Publié en septembre dernier par Urban Comics, c'est un petit ovni tout droit sortie des années 1990 et signé par le duo Garth Ennis et John McCrea intitulé Hitman, que nous propose l'éditeur français de DC Comics.
Les années 1990: lorsqu'un tueur à gage marginal envahi l'univers DC Comics
Avec Hitman, Garth Ennis nous entraîne dans les aventures d'un tueur professionnel d'origine irlandaise : Tommy Monaghan. L'action se situe à Gotham City (la ville du chevalier noir) dans les années 1990. Tommy est engagé par un commanditaire inconnu pour éliminer un chef mafieux nommé Joe Dubelz. Ce contrat va rapidement tourner au désastre lorsque Glonth (un parasite extraterrestre) décidé de faire de Dubelz son prochain dîner. Tommy subissant le même sort que Dubelz à une différence près, le tueur à gages irlandais survit à l'attaque du parasite.
Cette histoire se déroula lors du crossover Bloodlines de 1993 et fut l'occasion pour DC Comics de se lancer dans de nombreuses expérimentations avec une certaine variété d'auteurs et dessinateurs. L'un des plus gros succès de cet événement dont peu se souviennent fut le personnage de Tommy.
Pour en revenir au point de départ d'Hitman, cette rencontre avec Glonth fournira à Tommy deux pouvoirs qui vont faire de lui le tueur attitré des métahumains : une vision à rayon X et la capacité de lire les pensées.
Hitman fait partie de ces derniers titres issus de la période tardive de la British Invasion. Tous les éléments sont présents : un héros européen (irlandais en l'occurrence), un discours méta et postmoderne sur le genre et des supers (héros comme méchants) ramenés dans des situations plus "réalistes". Et comme toujours chez Garth Ennis, cette structure va lui permettre de proposer un discours assez virulent à l'encontre de ces personnages. Entre un Batman renommé "Bat-gonz" par Tommy, le Joker et "son sourire de mange-merde", pour finir par un Green Lantern égocentrique et radin (ce dernier refuse de payer un coup à boire à Tommy), les personnages de l'univers DC ne sont pas montré sont leur meilleur jour (mis à part Catwoman, mais n'en dévoilons pas trop) et Tommy n'éprouvant quasiment aucun respect pour ces personnages qu'il considère comme de vulgaire cinglés. Cela ne manquera pas de faire écho aux travaux ultérieurs d'Ennis, à savoir The Boys et The Punisher (version Marvel Knights), ainsi qu'à ses nombreuses interview au cours desquelles l'auteur a pu expliquer sa manière de voir les super-héros américains. À savoir la "vision d'un adulte" considérant ces univers comme "grotesque" (une interview a retrouvé sur le site Uproxx). À ce titre, Alan Moore avait pu tenir des propos similaires concernant un médium destiné à "divertir des garçons de 12 ans".
Et à côté de cela, Ennis et McCrea ne se privent pas pour proposer de pures histoires pulp, à commencer par le récit en deux numéros, La nuit des zombies de l'aquarium de Gotham. Une histoire de zombies complétement loufoque dans laquelle Tommy et ses potes de beuveries enquêtent sur un virus permettant de réanimer les cadavres. Et c'est bien là toute la force d'Hitman, proposer un savant mélange entre des récits postmodernes et des petites histoires pulp digne de la pop culture britannique.
Un anti-héros populaire
Un autre point assez emblématique de cette période est le héros ou, en l'occurrence, l'anti-héros : Tommy Monaghan. Véritable prolo des quartiers crasseux de New-York, ou plutôt Gotham, les pouvoirs obtenus par Tommy au début de l'histoire n'altérerons que très peu la personnalité de notre protagoniste, ces derniers lui permettront principalement de se mesurer aux méta-humains de l'univers DC. Au point que son surnom d'"Hitman" n'est utilisé qu'une seule fois au cours du récit, comme un gag balancé par Tommy aux lecteurs.
Le côté prolo de Tommy est par ailleurs mis en exergue à de nombreuses reprises, en particulier lorsqu'il accepte un contrat sur la tête du Joker. Tommy voyant la somme offerte par ce contrat comme une opportunité de quitter le quartier pauvre du Chaudron, gangréné par la pauvreté, les gangs et la corruption policière, voir même de quitter définitivement Gotham City. Un personnage aux aspirations plus terre-à-terre donc.
L'autre coup de force de Garth Ennis étant d'utiliser les pouvoirs de Tommy en tant qu'élément perturbateur, attirant à lui tout un tas de personnages démoniaques (dont Etrigan), de super-héros/vilains (le Joker jurant d'étriper Tommy après que ce dernier lui ait mis une balle dans l'épaule) et de barbouzes, tout en ruinant sa vie sentimentale. De ce point de vue, ses interactions avec les personnages de DC oscillent entre le mépris et l'incompréhension des héros face à l'attitude nonchalante Tommy.
C'est donc un tueur à gages irlandais au grand cœur, amateur de bière, de billard et malchanceux en amour que nous propose de suivre Garth Ennis, une bonne partie de ses aventures débutant ou se terminant dans son bar préféré, entouré de ses amis (que nous vous laissons découvrir).
Une édition exemplaire
Ce beau volume, proposé par Urban Comics, est un modèle du genre. Une belle qualité d'impression en mat, la présence des couvertures entre les chapitres, une traduction de qualité, le tout dans un volume (le premier pour l'instant) en couverture cartonnée de près de 600 pages proposé au tarif de 39€. À noter qu'Urban Comics n'a pas encore annoncé de date pour le volume 2.
Hitman s'impose donc comme une valeur sûre et une très belle découverte pour les fans de Garth Ennis et de John McCcrea, ainsi que pour les nostalgique de la British invasion et vous permettra de vous replonger dans cette période pleine d'expérimentations du milieu des années 1990.
De Garth Ennis et John McCrea
15/09/2023 – Broché – 576 pages – 39,00€
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Après son agression par un parasite extraterrestre, Tommy Monaghan a gagné le don de la vision à rayons X et la capacité de lire dans les pensées. Désormais, il se fait appeler Hitman et exécute des contrats placés sur la tête des métahumains. Au cours de ses expéditions, il rencontre Etrigan le Démon, Batman, le Joker et des animaux aquatiques zombies. Voir notre critique VF.