Si les années 90 ont connu une petite révolution avec la création d'Image Comics et sa volonté de casser les codes de l'industrie, nous ne sommes pas à l'abris que la nouvelle génération qui pourrait de nouveau bousculer le status quo soit incarnée par l'équipe de Massive Publishing.

Nous avons échangé avec l'un de ses fondateurs, Kevin Roditeli, et discuté de leur vision du marché de l'éditions de comics et de la place des auteurs dans cet industrie.

Superpouvoir : Est ce que tu peux brièvement me présenter votre structure ? Vous avez Whatnot, Massive et intégré de nouvelles marques. Tu peux nous en dire plus ?

Kevin Roditeli : En fait, depuis le départ, Massive était la compagnie qui était derrière tout ça. Pour les boutiques, c'était un truc qui était assez clair parce qu'on commandait via le Previews Diamond. Quand tu arrivais sur le formulaire de commande, c'était les livres de Massive et tu voyais tout ce qui était listé en tant que Whatnot Publishing. Mais on n'avait jamais envoyé via la marque Massive, c'était toujours Whatnot, tout simplement parce qu'on avait de magnifiques partenariats avec eux et que pour nous l'idée c'était d'établir cette marque, de la développer avec l'app [de Whatnot] et donc se mettre sur le marché avec cette compagnie qui est extrêmement grosse aux US et qui est en grand développement. L'app était partout, dans toutes les conventions où ils pouvaient faire la promotion de l'app et nous on avait ce magnifique partenariat avec eux, qu'on a toujours, tout en continuant à faire des livres Whatnot Publishing. Mais maintenant – et c'était déjà dans le plan depuis le début – on s'est dit qu'il serait difficile de lancer deux trucs en même temps et de faire comprendre pourquoi il y en a deux et en plus. C'est la raison pour laquelle on a fait notre notre premier print avec eux. C'était avec une compagnie de tech, avec une app qui vaut 4 milliards de dollars, qui est partout en conventions et qui essaye de faire passer le message facilement que ce truc, Massive, que personne ne connait, est en fait la division publishing de la maison mère. Donc voilà, Whatnot Publishing, c'était vraiment une association avec Whatnot Inc. qui est la compagnie de tech qui est grosso modo Twitch qui rencontre eBay et qui vient tout juste d'ouvrir en France. Ils commencent à faire de la promotion à travers l'Europe pour lancer l'app à l'extérieur des États-Unis.

Donc c'est assez excitant, même pour nous, de savoir que la marque va se s'exporter. Mais voilà, on est arrivé au moment où Massive n'est plus seulement Whatnot Publishing. On va faire des publications directement avec le nom de Massive et d'autres compagnie qui vont nous rejoindre. Parce que notre concept dès le départ c'était de donner la possibilité à des créateurs qu'on aime de lancer leur propre ligne éditoriale, leur propre marque, avec nous. Par exemple Sean Gordon Murphy, on l'adore, on lui a dit "viens avec nous" et on va peut être avoir une surprise avec lui dans quelques mois. Et c'est pareil avec d'autres auteurs qu'on aime. Tu aimes bosser avec nous ? Allons y ! Après ça, "Comment ?", "Qu'elle serait ta ligne éditoriale et le nom ?", "Tu as un logo ?", "Amène-nous, tes potes !".

Donc s'il y a des personnes comme ça qui aiment travailler, c'est toujours possible. Et bien sûr, d'autres compagnies comme Whatnot, c'est dans nos plans. Vous avez une app, vous êtes un studio de cinéma, vous voulez vous lancer dans le comics ? Pas de problème. Nous, on a déjà toute la machine en place, les personnes qui connaissent l'industrie pour lancer ça. Si une compagnie de streaming qui ne veut plus juste faire du film ou de la série et veut faire des comics, nous on n'a pas besoin de débourser un million de dollars pour lancer le truc. On a toute l'expertise, on peut le faire en collaboration et on adore ça, collaborer. En fait, c'est vraiment ça le concept. C'est un hub de collaboration avec des marques et des artistes qu'on adore.

