C’est le vendredi 6 mai 2022 que George Pérez nous a quitté après une longue maladie. La rédaction de Superpouvoir adresse à sa famille et à ses proches toutes ses condoléances. Quelques jours après Neal Adams, c’est une nouvelle légende des comics qui s’est éteinte. Retour sur un surdoué du dessin dont la carrière aura été faite de hauts mais aussi de bas.

RIP George Perez

(JLA/Avengers, Marvel Comics, DC Comics)

Les débuts d’une légende

George Pérez est né le 9 juin 1954 dans le sud du Bronx, à New York. Fils de deux immigrés portoricains, Luz et Jorge, venus chercher un avenir meilleur dans le pays des opportunités. Avec son plus jeune frère David, né 11 mois après lui, ils dessinent Popeye ou encore des superhéros de leur invention. Elevé avec les shows télévisés, George devient un véritable petit américain, apprenant l’anglais avec les comics. La vie des Pérez n’était pas très drôle, le Bronx était un endroit assez violent et le papa de George souffrait d’alcoolisme, accumulant aussi les dettes de jeu. George dessine pour s’évader, jusqu’à ce qu’il rencontre au lycée Thomas Sciacca, un véritable fan de comics qui l’emmène dans ses premières conventions et avec qui il dessine pour son premier fanzine, Factors Unknown #2. George n’a pas en effet pu intégrer une école d’art. C’est vers 15 ans que George décide de devenir un artiste professionnel. Parallèlement, son professeur d’anglais, William Kerrigan, le pousse à écrire et à produire des récits d’invention. Lorsqu’il quitte le lycée, il décide de ne pas aller à l’université. Sa mère (qui l’a toujours appuyé concernant ses envies artistiques) lui demande, s’il ne trouve pas de travail dans l’industrie des comics durant l’été, de commencer à travailler pour s’assumer.  Il trouve donc un emploi dans une banque, qu’il va garder environ un an avant de devenir assistant du dessinateur Rich Buckler. N’ayant pas suivi de formation, c’est réellement avec les comics que George a appris à dessiner, recopiant parfois du Neal Adams. Après avoir été refusé par DC Comics et Continuity Studios (du même Neal Adams qui lui dit que s’il progresse il peut espérer avoir un petit job chez DC mais qu’il n’est pas prêt pour Marvel), il est contacté par Buckler, qui travaille pour Marvel et qui a besoin d’un assistant. George apprend donc le métier sur le tas, profitant des remarques de Buckler et des éditeurs de Marvel pour progresser. Il rencontre alors des artistes comme Don McGregor, Klaus Janson, John Verpoorten ou encore Frank Giacoia. Son premier travail professionnel publié est un petit strip humoristique de 2 pages dans Astonishing Tales #25 où il représente Rich Buckler et Doug Moench travaillant sur la série Deathlock !

RIP George Perez

(Astonishing Tales #25, Marvel Comics). Le premier travail professionnel de George Perez

Lorsque Buckler ne peut dessiner une histoire de Monsters Unleashed, il demande à George de dessiner l’intégralité. Mais le travail est bâclé et George se voir encré par différents artistes, dont Bob Layton et John Byrne pour un résultat qui ne lui convient pas.
L’entente entre Pérez et Buckler se tend lorsque le premier fait remarquer à son patron qu’il ne trouve pas correct l’idée de « swiper » les dessins d’autres artistes. Lorsque Buckler fait une remarque de trop sur la femme de George (il s’est marié avec Yvie à 18 ans), il quitte son travail d’assistant et retourne travailler à plein temps à la banque. Après avoir fait une erreur de caisse, il est viré. Le jour même, Buckler le rappelle : il a besoin d’un fill-in sur le comics Creatures on the loose. George apprendra plus tard que Buckler l’a contacté parce que son éditeur, Jim Salicrup, voulait Pérez pour dessiner cette histoire et que Buckler était le seul qui avait son numéro de téléphone. C’est le début d’une carrière à plein temps.

