L'histoire de Yasuke, l'esclave africain devenu samouraï a le vent en poupe depuis quelques années. Protagoniste d'une série sur Netflix, d'albums pour la jeunesse, héros de la série franco-belge Kurusan de Thierry Gloris et Emilano Zarcone (en trois tomes chez Delcourt) et du prochain Assassin's Creed Shadows, Yasuke a également eu le droit à sa série de comics avec Hitomi, écrite par H.S. Tak, mis en images par Isabella Mazzanti et colorisé par Valentina Napolitano. Le titre est publié chez Image Comics aux États-Unis et chez Urban Comics en France.
Mais là ou les œuvres précédemment cités s'inspiraient des récits historique, Hitomi prend le contre-pied de cette démarche en partant dans la fiction pure.
Un récit historique sans sources
Bien que nous ne sachions rien sur le sort de Yasuke après 1582, date du décès de son Daimyo, Oda Nobunaga, cette omission permet à l'équipe créative d'Hitomi de laisser libre cours à leur imagination en proposant un récit prenant et original sur les plans scénaristique et graphique.
Hitomi se déroule en 1590, nous y suivons le point de vue du personnage éponyme, une jeune fille ayant grandi dans la période Sengoku du Japon féodale et qui cherche à retrouver le samouraï responsable de la mort de sa famille. Ce samouraï a une particularité : "sa peau est aussi foncée que la betterave". Dans le même temps, ce samouraï désabusé et cynique, désormais privé de son seigneur, participe à des combats truqués de sumotori, dans l'espoir de décrocher suffisamment d'argent pour rentrer chez lui.
Vous l'aurez compris, Hitomi va nous faire suivre le parcours de marginaux, honnis par la société et par des classes supérieurs ne voyant en eux que de la chair à canon pour leur guerre. Les différentes factions qu'Hitomi et Yasuke rencontrent dans le quatrième et le cinquième numéros sont ainsi peu caractérisés, seule compte leur volonté de conquête, qui passe notamment par l'utilisation d'enfants-soldats.
Les auteurs nous transportent dans un Japon qui regorge de dangers et dans lequel la violence arbitraire fait office de norme.
En s'inspirant du chanbara (les films de sabre japonais) et en particulier de films tel que Lady Snowblood, les auteurs d'Hitomi parviennent à condenser plusieurs influences dans leur récit, que cela soit sur plan scénaristique et surtout sur le plan graphique.
Un comic book sous forme d'estampes
Le style d'Isabella Mazzanti est également l'un des points forts d'Hitomi. En s'inspirant du style des estampes japonaises, Mazzanti créer une atmosphère à la fois pittoresque et terrifiante. Les planches alternent ainsi entre des moments de poésies et des effusions de sang réellement terrifiantes, renforcés par une utilisation judicieuse des couleurs.
La mise en page n'est pas en reste, puisque l'artiste s'autorise un découpage et une mise en page par moment anarchique, mais toujours dans le point de vue des personnages. Cela est très présent dans le final, lorsqu'Hitomi est droguée par ses ravisseurs, la confusion du personnage devient alors véritablement palpable pour le lecteur, créant un moment de tension convainquant et qui vous laissera cloué à votre siège.
Côté édition, Urban Comics a vu les choses en grand pour Hitomi. Le titre est proposé dans la collection Grand Format Urban, soit un format 32 cm x 21 cm qui permet d'apprécier à leur juste valeur les planches d'Isabella Mazzanti. Pour la pagination, Hitomi compte 144 pages, dont quelques pages bonus, contenant un petit portrait historique de Yasuke signé H.S. Tak, une galerie d'illustrations et les différentes variant covers. Le tout est proposé au tarif de 19€.
Hitomi s'impose donc comme une très belle surprise de ce début d'été et un petit coup de cœur. En seulement cinq numéros, H.S. Tak et Isabella Mazzanti, parviennent par leur approche originale à nous livrer un chanbara poignant qui marquera sans aucun doute l'esprit de ses lecteurs.