Quand on choisit un nom comme "Massive", c'est qu'on a déjà une idée derrière la tête, non ?

L'idée de départ, c'était ça : réussir à être l'endroit, un peu comme Image Comics, qui met vraiment en avant les compagnies, les marques, les maisons d'édition des auteurs. Avec Image il y a toujours un petit logo de l'imprint de l'auteur s'il y en a un, etc. Mais c'est jamais mis en avant. Il n'y a pas un truc qui est dans le Previews ou juste dans la communication qui annonce la nouvelle publication de l'imprint de tel auteur. C'est toujours le nouveau livre de Rick Remender par exemple, mais jamais on ne pousse la marque. Nous on veut dire à l'auteur qu'il il n'y a pas que lui, son nom d'auteur, qu'il peut construire une identité, une marque et même publier ses potes à travers ça, trouver un concept et s'éclater.

C'est ça qu'on veut faire. C'est vraiment donner un endroit qui permet aux auteurs d'être des entrepreneurs et d'avoir leur propre maison d'édition, comme par exemple Overlook ou Kingwood qu'on vient d'annoncer. Ce sont des compagnies à part entière, ce n'est pas nous qui démarrons ça avec l'auteur, c'est l'auteur qui a ouvert sa propre compagnie. Nous on travaille en collaboration et on leur permet de démarrer avec une distribution en place, avec une équipe qui a l'expertise et de vraiment développer la compagnie avec eux. C'est ça qui m'excite, c'est de permettre et de faciliter un développement entrepreneurial pour les auteurs. Parce qu'on a pas le choix dans le contexte économique actuel. La ligne maintenant entre l'art et l'entrepreneuriat, surtout dans un marché américain, est tellement mince que j'espère qu'on est en train de construire un endroit qui permet aux auteurs d'être sur cette ligne sans devoir bâtir un empire et devoir avoir huit employés. C'est vraiment ça l'idée, c'est de permettre aux auteurs de s'engager sans devenir comptable, sans devenir administrateurs, qui peuvent créer sans souci, parce qu'on amène tout ce côté là à leur entreprise et qu'ils peuvent lancer leur propre truc.

Sur le principe, c'est donc surtout du creator owned, mais vous avez aussi des titres à vous au final, c'est bien ça ?

Oui, parce qu'on est tous des auteurs de comics à la base. Michael Calero, moi, Trevor Richardson, on a tous créé avant et ce sont des idées qui sont l'aboutissement de toutes nos réflexions à travers cette industrie. C'est ma troisième maison d'édition, ce n'est pas la première fois que je le fais, mais à chaque fois c'est une amélioration de ce que j'ai observé à travers ma progression dans cette industrie. Et c'est pareil pour les auteurs qui travaillent avec nous. On veut les écouter et pas juste les mettre dans un système qui est déjà établi, qui est pareil depuis 40, 50 ou 60 ans. Ça fait des années que c'est quasiment la même la proposition faite par chaque éditeur, à part Image qui a fait un format différent pour les auteurs, mais sinon c'est une formule similaire. Donc c'est quand un auteur choisit son éditeur, c'est presque juste "Quel logo rend le mieux sur ma couverture ?".

On veut vraiment proposer un endroit différent mais ce n'est pas seulement pour développer ta compagnie ou développer ton truc, on publie aussi directement des auteurs, comme par exemple Plot Holes de Sean Murphy. Ça c'est un titre Massive et on devrait avoir deux à trois titres par mois qui vont être sous la bannière principale.

Donc là vous avez Murphy qui vous a rejoints et, sans trop spoiler, vous avez déjà d’autres noms en tête ?

