Publiée aux États-Unis par Image Comics, la mini-série Seven Sons est désormais disponible en France grâce aux éditions Huginn & Muninn. Dans cette uchronie nous présentant le nouveau couronnement du fils de Dieu, on retrouve le toujours très inspiré Jae Lee en grande forme. Une histoire finalement classique en dépit d’un pitch intéressant, qui prend une tout autre dimension grâce aux dessins.
Un long fleuve tranquille
Nous sommes en 1998 à Las Vegas, rebaptisée New Canaan depuis que l’on sait que c’est ici que va être à nouveau couronné la seconde incarnation du Christ sur Terre. 21 ans plus tôt, 7 enfants identiques et issus de mères vierges ont vu le jour sur tous les continents ! Et un seul d’entre eux sera déclaré comme étant le nouveau fils de Dieu. Cet élu conduira l’humanité vers une ère de prospérité et de paix comme on n’en a plus connu depuis 2000 ans. Comment le sait-on ? Tout avait été écrit dans la prophétie de Nicolaus Balaak près de 25 ans plus tôt dans son livre, celui des sept fils. Depuis, Balaak est devenu un entrepreneur, un prédicateur acharné dont la doctrine a effacé toute autre religion sur Terre. Bien évidemment, ces naissances ont engendré de la violence. De la part des autres communautés religieuses et notamment celle des enfants d’Allah, qui sont déterminer à éliminer les sept enfants avant le couronnement de l’un d’eux. Ils y sont déjà arrivés à six reprises ! Quelle sera leur dernière action alors que le septième enfant, Pergi, s’apprête à devenir l’élu ? Quelle est l’horrible vérité qui se cache derrière ce couronnement ? Surtout que dans un autre endroit de la ville, on assiste réellement à une résurrection.
Un retour en force
Nous n’allons pas revenir sur la carrière de Jae Lee, dessinateur emblématique des années 90 avec Jim Lee et autres consorts. Sur la tripotée de dessinateurs issus de l’école Image, c’était certainement celui dont le style était le plus intéressant, avec son utilisation des ombres, des espaces. Lorsqu’un Jim Lee abondait dans les détails, Jae Lee donnait des effets minimalistes sur ses personnages. Avec quelques exagérations, son style sur Namor progressait de mois en mois. Il s’est ensuite essayé à Hellshock, une mini-série Image co-réalisée avec le talentueux coloriste José Villarubia. Série pour laquelle il a connu de nombreux retards. On le retrouve presque dix ans plus tard sur Inhumans, avec Paul Jenkins. Et c’est là que son talent explose. Depuis, il aura participé à de nombreux projets chez Marvel ou DC, toujours un peu spéciaux. Jae Lee prend son temps. La dernière fois que je l’ai vu sur des pages de comics, c’était en 2013, pour la série Superman & Batman. Autant vous dire que son retour est un évènement. Et c’est tout simplement magnifique. On y retrouve toujours l’utilisation des ombres et des espaces, mais surtout un soin assez impressionnant au niveau des détails et des décors. En dehors de sa narration très efficace avec l’utilisation de cases découpées et fragmentées sur la page, c’est surtout l’ambiance créée par ses dessins qui frappe. Jae Lee arrive à faire du scénario classique de Seven Sons une histoire qui prend une toute nouvelle dimension. C’est la force de ce dessinateur hors norme, qui prouve qu’il en a encore sous le crayon. J’espère qu’on saura lui donner à nouveau sa chance sur un projet un peu plus ambitieux.
Losing my religion
Robert Windom et Kelvin Mao sont deux inconnus au bataillon des comics. Ce sont des producteurs et scénaristes qui ont eu le mérite de réaliser un documentaire sur le regretté Dave Stevens. Mais à part ça, pas grand-chose. Pas étonnant donc que leur histoire fasse très film d’action. On retrouve dans leur manière d’écrire les codes des films ou téléfilms, ce qui n’est pas vraiment un compliment. Mais leur intrigue est finalement assez osée pour qu’on se laisse prendre au jeu. Sur la forme, l’histoire est classique. Nous nous trouvons bien évidemment dans la sphère du complot religieux mais la dénonciation concerne plus les personnes qui vont en profiter que l’attaque en règle de la foi. Ce qui n’est pas très original mais évite la provocation à deux balles. En revanche, certains aspects de Seven Sons restent assez maladroits. On voit bien l’idée finale qui est de dire que les religions peuvent s’accorder entre elles et que chacune a sa place sur Terre, mais l’utilisation du fanatisme religieux ici me déplaît. Car en dénonçant le complot autour de la résurrection des sept fils, l’organisation terroriste des enfants d’Allah change de positionnement vis-à-vis du lecteur. Vendue au départ comme une organisation terroriste religieuse, elle devient finalement et un peu trop facilement un groupe qui sert la bonne cause. Les auteurs oublient rapidement que le groupe en question, mené par un leader qui s’avère être plus ou moins bon, a quand-même massacré des centaines de personnes au nom d’une foi. Attention, je n’y vois pas ici une volonté d’adouber les massacres religieux, plutôt une maladresse un peu gênante des auteurs qui, sous prétexte de bons sentiments, n’ont pas maîtrisé toute la portée de leurs circonvolutions scénaristiques. C’est, à mon sens, le gros point faible du récit, qui pour sa plus grande part est une histoire de course poursuite et de suspense. Disons que la série serait passée inaperçue si elle n’avait pas été dessinée par Jae Lee.
Pour conclure, je n’ai pas passé un mauvais moment sur Seven Sons, que je conseille surtout pour les magnifiques dessins de Lee.
Seven Sons est un comics publié en France par Huginn & Muninn.