Afin de préparer dignement les fêtes qui s’approchent à grand pas, la rédaction de Superpouvoir vous propose son calendrier de l’avent comics. Chaque jour, une petite pépite, un coup de cœur, une œuvre injustement ignorée vous sera dévoilée pour, pourquoi pas, l’ajouter au pied du sapin et surtout, étoffer votre culture comics.

Aujourd'hui, l'album d'Urban Comics regroupant les épisodes de Warren Ellis sur la série Hellblazer et qui s'intitule donc tout naturellement Warren Ellis présente Hellblazer.

Une évidence

Dire que Warren Ellis était destiné à écrire Hellblazer est une évidence. Le personnage de John Constantine, créé par Alan Moore dans les pages de Swamp Thing, a longtemps suivi Ellis qui l'a utilisé comme un archétype. Pete Wisdom dans Excalibur, l'inspecteur Curzon dans son éphémère reprise de Thor, Jenny Sparks dans Stormwatch/The Authority ou Spider Jerusalem dans Transmetropolitan, on retrouve régulièrement dans ses premières productions ces personnages punks, cyniques, misanthropes, gros clopeurs et alcooliques réguliers, qui ont un avis sur tout et ne se privent pas de le donner. Dès lors, son arrivée sur la série-phare de Vertigo était une suite logique.

Dérives urbaines

Sa première intrigue se nomme "Haunted". John Constantine apprend la mort d'une de ses anciennes conquêtes, Isabel. Il découvre qu'elle a été horriblement assassiné par un disciple d'Aleister Crowley, qui voyait en elle Babalon, le Femme Écarlate, une des pierres angulaires de la "mythologie" de Crowley. Hanté par Isabel, Constantine va tout faire pour retrouver et punir son meurtrier. Il fait ainsi appel à nombre de ses contacts (dont Map, un être étrange qui semble en connection avec Londres) ce qui lui vaudra une rouste monumentale en guise de représailles. Néanmoins, Constantine parviendra à ses fins. Un grosse arche narrative de six épisodes au rythme un peu lent et à l'enjeu assez faible (le tueur n'est au final pas d'une menace excessive), mais qui permet à Ellis de se familiariser avec le personnage et de trouver le ton général de son passage. Les évocations autour de Londres et de la violence de son histoire qui “hante” la ville sont impressionnantes. Ellis fait, d'ailleurs, de Londres un véritable personnage, un être vivant marqué par son histoire et par ses violences.

L'esprit des lieux

Après cette longue mise en bouche, Ellis enchaine avec des histoires courtes en un épisode dont il a le secret. Dans “Locked”, Constantine se retrouve coincé dans une chambre avec un tueur en série qui y a torturé et tué ses nombreuses victimes, au point que la pièce exsude littéralement de la violence dont elle a été témoin. Un épisode très sombre de par son thème et de par son graphisme, dû au style très gras et torturé de Frank Teran. Dans "The Crib" , Constantine a affaire à un journaliste qui enquête sur la légende entourant la naissance de l'antéchrist au point de tomber dans la folie. La chute de l'histoire est très réussie, tout comme la partie graphique, dûe à Tim Bradstreet. Le numéro suivant compte, lui, deux histoires courtes. Dans celle dessinée par Javier Pulido ("Setting Sun"), Constantine doit exorciser -d'une façon très particulière- le fantôme d'un tortionnaire japonais. Dans celle de James Romberger ("One Last Love Song"), Constantine revoit, après une soirée bien arrosée au pub, quelques unes de ses anciennes conquêtes feminines, quelques unes encore vivantes, la plupart décédées. Enfin, Marcelo Frusin illustre un épisode plutôt drôle où Constantine bourre le mou à un journaliste assez curieux et crédule en le gavant d'histoires de complots ésotériques complètement abracabrantesques.

L'épisode maudit

Il y aurait dû y a avoir beaucoup plus d'épisodes, mais un fait divers scellera le sort du run. En effet, le 20 avril 1999, le massacre de Columbine High School choquera les Etats-Unis (et le monde entier). Et justement, Ellis avait écrit "Shoot", une histoire de fusillade scolaire , dessinée par Phil Jimenez. Effrayé par une possible polémique, l'éditeur renonce à publier l'histoire, à la grande colère de Warren Ellis. Le scénariste claque la porte, ne voulant pas transiger avec sa liberté créative.

Néanmoins, l'affaire aura marquer les esprits au point que le fameux épisode sera rapidement trouvable sur Internet. Il faudra dix ans à DC pour finalement le publier dans un numéro spécial, Vertigo Ressurected #1. A sa lecture, on comprend les réticences du staff éditorial tant la conclusion de l'épisode se veut transgressive. Un peu trop d'ailleurs, au point peut-être de cacher les vrais enjeux du problème.

Le passage d'Ellis aura donc durer onze petits épisodes. Un run court, mais qui malgré tout, marquera la série. D'abord certes, par son parfum de scandale sur fond de censure éditoriale, mais surtout parce que Ellis réussira à imposer un véritable discours. Le titre du premier arc, "Haunted", est d'ailleurs tout un programme. Ellis nous parle de la violence qui est si forte qu'elle peut hanter à la fois les gens et les lieux . Exposez-vous à la violence, à la mort, à l'horreur, semble nous dire Ellis, et elle vous collera à la peau, elle se marquera sur votre corps ou sur vos murs.

Ellis sur Hellblazer était donc une évidence mais qui se transforma hélas en rendez-vous manqué et particulièrement frustrant, ce qui n'enlève rien à la qualité d'écriture de cette courte volée d'épisodes.

Warren Ellis présente Hellblazer (Hellblazer #134-143 + Vertigo Ressurected#1) est édité par Urban dans la collection Vertigo Signatures.

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