On a déjà annoncé que Cullen Bunn nous rejoignait aussi pour lancer Overlook. Ça va être une une maison d'édition, une ligne éditoriale à travers Massive, qui va être concentrée sur l'horreur. Il va lancer cette ligne éditoriale qui va regrouper beaucoup de personnes du cinéma et de la série qui vont se lancer dans le comics ou qui en ont déjà fait. Et il va aussi y avoir des des auteurs et des artistes du milieu de l'horreur, bien connus à travers d'autres éditeurs depuis des années. Mais on peut pas en parler vraiment pour le moment. Pareil pour Kingwood. C'est juste qu'on prévoit tout en ce moment pour la San Diego Comic Con et ces trucs là. Je vais pas trop m'avancer là dessus mais, oui, on a des trucs vraiment intéressants qui arrivent et c'est un peu le truc qui est fascinant et excitant pour nous avec avec Massive, c'est que depuis le départ on a des gens qui nous rejoignent et ça va vraiment à 800 km/h en ce moment.

Le développement est une bonne chose, mais quand il y a des gens comme Sean Murphy qui te rejoignent, il y a d'autres personnes qui vient frapper à la porte parce que c'est quand même un artiste qui est aimé, qui est adoré, par les fans et l'industrie aussi. Et et de notre côté, c'est sûr qu'on accueille toutes demandes qui sont prometteuses avec plaisir ! Donc je suis excité par la suite et ça ne va pas tarder, on va annoncer d'autres trucs.

Quand Wesley Snipes vous rejoint, ça fait un petit peu écho qui nous arrive avec BRZRKR par exemple. C'est une mode qui va se lancer ? Vous visez d'autres stars et ajouter ça à l'ADN de Massive ?

Ça, ça va être une réponse quand même assez personnelle et non de la compagnie, parce que j'ai pas consulté les autres [rire], mais je te dirais que moi, quand j'ai vu BRZRKR de Keanu Reeves, j'ai dit "ok, ça c'est une nouvelle vague qui va peut être amener le comics vers une espèce de nouveau mouvement". Un mouvement qui va amener des gens qui ne lisaient pas de comics ou qui n'en lisent plus à (re)venir par curiosité. Mais c'est sûr qu'il va falloir que ce soit toujours du bon comics. Personnellement, je m'attendais à voir plus d'acteurs qui rejoignent le navire rapidement et ça n'a pas tant que ça été le cas. Il n'y a pas eu d'explosion, il y a huit acteurs qui sont là.

Ce n'est donc pas le cas encore et je ne sais pas si ça va l'être, mais moi ce qui m'intéresse beaucoup là dedans et que j'adore, c'est le fait d'avoir travaillé avec un gars comme Wesley sur The Exiled par exemple, c'est qu'il était investi dans le comics parce qu'il voulait un comics de qualité. Pour moi, que tu aies fait du cinéma, été un mec de Wall Street, vendu des frites toute ta vie, été un jongleur dans un cirque... je m'en fous si tu fais du bon comics. C'est sûr que là, ça vient avec un nom, c'est Wesley Snipes, c'est quelqu'un qu'y a marqué même l'univers du comic book – certains diront que sans lui, il n'y a pas de Marvel Universe au cinéma [en référence aux films Blade] et tous ces trucs là –, mais ce que je veux dire, c'est que si la qualité est là, moi je ne serai jamais contre l'idée d'un acteur qui veut faire un comics, qui veut dire quelque chose, parce que je crois que c'est un plus pour le médium. Ce n'est pas nécessairement un acteur qui vient pour vampiriser le comics et se remplir les poches. Parce qu'on va être très honnête, il y a pas tant de cash que ça dans le comics et pour moi, c'est une belle opportunité pour l'industrie du comic book d'embarquer des gens qui ne sont pas dans le délire de lire des comics, d'aller à chaque semaine dans un comic shop, prendre des numéros 1, des numéros 2, des numéros 3... C'est vraiment un monde qui est très niché et, on ne s'en rend peut être pas compte parce qu'on est dedans, mais le consommateur de comics, c'est probablement même pas 0,00001 % de la population.

Mais des consommateurs de films, de films de comics, là on rejoint presque n'importe qui aime un peu la vie quoi haha. Donc pour moi, des acteurs qui jouent dans le comics avec passion, j'en veux. Je ne dis pas "non" et je vais toujours dire "oui" parce que je trouve que c'est magnifique qu'il y ait des gens qui rejoignent avec passion notre passion.

