Lors de l'exposition The Art of Bricks : DC Comics Super Heroes, alliant LEGO et les héros de DC Comics (pour plus de renseignements, voir notre article ici), nous avons eu l'opportunité d'interviewer Nathan Sawaya, l'homme derrière les briques.

Superpouvoir : Bonjour, pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Nathan Sawaya : Bien sûr, je m'appelle Nathan Sawaya et je suis un artiste travaillant avec des briques LEGO.

SP : D'accord, c'est concis. J'ai vu que vous étiez avocat avant de travailler avec LEGO. Qu'est-ce qui vous a poussé à faire ce changement de carrière ?

N.S.: Quand j'étais avocat à New York, j'avais besoin, après mes journée de travail, d'un moyen de me vider la tête. Certaines personnes vont faire du sport ou au bar. Moi, je préférais rentrer chez moi et avoir une activité créative. Alors, je me suis mis à peindre, dessiner, écrire et parfois sculpter. Au début, j'utilisais principalement des matériaux traditionnels comme de l'argile. Puis, un jour, je me suis dit : “Pourquoi pas des briques LEGO ? Arriverai-je à créer des sculptures de grande taille avec ce jouet de mon enfance ?” Alors, je me suis mis à m'amuser avec, puis j'ai ouvert une petite galerie internet. J'ai alors été contacté par des particuliers pour des travaux de commande. Je travaillais toute la journée en tant qu'avocat, puis 6 heures le soir à mes sculptures. Un jour, mon site a crashé à cause du nombre de visiteurs, et je me suis dit que je tenais alors quelque chose. J'ai donc quitté mon cabinet pour travailler à temps plein en tant que sculpteur de LEGO.

SP : Et ensuite, avez-vous contacté LEGO ou c'est eux qui ont fait appel à vous ?

N.S. : Non, non. J'achète mes pièces comme n'importe qui. Je ne travaille pas pour eux. Au début, j'achetai mes pièces dans des magasins, mais maintenant, parce que j'en achète en grandes quantités, nous avons établi une relation commerciale, et je passe directement par eux pour acquérir les centaines de milliers de briques dont j'ai besoin.

SP : Je vois. Pourriez-vous nous en dire plus sur votre processus créatif ? Dessinez-vous des croquis avant de vous mettre à sculpter, ?

N.S. : Comme pour toute œuvre, tout commence par une idée, une inspiration. J'ai la chance de pouvoir voyager beaucoup dans le cadre de mes expositions, et j'ai toujours un petit carnet de croquis. Alors, si je vois quelque chose qui me plaît, je le note et dessine une esquisse pour plus tard. Après, je dessine un plan afin de bien garder à l'esprit la forme que prendra la sculpture. Je veux pouvoir visionner où ira la dernière brique avant de poser la première. De plus, je colle chaque pièce…

SP : Ah oui, ça limite la possibilité de faire des erreurs.

N.S. : Eh bien si je me trompe, j'utilise un marteau et un burin. Donc évidemment, je consomme énormément de briques et, surtout, j'ai intérêt à être patient. C'est un travail de longue haleine, et la qualité principale pour y arriver, est d'être patient. Par exemple, quand je sculpte Superman et que je ne suis pas satisfait de son visage, je le casse au burin et je recommence. Je perds alors des heures voir même des jours de travail. C'est pour ça qu'à chaque fois qu'un enfant me demande comment faire pour avoir le même travail que moi, je lui réponds que la première chose est de savoir être patient et s'entraîner. Car au final, ces œuvres sont le résultat d'heures, de jours et même de semaines de travail. Rien n'arrive en un claquement de doigts.

SP : D'accord, donc vous faites des plans pour chaque œuvre…

N.S. : Non, pas nécessairement. Ça dépend de l'œuvre. Prenez le bat-signal, par exemple. Il est basé sur celui de Batman vs Superman. Je me suis donc appuyé sur ce que j'ai vu dans le film et sur des photos, et après, j'ai fait plusieurs tentatives avant d'arriver à lui donner la bonne forme, avant que le symbole me convienne…

SP : Je vois. Autre domaine, Comment avez-vous fait pour monter une telle exposition sur les héros DC Comics ? Avez-vous établi une relation particulière avec eux, car je suppose qu'ils ont dû vouloir valider vos œuvres.

