Il y a quelques jours, je suis tombé sur un sujet de discussion datant de 2016 sur le fameux site Jeuxvideos.com, dans lequel une personne se demandait pourquoi chez certains revendeurs – du genre Cultura, par exemple –, les mangas occupent près des deux tiers de l'espace, là où les BD franco-belge et les comics sont assez peu mis en avant.

Certains membres de ce forum ont tenté d'y trouver une réponse dont voici quelques exemples :

Je vais à mon tour tenté de répondre a cette question, démentir certains propos, et expliquer pourquoi en France et plus ou moins partout dans le monde, le comics reste le support de lecture le moins apprécié/connu du public.

En France et aux États-Unis

Les BD dites Franco-belge sont arrivées après la première guerre mondiale publiées dans des revues de presse le plus souvent hebdomadaires, le terme résultant d'un contexte politique et d'un modèle économique d'édition. À partir de 1930, on retrouvait dans la presse quotidienne aux États-Unis, des fascicules de comics agrafés, et c'est seulement a partir de 1938 que les comic books commencent à devenir un véritable phénomène avec l'arrivée de Superman – devenu depuis le symbole du comics.

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Plus tard, en pleine guerre froide, pour faire face aux importations perçues comme massives des bandes dessinées américaines, la loi du 16 juillet 1949 fut mise en place sur les publications destinées a la jeunesse : tout ce qui était jugé trop proche du modèle américain était tout bonnement censuré.

Les grands gagnants de cette histoire furent les productions françaises et belges, avec les revues Spirou et Tintin, jugées "moralement irréprochables car produites sous la férule de l’Église catholique", l'expression BD franco-belge est bien vite entrée dans les foyers francophones.

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Alors que le marché du comic book connait jusque là une croissance permanente, c'est a partir de 1948 que le comics commence à être mal vu, et ça ne fait qu'empirer avec les années. Mené par le psychiatre Fredric Wertham, ça souffle méchamment pour les comic books jugés bien trop violents et moralement bien trop déviant pour les jeunes lecteurs américains. Les éditeurs prennent les devants, et après plusieurs tentatives d'associations éphémères, créent un organisme dont le rôle est de contrôler et réglementer chaque comics. Aucun comic book ne sera désormais vendu en librairie s'il n'affiche pas le fameux timbre indiquant qu'il a été approuvé par ce que l'on nomme désormais le COMICS CODE AUTHORITY.

Pendant ce temps, au Japon

Au XIXe siècle au Japon, le manga était déjà une culture à part entière. C'est à partir de 1914 qu'on les trouve déjà sous la forme de livres de 200 pages, avec une liberté de ton bien plus grande que dans les comics ou la BD franco-belge, notamment concernant les idées politiques et religieuses, le manga traitant tous les sujets sans masque.

En 1960 les éditeurs ont adopté une segmentation maximale : hommes ou femmes, jeunes enfants ou personnes âgées, tous le monde peut trouver un manga qui lui est destiné, et comme la majorité des mangas sont en noir et blanc et de petit format, ils sont plus facile à produire, surtout pour les artistes qui dessinent beaucoup plus de planches et plus rapidement, que les Américains ou les Européens. Il n'aura fallu que vingt ans au manga pour dominer le marché. Les mangas étaient imprimés sur du papier bas de gamme, peu cher et dans des revues de presse et ne ressortaient sous format livre uniquement si l'histoire plaisait.

Le manga est-il l’exemple à suivre ?

L'engouement du manga aux États-Unis se réveille particulièrement en 1986 avec Jojo’s Bizarre Adventure. L’intelligence et l’ingéniosité passe avant la force de l’amitié pour gagner un combat, et ça plaît au public.

Image Vite rattrapé par YuGiOh, Naruto ou encore HxH, le manga prend une place importante aux États-Unis qui s’intensifie encore : en 2005, les USA constituent 35% du marché du manga, soit une progression de 100% en un an. En France on doit en grande partie cette popularisation au Club Dorothée, une émission sur la première chaîne de télévision qui diffusait des animés dès 1987 comme Dragon Ball, Olive et Tom, Nicky Larson... Ce qui n'est pas du goût de tout le monde, notamment du côté de certains journalistes de l'époque, et des politiques, dont cette chère Ségolène Royale, dont voici des extraits de son livre, Le ras-le-bol des bébés zappeurs. Attention, ça mitraille.

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Page 94 :"Les enfants «adorent» (les adultes aussi) C'est l'argument le plus massif des marchands d'images. Dorothée explique même que, plus c'est violent, plus les enfants regardent. Hélas ! C'est confondre voir et «adorer». Les enfants dévorent ce qui leur est donné. La vraie question est de savoir s'ils sont heureux de ce qu'ils regardent. La réponse est non. L'enfant absorbe par imprégnation. Il ne peut sélectionner. Et si, d'aventure, il aimait la violence pour elle-même, alors pourquoi ne pas lui programmer des matchs de boxe ou de catch à la place des dessins animés ? Cela coûterait encore moins cher ! Et ce serait tellement plus «vrai»."

