Afin de préparer dignement les fêtes qui s’approchent à grand pas, la rédaction de Superpouvoir vous propose son calendrier de l’avent comics. Chaque jour, une petite pépite, un coup de cœur, une œuvre injustement ignorée vous sera dévoilée pour, pourquoi pas, l’ajouter au pied du sapin et surtout, étoffer votre culture comics.
Et aujourd’hui, on part dans une série assez spéciale : TRUTH : RED, BLACK & WHITE par Robert Morales et Kyle Baker.
Une série particulièrement polémique
Depuis l’arrivé de Bill Jemas et de Joe Quesada aux commandes de Marvel Comics dans les années 2000, les récits Marvel se sont transformés, n’hésitant pas à proposer des titres très différents, cassant les codes et les genres (X-Statix, les X-Men de Grant Morrison). Rapidement, l’idée de choquer les lecteurs avec un Captain America noir émerge. Jemas sait que le récit créera du buzz, tout comme la révélation de l’homosexualité du Rawhide Kid. On l’envisage tout d’abord pour la nouvelle ligne Ultimate, mais c’est Nick Fury qui changera de couleur de peau. Une équipe se met finalement en place : Robert Morales, journaliste et éditorialiste sera aux commandes du scénario et un de ses compères réguliers, le cartooniste Kyle Baker, aura à sa charge la partie graphique. Tout cela chapeauté par Axel Alonso, un éditeur transfuge de Vertigo et qui possède à son actif la supervision de titres comme Preacher ou 100 Bullets). L’équipe est prête à porter un grand coup dans la fourmilière. Surtout lorsque Robert Morales fait du Tuskegee Project le point de départ de son récit. Pour information, le Tuskegee Project est une étude clinique menée par le gouvernement américain sur des afro-américains syphilitiques qu’on empêchait de se soigner pour voir la progression de la maladie. La révélation fera bien évidemment scandale et sera à l’origine de lois sur la protection des sujets d’expériences médicales. Le pari est donc osé ! Tout d’abord prévu pour être hors continuité, Truth aura un tel impact que les différents éditeurs et scénaristes vont l’intégrer petit à petit dans l’univers Marvel de base.
Un Captain America noir ?
Le scénariste et l’éditeur utilisent donc le principe de ce projet pour supposer qu’avant de tester la formule du super-soldat sur des blancs, l’armée américaine aurait fait des expériences sur des afro-américains. Ce qui résonne aussi avec ce qu’il se passait durant la Seconde Guerre Mondiale, où il y avait une ségrégation absolue entre les soldats américains noirs et blancs. On peut difficilement faire plus choquant et plus sombre et même Morales pense que son récit ne sera pas accepté ! Il sera d’ailleurs mis en stand-by après les évènements du 11 Septembre, où les éditeurs de Marvel décident de proposer un Captain America plus patriotique. Mais après quelques années du mandat de George Bush, la tendance s’inverse et la série peut voir le jour. Elle nous propose de suivre trois personnages, qui sont en réalité les trois facettes de l’Amérique noire de l’époque. Maurice, éduqué et socialement bien intégré, qui se bat pour les droits civiques ; Lucas, un ancien militaire qui a vécu la ségrégation et Isaiah, un jeune homme assez naïf. Les trois vont subir des expériences qui vont les transformer physiquement et vont être envoyés au front. Un seul d’entre eux reviendra. Et deviendra une légende, une référence pour les héros noirs.
Une œuvre à part
Truth est une œuvre véritablement particulière dans l’univers Marvel, un OVNI sans concession et très engagé. Certains diront peut-être trop. Et parfois, il est vrai que lorsque l’on pousse le bouchon trop loin, on peut arriver à dénaturer l’idée centrale. Mais force est de reconnaître que s’il est dérangeant et perturbant, le récit de Robert Morales tient plutôt bien et se lit parfaitement. Et ne cherche pas à atténuer l’atrocité des exactions commises à l’époque. La grande particularité provient aussi des dessins de Kyle Baker. En effet, alors qu’on aurait pu envisager un aspect très réaliste, l’illustrateur prend le contrepied total en proposant des dessins très cartoonesques, avec des expressions exagérées et des corps difformes. Cela peut surprendre au départ, mais cela permet finalement de créer une distance salvatrice avec l’horreur du propos. Surtout que Kyle Baker sait aussi proposer des images choc qui resteront gravées dans les mémoires des lecteurs. Un véritable Comics Non Identifié, encore inédit en France.
Truth #1-7 est publié aux Etats-Unis par Marvel Comics.