Découvrez la critique de Night Fever, d'Ed Brubaker & Sean Phillips, qui est la manière du duo de faire une pause après cinq tomes de la série Reckless. Une histoire à la gestation longue mais qui ravira les fans.

Jonathan Webb est un professionnel de l'édition. Il est de passage en Europe pour un salon du livre qu'il gère avec un automatisme professionnel qu'il maitrise depuis des années. Il va découvrir qu'un auteur qu'il publie raconte dans son livre le même rêve que lui fait depuis des années. Cette idée d'usurpation de rêve va le hanter et le rendre insomniaque. Alors pour éviter de passer la nuit à regarder le plafond et trop réfléchir, il erre dehors pour se changer les idées. Un soir, il décide, sans trop savoir pourquoi, de suivre un couple masqué jusqu'à un club privé et se retrouve à s'accaparer l'identité d'un autre pour pouvoir rentrer. Jusqu'à la rencontre avec un homme qui se fait appeler Reiner et qui va chambouler sa vie.

Night Fever : Insomnia Obscurantia

Sans vraiment savoir où exactement, le récit de Ed Brubaker et Sean Phillips se déroule en Europe, ce qui est forcément quelque peu excitant et dépaysant pour le lectorat américain. L'Italie semble le plus sur probable, c'est en tout cas ce que l'on pense deviner en lisant le comic book, mais c'est finalement la France qui a été choisie, comme l'explique Brubaker dans sa postface. Et l'auteur indique aussi que c'était le souhait de Phillips de changer un peu d'ambiance et de sortir du carcan visuel des Etats-Unis, qui ne sont pas vraiment son monde puisqu'il est anglais. Du coup, les décors et les personnages européens sont un petit peu clichés, les bars, les policiers... mais c'est pour l'exotisme plus que pour le réalisme, même si les décors et les personnages se veulent réalistes.

Night Fever est à la fois très coloré et très sombre. Sombre de par son ambiance et son sujet accompagné de planches qui sont très noires mais avec des couleurs flashy. Les dessins sont très fins et le style réaliste bien connu de Philips est un pur régal, une signature propre. Le scénario est intelligent, très sombre aussi comme un véritable polar noir avec un twist intéressant sur la fin lorsque le personnage commence à reprendre conscience de la dangerosité de ses actes et veut replonger du bon côté du rideau.

Jonathan est un personnage à la Walter White, alias Heisenberg, de Breaking Bad (et la ressemblance physique est frappante), qui décide de prendre sa vie en main, prendre des risques pour se sentir vivant, côtoyer un monde étranger au sien, pour réveiller l'animal qui dort en lui, comme une parenthèse désenchantée dans sa triste existence. Mais c'est aussi quelque chose qui semble latent, qui attendait l'opportunité de se montrer, comme pour se prouver que sa misérable existence pouvait finalement lui apporter un peu d'adrénaline, une véritable raison d'être. On peut aussi voir le récit comme un Docteur Jekyll et Mr Hyde où la bête que l'on a du mal à contenir en soi, fait surface à certaines occasions.

Comme Jonathan le dit lui-même "la nuit a pris une autre tournure" et c'est à partir de là qu'il s'est véritablement senti vivant. Mais attention au revers de la médaille, usurper l'identité de quelqu'un d'autre, même pour se sentir vivant, n'est pas sans conséquence.

Et finalement ?

Finalement, le duo Ed Brubaker et Sean Phillips (épaulés par les très intéressantes couleurs de Jacob Phillips) frappe un grand coup encore. C'est un récit très intense et on reste dans le même genre d'ambiance glauque, sombre, borderline mais aussi pleine d'humanité que Reckless par exemple. La quête de Jonathan est finalement de se sentir "puissant et vivant", de devenir quelqu'un d'autre pour quelques heures, pouvoir échapper à sa vie réussie mais définitivement monotone. Il s'agit là d'un récit standalone très réussi, très prenant, un sans faute.

Ed Brubaker et Sean Phillips sur Superpouvoir

Night Fever. Scénario de Ed Brubaker et dessins de Sean Phillips. Paru le 18 octobre 2023 chez Delcourt, 112 pages, 16,95€ (11,99€ format Kindle).

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De Ed Brubaker et Sean Phillips
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Alors qu'il est en voyage d'affaires en Europe, Jonathan Webb souffre d'insomnie. Au lieu de dormir, il erre en compagnie de son nouvel ami, le sombre Rainer. Ce dernier lui fait découvrir le monde caché de la nuit, un univers sans règles ni limites.

Contient : Night Fever (Image, 2023)

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