Pages 98 et 99 : "Aucune preuve de l'effet nocif de la violence n'existerait.

Les Japonais ont prouvé que, plus l'image est rapide, plus elle est violente et choquante, plus le spectateur regarde et en oublie de zapper. Plus la publicité est donc rentable. D'où ces téléfilms japonais et ces dessins animés nuls et agressifs. Nul besoin de scénario, ni d'histoire, ni même de personnages. On se tape dessus. Ni bons ni méchants, à quoi cela servirait-il ? Ça coûterait plus cher d'avoir une histoire, il faudrait même payer un écrivain... Juste un décor et du bruit !"

Ne vous en faites pas, les séries américaines en prennent aussi pour leur grade. D'ailleurs, le livre critique surtout la télévision, il n'empêche que le manga et l'animé sont cités une dizaine de fois dans le livre, et ça suffit à mettre la lumière sur ces programmes. La part du marché de la France pour les mangas en 2000 passe de 4 a 8% des ventes de livres, en deux ans, tandis qu’au japon, ça représente désormais 40% de leur part de marché. Mieux ! Chez les Allemands, les mangas représentent 75% du marché de la lecture, ces années-là.

Si les raisons du succès du manga sont multiples, le fait qu'il soit à la fois moins cher et deux fois plus petit qu’un comics joue évidemment pas mal en sa faveur. Sa plus grande force reste sans doute le fait qu'il s'adresse à tous les types de publics, le rendant très facile d'accès – d'autant qu'au Japon, les mangas sont disponibles absolument partout, il existe même des distributeurs automatiques –, une diversité que ne possèdent pas les bandes dessinées franco-belge et les comics, même si chacun traîne ses clichés et à priori.

Ajoutez la production exceptionnelle du manga, un nouveau tome de la même série tous les deux à trois mois, tandis qu'il faut bien un an pour une bande dessinée franco-belge… Le manga est passé de 220 nouveautés par an durant l'année 2000, contre plus de mille en 2005.

Pour autant, le public n’est pas le même que pour la BD ou le comics, et le manga ne se vend pas forcément au détriment des autres. La tendance de la sortie de nouveaux titres de BD franco-belge s’accroissent de plus de 150%, et les comics doublent leurs productions, ceux qui lisent des manga ne sont pas forcément des anciens fans de BD, mais plutôt un nouveau public.

En France en 2010, l’écart DC/Marvel se creuse déjà. Pour 300 comics Marvel distribués, 100 titres DC sont proposés cette année-là, et c’est pourtant The Walking Dead, traduit par Edmond Tourriol, qui passe pour la première fois la barre du million d’exemplaires vendus en France.

Alors que 90% des ventes de Panini sont des comics, le genre super héros a toujours mis du temps à décoller en France, Pour Walter de Marchi (Panini comics), pour qu’un super-héros soit apprécié, on doit forcément passer par le cinéma.

De leur côté, Urban Comics, en plus des licences DC, éditent également des titres de comics indépendants très différents des super-héros, horrifique et fantastique, plus adultes aussi souvent. Ces albums se vendent d’ailleurs mieux en France que dans leurs propre pays, et la segmentation du comics est encore en cours actuellement. Notez qu'ils ont lancé également une collection destinée à un public Young Adult, majoritairement féminin. Le manga a fait trente ans plus tôt ce que le comics et la BD s’efforcent de reproduire afin de toucher un public plus large, tandis que le marché de l’animé domine dans tous les pays où ils ne sont pas censurés.

 

Les comics doivent-ils prendre le même chemin que les mangas ?

Le manga est-il l’exemple à suivre ? Probablement pas. Si le manga et le comics ont chacun deux communautés différentes, c’est précisément parce qu'ils sont différents et proposent des choses différentes. Il ne faut cependant pas ignorer les mangas pour autant. Pour preuve, quand Dargaud a signé en 2004 les droits d’édition en France de Naruto, le manga le plus vendu au monde à l’époque mais quasi-méconnu en France : une décision prise cette année-là car Yu-Gi-Oh qui était diffusé sur M6, monopolisait les ventes en France – où il était également l'anime le plus téléchargé illégalement sur Internet.

Si aujourd’hui les comics ne représentent que 6% du marché de la BD en France, c’est pourtant les films tirés de ce même univers qui réalisent les plus grands records au box-office mondial. Nous aurions donc bien tort de le condamner trop vite, le comics a clairement encore de beaux jours devant lui.

Et vous, quel est votre avis, le manga est-il l'exemple a suivre ?

 

Sources : PériodiquesJVCManga FR,CNRSWiki comicsLoi 16 juilletBD LemondeVentes mangaPodcast Mouv,Ventes 2020COVID BDFnac bd manga comics

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