Et justement, cette passion – même si j'imagine qu'il y a d'autres ingrédients dans la recette – c'est ce qui explique que Alpha Beta, par exemple, était un gros carton à sa sortie, que Massive c'est un peu plus de 800000 numéros publiés en un peu plus de six mois... ? C'est la passion qui vous anime ?

C'est sûr qu'il y a un mélange de tout. Je dirais que tous les titres qu'on a sortis, ça a vraiment été par passion. On est fans du truc, on tripe, on est comme ça, on y va. Je dirais qu'il y a une combinaison de personnes aussi dans ce truc. Des moments de la vie nous ont amenés à tous être ensemble. On se complète extrêmement bien. On a chacun nos défauts et nos qualités qui s'emboîtent comme un puzzle bien complété, un genre de 1000 pièces et il n'en manque pas dans la boîte. Je crois que c'est vraiment une fusion des bonnes personnes au bon moment. Il n'y a pas vraiment de recette secrète. Je crois que dans le comics, comme dans n'importe quel domaine, c'est sortir de la qualité le plus important. On n'est pas été dans la quantité non plus. Massive/Whatnot Publishing, depuis le départ ça a été un numéro 1 par mois. Donc on n'a pas voulu dès le départ y aller avec la grosse machine et dire sept, huit, neuf, dix, douze numéros 1, et allez, on y va.

Non, on a voulu se concentrer au départ sur seulement un titre par mois, des titres pour lesquels on pensait que c'était le bon moment de le sortir. Et aussi, je te dirais qu'on est très proactifs, étant une jeune compagnie qui est quand même gérée par des gens qui sont relativement jeunes. On a encore ce mojo, ce désir, peut être même cette espèce d'utopie, de changer, d'améliorer l'industrie, de trouver des solutions pour rendre ce milieu meilleur pour les boutiques, meilleur pour les auteurs, mieux pour les lecteurs. On a vraiment un désir utopique de changer les choses. Donc parfois on fait des trucs fous. Une nuit, on fait un 360 en dix secondes sur une stratégie commerciale marketing sur un livre, on change tel truc et nous, c'est ça qui nous allume, qui nous alimente. C'est ce désir d'être un joueur qui peut apporter quelque chose de nouveau, faire réfléchir les autres aussi dans cette industrie et se dire que ça pourrait être notre contribution, espérons-le, parce qu'on a la motivation et on veut apporter quelque chose de nouveau. Et je crois que c'est cette motivation qui fait qu'on réussit et est intéressant ou intrigant, pour tout le monde actuellement.

Je me trompe peut être, mais ça rappelle un petit peu ce qu'Image a espérer lancer dans les années 90 en voulant changer plein de choses au niveau des créateurs, au niveau de l'approche, etc.

Ah ouais ? Ben j'ai toujours un peu de difficulté à prendre ces compliments parce qu'on le reçoit à chaque fois que je parle de nous en convention, quand on me dit "You're the new Image, man!". C'est sûr, c'est extrêmement flatteur. Parce que quand tu fais de la BD, surtout du comics mais aussi de la BD européenne, le mouvement Image, Todd McFarlane, Rob Liefeld et tous ces gars là, ce sont des influences par défaut et ils ont révolutionné la BD américaine... je dirais même sauvé la BD américaine. Donc oui, c'est une inspiration, c'est sûr. Est ce qu'on est ces gens là ? L'histoire le dira, je ne le dirai pas moi. Et on verra. On se reparlera dans cinq, dix ans peut-être ou peut-être dans deux ans, peut être dans un an ! [rire] Mais il n'y aura pas assez de changements encore, mais on va faire de notre mieux pour ça. Notre but ce n'est pas nécessairement d'être ces gars là. Si on réussit à amener un changement et que les gens veulent dire qu'on est ces gars là, tant mieux. J'espère qu'on va avoir un impact, parce que c'est notre but, c'est la raison qui fait qu'on boit beaucoup, beaucoup, de café et j'adorerais.