N.S. : Oui effectivement, je suis en contacte régulier avec DC Entertainment. En fait, tout a commencé il y a quelques années. Ils avaient un programme caritatif baptisé : “We can be heroes.” (Nous pouvons tous être des héros, NdR), destiné à lever des fonds et à attirer l'attention sur la situation dans la Corne de l'Afrique. Ils avaient organisé une collecte de fonds lors d'une San Diego Comic Con pour laquelle j'avais donné une grande sculpture de Catwoman en LEGO. C'est comme ça qu'ils ont remarqué mon travail et que nous avons noué des liens. Ainsi, ça a été plus facile quand j'ai voulu monter cette exposition et quand nous discutions de ce à quoi elle ressemblerait.

SP : Alors, cette exposition est votre idée ?

N.S. : Oui exactement. Je voulais faire une exposition dont le thème serait le bien et le mal. Et quel meilleur exemple que les comic books ? Vous avez des super-héros, des super-vilains, il faut les deux pour écrire une bonne histoire. Alors, j'ai tourné mon attention vers ce domaine, et j'ai contacté DC pour que nous finalisions la chose.

SP : Combien de temps avez-vous mis pour sculpter toutes ces pièces ?

N.S. : Environ 18 mois. Ça peut paraître peu, mais c'est mon travail à temps plein, et je me suis consacré entièrement à ces pièces durant ces 18 mois.

SP : Avez-vous pris part à la scénographie de l'exposition ?

N.S. : Oui, bien sûr. Je voulais que ce soit une histoire. Pas une histoire linéaire, bien sûr, mais que l'exposition ouvre une porte aux visiteurs sur le monde de DC Comics. Évidemment, on voit de nombreux personnages, mais aussi des armes et objets, comme le trident d'Aquaman ou la bague de Green Lantern. Donc le thème de cette pièce est le pouvoir. Et les autres pièces se focalisent sur d'autres aspects.

SP : Est-ce que cette scénographie change en fonction du pays où elle est établie, pour coller à sa culture, par exemple ?

N.S. : parfois oui. Ça dépend surtout du lieu où nous sommes exposés. Par exemple, à Rome, nous étions installés dans un bâtiment en dur et non un chapiteau comme ici. Nous étions donc limité par le bâtiment en lui-même, la taille des galeries etc. Mais sinon, je préfère qu'elle conserve la même apparence, la même ambiance. Je veux qu'il y ait une Forteresse de Solitude qui se concentre sur Superman, une autre sur Gotham pour mettre en avant Batman, une sur Thémyscira pour honorer Wonder Woman… Alors, dans l'ensemble, elle ne bouge pas. Il faut juste parfois s'adapter un peu.

SP : Enfin, pourriez-vous nous dire quelle sculpture vous avez préféré monter et celle qui a été la plus pénible ?

N.S. : Ça pourrait être la même ! Chacune des pièces de cette exposition a posé des difficultés. Les costumes, les capes… Oh, mon Dieu ! Surtout les capes. J'avais fabriqué de nombreuses silhouettes humaines, mais jamais avec une cape. Or, une cape flotte, elle est mince, alors que je travaille avec un matériau épais et rectangulaire. Donc à chaque fois que j'ai dû en faire une, il a fallu que je repense ma façon d'assembler les briques LEGO. Mais de toutes les sculptures, et il y en a plus de cent, c'est sûrement la construction de la Batmobile (à l'échelle 1 : 1, NdR) qui a été la plus satisfaisante, mais aussi la plus difficile. J'ai eu l'occasion de collaborer avec le légendaire Jim Lee, qui a dessiné de nombreuses Batmobile (notamment sur des pages dépliantes dans Batman n°615 et All-Star Batman & Robin n°4, NdR). Nous avons créé un nouveau design, car je voulais que la structure rappelle une Batmobile, mais soit absolument unique. Une fois que j'ai eu ses dessins, je m'y suis attelé et ça a mis deux mois, 7 jour sur 7 pendant 10 heures chaque jour pour assembler les 500 000 briques qui la composent. Il n'y a absolument pas de fer dedans pour fabriquer une structure, il n'y a que des briques LEGO !

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