Afin de préparer dignement les fêtes qui s’approchent à grand pas, la rédaction de Superpouvoir vous propose son calendrier de l’avent comics. Chaque jour, une petite pépite, un coup de cœur, une œuvre injustement ignorée vous sera dévoilée pour, pourquoi pas, l’ajouter au pied du sapin et surtout, étoffer votre culture comics.

Aujourd'hui, retour sur la série Paper Girls de Brian K. Vaughan et Cliff Chiang.

Back to the 80's

Erin est une jeune fille qui vit paisiblement dans la petite ville de Stony Stream, en 1988. Chaque matin, elle se lève pour pouvoir livrer les journaux à travers son quartier, au guidon de son vélo. Le jour d'Halloween, elle rencontre une petite bande d'autres livreuses de journaux, composée de Mac, Tiffany et KJ. Elles se serrent les coudes entre elles pour pouvoir faire face aux difficultés du travail. Toutes les quatre auront bien vite besoin les unes des autres alors qu'elles se retrouvent embarquées dans une étrange aventure. De curieux personnages difformes et vêtus de noir errent dans la ville, poursuivis par des guerriers en armures, chevauchant des ptérodactyles... Blessée, Erin aura besoin de soins et accompagnera les mystérieux hommes en noir dans une capsule temporelle. C'est comme ça que le petit groupe se retrouvera embarqué dans un périple à travers le temps.

Elles atterriront d'abord en 2016 où Erin rencontrera sa contrepartie adulte, un peu décevante, mais attachante. Puis elles seront propulsées en pleine préhistoire où elles croiseront la route de Quanta Braunstein, inventrice du voyage dans le temps, et d'une jeune fille qui cherche par tous les moyens à protéger son bébé du petit groupe de brutes qui l'a violée. Enfin, les voila reparties à la toute fin du XXe siècle où Stony Stream est le théâtre de la paranoïa du bug de l'an 2000, mais aussi d'une bataille entre robots géants invisibles, que seule Tiffany et son soi adulte peuvent voir. Au fil de leurs voyages, elles apprennent qu'une terrible guerre se déroule autour du temps.

Une guerre du temps

D'un coté, des adolescents d'un futur lointain sont convaincus que les connaissances acquises doivent permettre de modifier le temps pour rendre les événements meilleurs. De l'autre, une organisation plus adulte, et située plus tôt dans le temps, tente de contenir les ardeurs de leurs "enfants". Menée par un mystérieux Grand-Père, son but est de préserver la ligne temporelle en n'en modifiant aucun aspect. Ce combat vire très vite en conflit entre les jeunes révolutionnaires et leurs aînés plus conservateurs. Vaughan avait déjà abordé ce thème du conflit générationnel avec Runaways chez Marvel, mais plus encore qu'une opposition entre deux générations, il s'agit surtout d'une opposition entre conservateurs et progressistes. Il n'est sans doute pas innocent d'ailleurs que l'organisation qui cherche à garder le temps intact utilisent un vocabulaire religieux (Prieure, Cardinal), les églises n'ayant jamais été des adeptes du changement.

Portraits de filles

Si les événements auxquels les filles sont liées ont des conséquences majeures, Vaughan sait aussi réduire les enjeux en nous présentant le portrait de quatre jeunes pré-ados des années 80, des personnages qu'on a peu l'habitude de voir en BD. À mi-chemin entre le jeu vidéo Paper Boy et les films de la Amblin, les débuts du comic book de Vaughan et Chiang semblent porter un regard nostalgique, mais lucide sur cette jeunesse américaine qui se réveillait aux aurores pour livrer des journaux (ici le Cleveland Preserver) et se confronter au monde des adultes. Cependant, les auteurs abandonnent assez vite les eighties pour lancer leurs héroïnes à travers le temps, les confrontant à leurs existences futures. Erin va découvrir ainsi qu'elle n'évoluera pas vraiment, restant toujours à Stony Stream, travaillant toujours pour le Preserver (comme journaliste) et vivant une vie de femme célibataire ennuyeuse, au contraire de sa petite sœur Missy. Mac sera confrontée à sa propre mortalité puisqu'elle découvrira qu'elle meurt jeune d'une maladie. KJ, jeune juive qui se se découvre lesbienne, sera, elle, en butte avec Mac justement, plutôt intolérante sur ses questions, alors qu'elle ressent un tendre penchant pour elle. Tiffany se découvrira en jeune femme paumée et rebelle, ayant abandonné ses rêves de faire de la science.

Ses portraits de jeunes filles font de Paper Girls un comic book assez féministe. Les hommes ne jouent qu'une part minime et la seule figure masculine d'importance est plutôt négative. Il s'agit du chef des conservateurs, qui n'est nommé d'ailleurs que par sa fonction patriarcale de Grand-père.

Plus qu'un trip nostalgique, Paper Girls est donc une série féministe et progressiste, avant tout enrobée dans un récit d'aventure SF haletant comme Vaughan sait si bien les élaborer, magnifié par la narration limpide et le dessin épuré de Cliff Chiang.

Paper Girls, série de 30 numéros publiées aux USA par Image Comics et édité en France en 6 tomes par Urban Indies.

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