Et tout à l'heure, tu parlais de niche. Sur le marché européen – et pour le coup, je parle du marché français – le comics est connu, mais c'est assez timide face au manga et d'autres media. Est ce que malgré tout vous avez la volonté de partir à la conquête du marché européen, de la France donc aussi, ou est ce que pour le moment vous êtes 100 % focus sur les US et leurs environs ?

Oui, c'est sûr. Tu vois un peu le genre de personne qu'on est. On est Massive et c'est clair qu'on discute en ce moment. Le français est ma langue première aussi [Kevin est canadien, ndr], donc c'est sûr qu'il y a un désir de faire des trucs en français. J'ai même l'idée de faire des trucs originaux en français avec vraiment un style plus européen et par la suite de l'emmener vers les US et avoir cette espèce de pipeline qui va des deux côtés. J'adore par exemple nos amis de chez Media Participations et ce qu'ils ont fait avec Urban Comics par exemple. Ils ont des titre DC mais made in France qui après arrivent chez DC et ça a super bien marché des deux côtés. J'adore cette idée d'avoir des créateurs européens qui feraient un titre avec nous qui sortirait en premier en Europe, en France, et par la suite on irait sur le marché américain parce que c'est pas juste la langue, il y a une sensibilité qui est différente, il y a une manière de mettre les planches en avant, une manière de s'exprimer, les expressions des personnages, le trait de crayon est différent, l'action, le rythme est extrêmement différent du fait du format. Tu n'as pas la contrainte sur un album franco-belge du "32 pages maximum", du cliffhanger, etc. Si tu veux avoir une conversation chiante de 22 pages, tu peux le faire mais elle peut être chiante et servir l'histoire et c'est ça que j'adore dans la BD. Moi j'ai grandi avec les Meta Barons, avec la BD franco-belge, la grosse Sci-Fi à la Métal Hurlant. Donc c'est un truc qui est dans mon ADN et c'est définitivement quelque chose qu'on veut faire, que je veux faire personnellement aussi, d'attaquer ce marché là et de jouer des deux côtés. Mais chaque chose en son temps, parce qu'on est déjà très occupé aux US, mais on parle à des super partenaires en ce moment pour emmener nos titres en France. Donc oui, et je te dirais que je crois que ça sera pour très bientôt.

Est ce que tu as des points sur lesquels tu veux absolument communiquer, des trucs que tu aimerais qu'on mette en avant ?

On peut parler un peu de Sumerian Comics. Ça c'est intéressant parce qu'il y a un full circle/retour aux sources, parce qu'après ma dernière maison d'édition, c'était Happy Tank qui était distribuée, qui était un imprint en fait, à travers Behemoth Comics, qui a été acheté par Sumerian Records, qui est devenu Sumerian Comics. Donc c'est assez intéressant parce que Happy Tank a démarré en tant que imprint et ligne éditoriale à travers cette compagnie. Une fois que ça a été vendu, on a arrêté et ça a muté en Massive avec Michael et Trevor, mes deux partenaires sur Massive, qui allaient lancer leur propre imprint chez Behemoth avant la vente de Sumerian Records. Donc on est cette fusion de personnes qui se sont rencontrées là et l'idée a émergé grâce à cette rencontre et maintenant on retourne un peu aux sources à travailler avec nos amis de chez Behemoth Comics/Sumerian Comics et maintenant on a un partenariat de distribution, donc leurs comics en issues vont être distribués sous bannière Massive. C'est beau parce que ça représente un peu ce qu'on est en train de bâtir. Donc ça a émergé et là c'est un peu un retour aux sources, avec eux qui nous qui nous disent "Allez les mecs, vous avez bien fait ça, vous avez cracké le code de la matrice !". Et ce qui est captivant, c'est que Sumerian arrive avec plein de licences super intéressantes qui viennent du milieu du cinéma et étant un gros labels de rock indépendant aux US, il y a beaucoup de groupes qui vont faire des comics.