RIP George Perez

(Monsters Unleashed, Marvel Comics). Perez remplace au pied levé Rich Buckler

Ses premiers travaux chez Marvel

À partir de 1974, George dessine 2 séries : Man-Wolf (scénario de David Anthony Kraft) et Sons of The Tiger (réalisé par Bill Mantlo) pour le magazine Deadly hands of Kung-Fu. George déclare à Mantlo qu’il préfère dessiner les comics avec des équipes de superhéros. Ce qui n’est jamais très recherché. En effet, à l’époque les dessinateurs étaient rémunérés à la page et le tarif était le même que ce soit pour un comics de groupe ou d’un personnage solitaire. Les artistes ne se battent donc pas pour dessiner des titres comme Avengers par exemple. Cela ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd et en deux mois, George se retrouve assigné à la nouvelle série Inhumans ainsi qu’à Avengers, l’équipe qu’il a toujours rêvé de dessiner. Il réalise le premier épisode de Inhumans en à peine une semaine ! Comme le titre est bimestriel, il devient l’artiste régulier de la série, tout en dessinant Avengers et Fantastic Four ! Comme Man-Wolf vient de s’arrêter, George Perez dessine alors 3 comics et demi par mois ! Tous des comics de groupe ! Si George n’apprécie pas l’encrage de Vince Colletta sur Avengers, il adore ce que fait Joe Sinnott sur ses planches de Fantastic Four.

RIP George Perez

Deadly Hands of Kung Fu #7, Marvel Comics

Mais le travail acharné de Pérez entraîne des problèmes dans sa relation avec son épouse. Ses problèmes de couple ont un impact sur sa créativité et lorsque George se coince un nerf qui rendent le fait de dessiner difficile, il doit donc quitter Inhumans (avec laquelle il a du mal à composer des planches à cause des scénarii très denses de Doug Moench). Son problème de nerf est catastrophique : George doit suivre une procédure médicale mais il n’a pas d’assurance ! C’est donc Marvel qui paye l’addition. George laisse tomber les FF et les Avengers pour se consacrer uniquement à la série Logan’s Run (l’âge de cristal). Il est persuadé que cela va être un succès phénoménal grâce au film à venir. C’est là qu’il commence à utiliser des références photographiques et à détailler de plus en plus ses planches. Lorsque Logan’s Run s’arrête faute de succès, Perez revient sur Fantastic Four et Avengers. Tout en continuant à proposer un style très détaillé avec des tonnes de cases par page.  George se sépare d’Yvie au bout de quelques années. Sa déprime conduit fatalement à une baisse de sa productivité, même s’il réalise le Marvel Super Special consacré aux Beatles, ce qui l’emmènera plus tard à réaliser en comics l’adaptation du film Sgt Pepper. Mais encore une fois, George n’est pas content de ses encreurs, à savoir Klaus Janson (dont le style très caractéristique à du mal à fusionner avec celui de Perez) et Jim Mooney.

RIP George Perez

Marvel Super Special : The Beatles, Marvel Comics

JLA, Teen Titans et Avengers en même temps !

Alors qu’il dessine les Avengers (il a arrêté Fantastic Four), Perez est contacté par DC Comics pour lancer une nouvelle série avec son compère Marv Wolfman, avec qui il a travaillé sur un annual des Fantastic Four : New Teen Titans. Perez accepte mais demande aussi à dessiner la Justice League of America. Le voilà donc travaillant pour les 2 compagnies ! Perez ne croit pas à la réussite de New Teen Titans et préfère assurer ses arrières avec une série reconnue comme Justice League.

