Killadelphia est le nouveau titre de l’éditeur Huginn & Muninn qui s’est récemment lancé dans la publication de comics d’horreur comme Ice Cream Man ou The Silver Coin. Il nous raconte comment la ville de Philadelphie est gangrénée depuis très longtemps par une menace factieuse tapie dans l’ombre et prête à prendre le pouvoir… les vampires ! Une bonne surprise qui sort un peu des sentiers battus, même si tout n’est pas parfait.

(Image : © Rodney Barnes & Jason Shawn Alexander)

Les vampires sont parmi nous

Jimmy Sangster Jr doit rentrer à Philadelphie au plus vite. Son père, Sangster Sr, flic tout comme lui, vient en effet d’être assassiné dans des conditions mystérieuses. La relation entre les deux n’étant pas pourtant au beau fixe, le fils s’exécute et revient donc dans la ville qu’il a quitté, assailli par de mauvais souvenirs. Un père pas vraiment aimant, des relations très conflictuelles. Ce n’est pas simple pour Jimmy Jr, qui va toutefois, comme tout bon flic qui se doit, mettre son nez là où il ne le devrait pas.

En lisant le journal intime de son géniteur, Jimmy jr fait en effet une découverte fracassante. Sa mort n’est pas due à un réseau mafieux ou une secte malfaisante mais à un groupe de vampires ! En lien avec John Adams, le second président des États-Unis juste après George Washington, ce groupe a pour projet de faire main basse sur la ville de Philadelphie en prenant la mairie puis de s’étendre à travers les États-Unis. Avec l’aide de la médecin légiste José Padilla, Jimmy Jr va remonter le fil de l’enquête, accompagné par différents personnages hauts en couleurs voire totalement inattendus !

À travers cette enquête, c’est aussi en parallèle tout un lien relationnel entre un père et un fils qui est évoqué. À savoir surmonter la pression familiale et obtenir l’approbation d’un père qu’on déteste mais qui est quand-même un modèle. Ce qui est beaucoup plus difficile lorsque ce dernier est mort !

(Image : © Rodney Barnes & Jason Shawn Alexander)

Une intrigue politique

Ce qui surprend le plus à la lecture de Killadelphia, c’est qu’on sort, tout du moins au départ, du cadre assez convenu d’une histoire d’horreur et de vampires classique. En effet, l’auteur Rodney Barnes, scénariste sur des séries télévisées comme Runaways ou American Gods, place directement son intrigue dans un cadre politique et sociétal.

Vous nous direz, ce n’est pas si nouveau. De fait, Anne Rice avait déjà fait de ses chroniques vampires une métaphore pour la transition entre un monde ancien et la société des années 90. C’est le combat entre ceux qui ne veulent pas mourir et les autres. Et c’est ce que l’on retrouve avec ce groupe de revenants affilié au président John Adams, qui lutte pour revenir à une vision des États-Unis inspirée des pères fondateurs. Le discours est donc avant tout politique, plus que sociétal, même s’il devient difficile de scinder les deux.

De fait, Killadelphia propose une intrigue un peu plus évoluée que celle des simples vampires méchants. Si ces derniers ne font aucune concession et sont introduits comme des tueurs sans scrupules (ils annihilent quand-même une grande partie de la ville), leurs motivations sont moins tranchées que ce qu’il y paraît. Il y a d’ailleurs quelques membres du groupe qui n’adhèrent absolument pas à la philosophie de leur président.

(Image : © Rodney Barnes & Jason Shawn Alexander)

Un scénario agréable mais…

J’ai toujours beaucoup de mal lorsqu’un scénariste de télévision prend un main le destin d’un comic book. C’est souvent très décevant et ce n’est pas du tout le même métier. Mais Rodney Barnes s’en sort plutôt pas mal. Son premier épisode est vraiment très intéressant et accrocheur. Il s’en suit quand même un sacré coup de mou entre le troisième et le cinquième épisode, où différents éléments de l’intrigue se mettent en place un peu trop rapidement. Retournements de veste, apparition de la magie, cela va un peu trop vite et un peu trop fort parfois, alors que l’auteur dispose de tout le temps qu’il veut pour introduire son univers. Il tombe aussi parfois dans certains clichés en nous proposant un traitement de son récit un peu caricatural, oubliant la nuance dont il gratifie ses personnages.

Disons qu’il livre un récit qui correspond bien aux codes et aux attentes du moment, ce que j’ai trouvé un peu facile. Point très positif : alors qu’on aurait pu penser à une série sans suite, Killadelphia a atteint son trentième épisode aux États-Unis ! Cela signifie de fait que les deux auteurs ont une véritable ligne directrice. Et c’est assez suffisant pour me faire revenir pour une suite.

(Image : © Rodney Barnes & Jason Shawn Alexander)

Des dessins impeccables et une jolie édition

Jason Shawn Alexander, je l’avais découvert sur un récit concernant The Escapist mais je l’ai perdu de vue depuis. Je sais qu’il a réalisé des épisodes de Spawn et il semble, avec son style assez sombre et très « ligne brisée », parfaitement adapté pour les contraintes d’un récit d’horreur. C’est donc graphiquement une réussite même si l’on peut relever quelques faiblesses dans des scènes plus statiques et un manque évident de décors. Alexander est un dessinateur d’ambiance avant tout. Ses dessins sont de plus parfaitement mis en avant dans une édition de qualité comprenant de nombreux bonus comme les couvertures alternatives, des postfaces de l’auteur et une partie explicative qui nous permet de comprendre comment Jason Shawn Alexander passe du scénario aux dessins.

Killadelphia, sans être totalement éblouissant, propose une version assez originale du récit de vampire par sa volonté de l’engager dans des thématiques plus politiques. Cela convient de plus parfaitement à des lecteurs qui, comme moi, ne sont pas très friands de ces récits d’horreur. À suivre donc.

Killadelphia Tome 1 (Killadelphia #1-6 en VO) est publié par les éditions Huginn & Muninn.

Killadelphia Tome 1, Huginn & Muninn

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