Faire peur est un art que les supports visuels, tels que les différents formats de bandes-dessinées, peuvent transcender. Et c'est le pari que l'artiste Michael Walsh a fait en s'entourant de nombreux auteurs de la nouvelle vague du monde du comic book pour l'anthologie The Silver Coin. Un pari partiellement remporté mais qui n'est pas sans offrir un certain intérêt.
Un artiste pour les gouverner tous
Pour The Silver Coin, pensée à l'origine comme une mini-série en cinq numéros – que nous retrouvons dans ce premier tome – , puis devenue une série en ongoing, l'artiste Michael Walsh (Star Wars, Justice League/Black Hammer) avait choisi de s'adjoindre les services de quatre scénaristes en vogue, en l'occurrence Chip Zdarsky (Batman, Daredevil, Stillwater), Kelly Thompson (Sabrina the Teenage Witch), Ed Brisson (Old Man Logan) et Jeff Lemire (Sweet Tooth, Green Arrow). Chaque auteur a eu la charge d'écrire une histoire de l'anthologie que devait conclure un cinquième récit scénarisé par Walsh lui-même.
Chacun avait donc la tâche d'écrire une histoire courte tournant autour des conséquences de la malédiction qui s'abat sur quiconque met la main sur une pièce argentée (silver coin en anglais) ensorcelée. De quoi nous faire voyager à travers le temps au fil des cinq histoires et de voir évoluer des personnages tous plus différents les uns que les autres.
Une œuvre visuellement cohérente
L'un des points forts de ce premier tome de The Silver Coin réside dans le fait que l'intégralité de la partie graphique, du dessin jusqu'aux couleurs en passant même par le lettrage pour la version originale, est assurée par Michael Walsh. Le premier point notable et appréciable réside donc dans la continuité qu'offre le dessin. En effet, le principe même d'une anthologie en comics, et ce même si chaque histoire tourne autour d'un thème commun, amène le risque que des styles artistiques trop différents puissent sortir le lecteur de l'ambiance générale. Et force est de constater que ce n'est pas le cas ici.
De plus, Walsh agit donc ici en qualité de chef d'orchestre. Il donne le ton, même si chaque auteur est relativement libre. De fait, chaque histoire et chaque protagoniste évoluent dans un univers cohérent voulu par son créateur et c'est un réel atout. Il faut reconnaître que le trait de l'artiste se marie parfaitement bien avec chacun des récits, que ce soit le sien – qui vient conclure l'ouvrage – ou bien celui des quatre autres auteurs.
Fais-moi peur
Pour faire court et simple, les cinq histoires sont plutôt efficaces. Toutefois, à l'exception peut-être de celle intitulée 2467 écrite par Jeff Lemire, chaque histoire est souvent bien trop courte pour réellement poser l'ambiance et développer les personnages correctement. Les auteurs sont prisonniers de leur propre concept qui consiste à réaliser une histoire en un seul épisode.
Chaque récit tient sur une petite vingtaine de pages au sein desquelles les auteurs s'emploient à créer une histoire autour de la pièce maudite avec la nécessité de poser un contexte, dérouler le scénario pour finir sur une conclusion potentiellement ouverte. Si le tout remplit son rôle, la rapidité à laquelle l'histoire est lue fait que le lecteur n'a pas forcément le temps de s'imprégner des enjeux et de l'ambiance. Là où The Silver Coin est vendue comme une anthologie d'horreur, la pression ne monte jamais suffisamment pour que le lecteur en arrive à s'inquiéter pour les personnages, de ce qui va arriver dans la page suivante ou n'importe quel élément qui pourrait amener à quelques frissons. Nous n'avons malheureusement pas le temps de nous attacher aux personnages (ou, à l'inverse, de réellement les détester) bien que, pourtant, certaines récits, comme les deux premiers – Le Ticket de Chip Zdarsky et Les Filles de l'Été de Kelly Thompson –, arrivent à nous amener à toucher du doigt ce besoin important pour créer l'effet attendu. L'horreur (ou sa relative absence) est donc par moments compensée par un soupçon de gore, mais là encore de manière trop fugace pour créer suffisamment de malaise ou autres sensations du genre.
Malgré ce constat, et la frustration qui va avec, et en gardant à l'esprit que tout le monde n'a pas le même rapport à l'horreur, The Silver Coin a tout de même le bon goût de nous amener d'une histoire, d'une époque, d'une ambiance et d'un cadre à l'autre en titillant notre curiosité. Si le côté horreur n'est donc peut-être pas autant au rendez-vous que ce qui a pu être vendu, l'anthologie réussi tout de même à créer de l'intérêt chez le lecteur, ce qui n'est pas négligeable.
La suite ?
En cas de succès pour ce premier tome, l'éditeur français Huginn & Muninn pourrait suivre le modèle d'Image Comics, l'éditeur d'origine, en publiant d'autres albums de The Silver Coin contenant des histoires écrites notamment par Ram V, Josh Williamson, Stephanie Phillips, James Tynion IV et bien d'autres. Et comme dit précédemment, une des forces de cette anthologie est sa capacité à susciter l'envie d'en voir plus et de découvrir l'impact de cette pièce maudite sur d'autres personnes et dans d'autres contextes.
The Silver Coin, de Michael Walsh, Chip Zdarsky, Kelly Thompson, Ed Brisson et Jeff Lemire est disponible en France chez l'éditeur Huginn & Muninn, traduit par Jean-Marc Lainé et lettré par le Studio MAKMA.