J'ai écrit un comics qui devrait sortir dans pas très longtemps, ça va être un des premiers titres de Sumerian. Il devrait y avoir un communiqué de presse dans les prochains jours. Donc j'écris la série Bad Omens pour le groupe [Bad Omens, ndr], qui marche très bien même en Europe. Donc, on va faire toutes les sorties mensuelles en issues pour eux et ils vont continuer à gérer tout ce qui est roman graphique, parce qu'à la base leur nouveau business model devait être limité à ce format, mais on est potes et ils ont vu que ce qu'on a réussi à accomplir dans le milieu du périodique, donc on a fait faire ce partenariat là. Vous avez plein de licences de films, il y a plein de groupes vraiment cool qui pourraient marcher en périodiques.

Vous ne vous arrêtez jamais en fait !

Non, je crois que c'est la recette. Je crois que c'est ça le problème un peu dans le milieu éditorial qui s'imposait, et surtout en Amérique – je ne suis pas assez connaisseur du milieu franco français –, mais c'est que j'ai l'impression qu'il y a beaucoup d'éditeurs. Ils sont un peu assis sur leurs licences qu'ils ont déjà depuis des années et produisent des mini-séries en rafales de ces licences. Ils ont leurs deux ou trois auteurs qui vendent pas mal et vont toujours sortir ces mêmes deux ou trois auteurs. Et de temps en temps, quand ils reçoivent une soumission qui est pas mal, ils vont sortir un bouquin d'un nouvel auteur. Et c'est un peu là que la structure s'arrête chez beaucoup d'éditeurs et que la promotion se résume pas mal à faire "Bon ben on a nos gars qui vont faire cinq, six ou huit variant covers sur les issues" et ça c'est leur promo. Nous on ne veut pas s'arrêter à ça, c'est chiant.

Je veux dire, m'asseoir derrière un bureau à attendre que les chiffres d'un distributeur rentrent, je m'emmerderais, ça me ferait chier et je ferais pas du comics. Si je voulais faire ça, j'irais travailler pour le gouvernement, être assis à regarder des chiffres bouger et me prendre un salaire à rien glander de 100 000 à 120 000$ par an et voilà, réglé quoi. Mais moi je préfère sortir des livres, parfois me casser la gueule, mais qu'à chaque fois on se dise "Merde, on a essayé, on croyait en ces titres là, on a tout fait pour le faire". Être créatifs, pas juste dans le contenu, mais aussi dans la façon de le diffuser. Et c'est ça qu'on veut faire. On est tous des créateurs et on veut pas être seulement créateurs de contenu mais aussi créateurs dans la diffusion du produit. Par exemple, dans l'industrie de la mode, maintenant tu as tous ces rappeurs qui sont rentrés, et bien ce n'est pas juste le produit qui peut être excitant, le design du t-shirt, ces trucs là. Non, c'est la promotion derrière qui est plus excitante que la personne et c'est c'est le problème. C'est ce qu'on a un peu perdu dans le comics américain et ça revient un peu au truc d'Image.

Si on regarde les mecs d'Image, dans les années 90, c'était des rockstars. T'as Rob Liefeld qui est allée sur sur les talk shows. Il y avait une file de 2000 personnes. Le comics a perdu le côté méga spéculation en années 90 où n'importe achetait n'importe quoi, mais on a aussi perdu ce côté là du le créateur n'est plus vraiment le créateur. Pendant des années, le comics a été perçu comme un sous-médium de création, qui n'était pas au même niveau que le cinéma, que la musique ou importe quelle forme d'art. C'était vraiment un sous-médium. C'était presque juste des artisans qui ont fait le travail et on mettait un nom sur le bouquin puis voilà. Les lecteurs achètent une licence, un personnage préféré, qu'il soit Batman, Spider-Man, la licence Power Rangers, des trucs comme ça, peu importe, mais on se fout qui est derrière.

