L’impact médiatique de la sortie du film Barbie en juillet 2023 a-t-il durablement changé la trajectoire boursière de Mattel ? Analysons l’évolution de l’action du géant américain, et évaluons l’influence réelle de ce phénomène cinématographique pour examiner les perspectives offertes par son ambitieux pipeline de jouets et de productions audiovisuelles.

L’été 2023 a incontestablement été marqué par une vague de "Barbiemania". Le film, véritable succès mondial, a replacé la marque emblématique au cœur de l’attention médiatique, déclenchant un engouement tangible tant chez les consommateurs que sur les marchés financiers. Dans les semaines qui ont entouré sa sortie, l’action Mattel a atteint un pic de 22 dollars, les investisseurs pariant sur une forte hausse des ventes de poupées et de produits dérivés.

L’élan initial et la réalité des chiffres

Les premiers résultats post-sortie ont confirmé cet optimisme. Au troisième trimestre 2023, Mattel a enregistré une progression significative des ventes de sa division poupées, portée par Barbie, dont les revenus ont bondi de 16 %. Cette performance a permis au groupe de renouer avec une croissance trimestrielle de son chiffre d’affaires global, en hausse de 9 %, à 1,92 milliard de dollars. Le PDG de Mattel, Ynon Kreiz, a déclaré que le film aurait généré un impact financier positif d’environ 125 millions de dollars.

Néanmoins, l’enthousiasme initial des investisseurs s’est ensuite atténué. L’action a bien profité d’un "effet Barbie", mais son évolution n’a pas été linéaire. Après le pic de l’été 2023, le titre a connu plusieurs phases de volatilité, reflet des difficultés structurelles du secteur : pression inflationniste sur la consommation, saturation de certains segments de marché, et résultats en demi-teinte pour d’autres catégories, notamment les figurines (action figures).

En mai 2025, l’action Mattel évolue autour des 19 à 20 dollars. Ce niveau traduit une valorisation intégrant à la fois le succès de Barbie et les interrogations sur la capacité de l’entreprise à reproduire ce type de performance avec d’autres franchises.

Un rebond boursier lié à la détente commerciale avec la Chine

Le 12 mai 2025, une annonce de la Maison-Blanche a provoqué un sursaut inattendu des valeurs liées aux jouets : les États-Unis ont temporairement réduit les droits de douane sur les importations en provenance de Chine, faisant passer le taux appliqué aux produits chinois de 145 % à 30 % pendant 90 jours. Cette mesure de répit a immédiatement bénéficié aux valeurs du secteur.

L’action Mattel a bondi de plus de 10 % dans la journée, Hasbro a progressé de 6,5 %, Jakks a gagné plus de 15 %, et Funko a explosé avec une hausse spectaculaire de 46,4 %. Le marché a salué cette accalmie dans la guerre commerciale, d’autant plus que le secteur du jouet dépend fortement des chaînes d’approvisionnement chinoises. On estime que près de 40 % des produits vendus par Mattel et Hasbro sur le sol américain proviennent de Chine.

Cette détente offre à Mattel une bouffée d’oxygène bienvenue, alors que le groupe avait récemment mis en garde contre les effets négatifs des politiques douanières de Trump sur ses coûts et ses marges. Hasbro avait même chiffré à 300 millions de dollars l’impact potentiel des taxes à 145 %. Mattel, de son côté, avait dû suspendre ses prévisions financières face à l’incertitude ambiante.

Au-delà de Barbie, l’ambition d’un univers cinématographique Mattel

Figurines Masters of the Universe.

L’effet Barbie était-il un événement isolé ou bien le premier acte d’une transformation durable ? Mattel mise résolument sur l’exploitation de son portefeuille de licences, avec une stratégie offensive de production de films, de séries et de jeux inspirés de ses marques.

Plusieurs projets sont déjà en cours, et les attentes varient selon les franchises :

  • Masters of the Universe : prévu pour juin 2026, ce film en prise de vues réelles, porté par une base de fans nostalgiques, pourrait relancer les ventes de figurines si la transposition cinématographique parvient à conjuguer fidélité à l’univers et séduction du grand public.
  • Hot Wheels : l’adaptation de cette marque emblématique en film d’action représente un pari risqué, mais le potentiel commercial est considérable, notamment si elle parvient à capter le public amateur d’adrénaline.
  • Matchbox : une autre licence automobile développée en film, avec John Cena annoncé au casting. Objectif affiché : séduire un public familial à travers une aventure populaire et accessible.

Autres marques en cours d’adaptation : Polly Pocket (avec Lily Collins), Thomas et ses amis, American Girl, Bob le Bricoleur, UNO ou encore Barney, dont un film au ton plus adulte est développé par Daniel Kaluuya. Même le jeu Whac-A-Mole va avoir droit à sa transposition à l’écran, en partenariat avec TriStar.

Les défis et opportunités du modèle "film-jouet"

Le véritable enjeu reste l’effet de ces adaptations sur les ventes de jouets. Le cas Barbie a démontré l’efficacité du modèle : au-delà des recettes cinématographiques, le film a revitalisé l’image de la marque et stimulé la consommation. Mattel espère appliquer cette formule à d’autres propriétés.

Toutefois, chaque licence a ses spécificités. Barbie a bénéficié d’un engouement culturel unique, soutenu par un marketing audacieux et original. Il serait naïf de croire que chaque adaptation reproduira cet impact à l’identique.

Par ailleurs, le marché du jouet évolue rapidement : concurrence accrue du numérique et des jeux vidéo, transformations des usages chez les enfants, pression sur les chaînes logistiques et les coûts de fabrication. Mattel devra également veiller à ne pas trop dépendre de ses productions audiovisuelles pour soutenir ses ventes physiques.

Un point positif est la reconduction de l’accord de licence avec Disney, notamment pour la franchise Toy Story. La sortie du cinquième opus est prévue en 2026, et Mattel continuera de développer les gammes associées, garantissant ainsi une source de revenus régulière.

Un investissement à horizon moyen ou long terme

Pour les investisseurs, Mattel présente un profil intéressant, mais pas sans incertitudes.

Points favorables :

  • Stratégie affirmée de valorisation de la propriété intellectuelle ;
  • Preuve de concept réussie avec Barbie ;
  • Portefeuille solide de marques emblématiques à fort potentiel d’adaptation ;
  • Diversification progressive vers les contenus numériques et interactifs ;
  • Réaction positive du marché face à la suspension temporaire des droits de douane.

Points de vigilance :

  • Risque d’échec commercial de certains films (tous ne seront pas des Barbie) ;
  • Dépendance accrue à la réussite des adaptations cinématographiques ;
  • Conjoncture économique défavorable à la consommation discrétionnaire ;
  • Forte concurrence dans le secteur du jouet et du divertissement ;
  • Prévisions de croissance encore modestes à court terme selon plusieurs analystes.

L’effet Barbie a offert à Mattel un rebond spectaculaire, à la fois financier et symbolique. Mais la métamorphose vers un modèle de "licensing-entertainment company" reste en construction. Les bases sont là, les marques aussi, mais le succès dépendra de l’exécution minutieuse de chaque projet.

Pour les investisseurs capables de s’inscrire dans une logique de moyen ou long terme, l’action Mattel peut constituer une opportunité de croissance raisonnable. Mais elle nécessitera une veille attentive, film après film, jouet après jouet.

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