette fois un virage différent. Au lieu d'adapter fidèlement le film de 1954, les auteurs créent une suite directe avec de nouveaux personnages. Un choix qui respecte l'esprit du film de Jack Arnold, dont l'influence sur le cinéma de genre perdure encore aujourd'hui – du personnage d'Abe Sapien chez Mike Mignola à La Forme de l'Eau de Guillermo del Toro, tous héritiers de la créature imaginée par Millicent Patrick.

Que se cache-t-il sous la surface de cette histoire ?

Kate Marsden, journaliste américaine, poursuit une quête personnelle au cœur de la forêt amazonienne. Sa cible : un tueur en série qui aurait trouvé refuge au Pérou. Survivante d'une tentative de meurtre, elle suit la piste d'un corps mystérieusement acheté par un inconnu. Sa traque la mène jusqu'à une rencontre inattendue avec une créature légendaire qui, contre toute attente, lui sauve la vie lors d'une chute dans le fleuve. À son réveil, elle fait la connaissance d'un scientifique au visage marqué par d'anciennes blessures, qui traque lui aussi la créature depuis des années.

L'étrange créature du lac noir vit toujours

Le scénario parvient-il à maintenir la tête hors de l'eau ?

Les scénaristes ont choisi une approche différente, mais non moins intéressante : plutôt que de faire de la créature le monstre principal comme dans le film de 1954, ils déplacent l'horreur vers un tueur en série, Darwin Collier. Cette histoire des années 50 résonne étonnamment avec notre époque, notamment dans son traitement du traumatisme de Kate Marsden. Cette journaliste survivante, déterminée à obtenir justice, n'est pas qu'une simple victime : c'est une héroïne complexe et attachante, qui se bat contre ses démons intérieurs tout en poursuivant son agresseur. Car ici, le véritable monstre n'a pas d'écailles. Malheureusement, le format court en quatre numéros ne permet pas de développer pleinement ces thématiques prometteuses. C'est d'autant plus frustrant que les bases de ce thriller psychologique sont solides et bien posées, mais le récit manque cruellement d'espace pour honorer toutes ses promesses.

Et côté dessins ?

Matthew Roberts opte pour un dessin précis qui sert efficacement la narration de cette aventure en Amazonie. Les scènes aquatiques sont particulièrement réussies, avec un jeu de couleurs qui met en valeur l'environnement. Le style graphique, plutôt conventionnel, ne rend pas totalement justice à la dimension horrifique du récit – une légère touche plus mignolesque par exemple, aurait sans aucun doute donné plus de force aux apparitions de la créature. Cette approche semble pourtant voulue : contrairement à ses congénères monstrueux, le monstre évolue dans son habitat naturel, entre jungle et lac, où l'hostilité de la nature et les superstitions locales suffisent à créer la tension. Pas besoin ici des ombres de la nuit comme pour un vampire ou un loup-garou. Mais comme le récit n'a pas le temps d'instaurer la terreur, une compensation aurait été la bienvenue.

Une édition d'une grande qualité

Une remarque pour finir concernant l'excellente qualité de l'édition. Urban Comics nous livre une édition particulièrement soignée, avec un format plus grand que la normale et de superbes couvertures. Mais plus encore, ce sont les textes en bonus, loin d'être du remplissage superficiels. Les préfaces de Dan Watters et Ram V nous plongent dans les coulisses de leur création, nous racontant leur approche et leurs inspirations. Plus indispensable encore, l'excellent article d'Arnold Petit – qui a traduit également le comic book en question – qui offre une analyse très intéressante et replace l'œuvre dans son contexte historique et culturel. Car bien qu'il ne soit pas nécessaire d'avoir vu le film pour appréciez cette BD, rappelons qu'il ne s'agit pas de n'importe quel film, ni de n'importe quel studio, et que toute la collection Universal Monsters a pour but de remettre au goût du jour ces monstres et œuvres cultes. Autant savoir de quoi on parle.

Enfin, une riche galerie d'illustrations vient compléter l'ensemble, présentant les différentes couvertures des comic books américains et leurs variantes, avec du très beau monde, de Bill Sienkiewicz à Skottie Young.

Pour conclure, voici une lecture qui offre tout de même un bon moment. Malgré un manque évident d'audace. Une histoire qui aurait vraiment gagné à s'aventurer dans des eaux plus troubles.

L'Étrange Créature du Lac Noir est disponible depuis le 18 octobre 2024 chez Urban Comics, 120 pages, 20 euros.

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