Ça a été vraiment traité comme ça pendant des années. Je crois lié à l'explosion au cinéma des super héros qui ont amené le fait que les personnages sont devenus tellement plus grands que nature qu'il n'y avait plus de place dans la communication marketing pour parler des auteurs et vraiment le mettre en avant. Et moi, s'il y a quelque chose que je respecte énormément concernant le marché français, c'est qu'il n'a jamais perdu ce côté là. S'il y a un gros auteur qui sort un nouveau livre, on va dire "le nouveau..." + le nom du mec. Mais aux US, c'est très rare qu'on fasse en sorte de dire que c'est le nouveau "de...". Ça va dans la spéculation, l'idée que ça devienne un film ou autre et c'est devenu – mais je crois que ça se perd un peu en ce moment – comme des cartes Pokémon. Le comics, c'est une carte à collectionner qui va peut-être prendre la valeur. Et ça a été lu et c'est encore beaucoup lu comme ça. Même pas lu en fait, ça a été acheté pour. Je serais curieux de savoir le pourcentage des gens qui achètent du comics juste pour le collectionner, le revendre et ne pas le lire. Et ça ce n'est pas grave. Pour moi, en tant qu'éditeur une vente c'est une vente, et si le mec trouve qu'il y a un concept intéressant, que tu as des belles couvertures, c'est que tu as fait ton travail. Ça fait partie du travail de vente de la BD. Mais il y a ce côté qui s'est perdu et que j'aimerais qu'on réussisse d'une certaine manière à ramener, l'idée qu'on s'intéresse aux personnes derrière les BD et pas juste à leurs histoires, parce qu'il y a des gens vraiment intéressants et surtout aujourd'hui avec les influenceurs et Internet, tu peux vraiment être quelqu'un derrière l'ordinateur.

Je crois que c'est faisable. Et nous de notre côté, sans tomber dans les trucs à la Logan Paul ou des trucs comme ça, on veut vraiment amener un "Ah ouais, c'est des mecs derrière, c'est pas juste un logo derrière la maison d'édition". C'est un putain de chemin que je viens de prendre pour arriver pour te dire ça [rire] : Je veux que notre maison d'édition ne soit pas juste un logo sur les comics. Que quand tu prends un de nos comics, tu te dises "Ah ouais, ça c'est la boîte. C'est la boîte de Kevin, Michael et Trevor" et qu'il y ait un sentiment d'appartenance, que tu dises "J'aime ces mecs là !". Je veux que les gens aiment. C'est pas juste un logo qui produit des trucs, qui est une machine qui chie des livres.

C'est pas pour rien que les rappeurs ont tous leur marque de vêtements. C'est que c'est parce que tu aimes le mec derrière que tu vas l'acheter. Parfois les designs sont dégueulasses mais tu l'achètes. Mais ça devrait être pareil au niveau éditorial, au niveau du comics : mettre les personnalités en avant. Et nous, c'est quelque chose qu'on veut vraiment faire en tant qu'éditeur. S'appuyer sur le nom d'un mec même quand il n'est pas connu, donner le plus d'informations à son sujet et dire "Ouais, ce gars là, il est cool, il fait ça, c'est lui. Et suivez le, il est intéressant". On va l'envoyer sur des podcasts, on va le faire parler à des gens, on va le sortir en conventions... Et de montrer aux personnalités derrière que maintenant tu n'es plus intéressé que par la licence. Moi, j'aimerais que tu achètes un Spider-Man, un Batman ou peu importe, sans penser aux personnages et te dire ouais, je le fais parce que c'est le nouveau truc de ce mec là. C'est ce qu'on a perdu mais qu'on regagne, je trouve, un peu en ce moment.

Et là chapeau au marché français de n'avoir jamais perdu ça parce qu'il y a des personnes derrière le comics et le créateur, c'est l'élément numéro un de n'importe quelle création. Et c'est comme ça qu'on ramène un bassin de gens à s'intéresser aux comics. Parce que si tu retires, par exemple, le nom "Tarantino" d'un poster d'un film de Tarantino, je te jure qu'il y a une chiée de gens qui disent que ce film c'est de la bombe qui s'en battrait les couilles sans ça, sans le mot "Tarantino" sur le poster. L'auteur est une marque, voilà. Et on veut pousser ça le plus possible parce que j'y crois et je crois que c'est ça qui change n'importe quelle industrie.

Je te remercie pour ton temps et tes réponses.

Ça m'a fait plaisir, merci à toi !

Retrouvez toute l'actualité, les artistes et les licences de Massive Publishing sur le site internet de l'éditeur.

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