RIP George Perez

(Justice League of America #192, DC Comics)

Mais il se rend compte que Marv Wolfman l’incorpore rapidement au processus de création, tandis que les scénarii de Gerry Conway sur Justice League ne lui laissent pas assez de marge de manœuvre. Il faut dire que Gerry Conway écrit ses histoires avec environ 10 mois d’avance et qu’il ne sait pas quel dessinateur va œuvrer sur ses histoires. Alors que New Teen Titans commence à gagner en audience et en critique, Wolfman insiste pour que George Pérez soit considéré comme co-scénariste et payé en conséquence. Wolfman payera même Perez de sa poche en attendant que la nouvelle structure de paiement se mette en place. Lorsque George Pérez laisse sa place à Curt Swan sur New Teen Titans #5, il réalise que le titre est spécial et il ne ratera plus jamais un numéro jusqu’à son départ. C’est lors de cette période qu’il rencontre sa nouvelle femme Carol Flynn, qui partagera sa vie jusqu’à sa mort. Alors qu’il réalise Avengers, Justice League et Teen Titans, il se rend compte qu’il ne peut pas assurer 3 titres par mois et quitte Avengers en plein milieu de la saga de Korvac. Il n’est toutefois pas brouillé avec Jim Shooter et Marvel, il faudra attendre l’imbroglio concernant le crossover JLA/Avengers pour qu’il se décide à travailler à plein temps et exclusivement pour le distingué concurrent de Marvel.

RIP George Perez

Teen Titans #1, DC Comics

Crisis on Infinite Earths et Wonder Woman

Alors que Marv Wolfman et Len Wein commencent à plancher sur l’idée d’une refonte de l’univers DC via une crise d’ampleur sans précédent, les deux scénaristes envisagent de demander à John Byrne de dessiner la maxi-série. Ce dernier ayant décliné, Pérez insiste pour être le dessinateur, pensant qu’il va s’agir du projet d’une vie. C’est d’ailleurs Pérez qui en trouve le titre: Crisis on Infinite Earths. Il laisse tomber New Teen Titans et se lance dans ce qui va être un projet exténuant. Une fois la maxi-série terminée, Perez ne cherche pas particulièrement à retravailler sur une base mensuelle, mais il se rend compte que si Batman et Superman viennent d’être totalement redéfinis par Frank Miller et John Byrne, personne ne sait quoi faire de Wonder Woman. Il va donc proposer de reprendre les rênes de la série, son expérience de la mythologie sur Teen Titans lui ayant mis l’eau à la bouche. George Pérez lance donc Wonder Woman avec d’abord le scénariste Greg Potter, rapidement remplacé par Len Wein, qui ne signe que les dialogues. Il signera scénario et dessins jusqu’au numéro 24. Il laisse tomber la partie graphique (restant toutefois au scénario) pour se penser sur le nouveau graphic novel Teen Titans, qui constituera finalement les épisodes 50 à 54 de la série. Wolfman et Perez se concentrent sur un nouveau projet, un graphic novel intitulé Games, qui n’aboutira, lui, que des dizaines d’années plus tard. Pérez se concentre donc sur Wonder Woman, où il a du mal à travailler avec Jill Thompson, qui ne veut pas dessiner 20 cases par planches. Alors que Pérez a beaucoup de mal avec son crossover War of The Gods qu’il n’arrive pas à intégrer à la série Wonder Woman, il est contacté par Marvel pour réaliser Infinity Gauntlet. Mais miné par les soucis de War of The Gods, Pérez n’arrive pas à se projeter dans l’histoire racontée par Jim Starlin. Pour tout dire, il ne la trouve pas transcendante et manque d’enthousiasme. Il sera remplacé au bout de 3 numéros par Ron Lim. Lorsque Carol, la femme de George, lui dit qu’elle vient de lire un roman de Peter David et que George devrait songer à travailler avec lui, le dessinateur le contacte et les deux artistes concrétisent la mini-série Futur imparfait, avec le Maestro. Pérez est tellement enthousiaste qu’il va lui-même assurer l’encrage. Le voilà de retour chez Marvel ! Enfin, pour Epic Comics (la branche adulte de Marvel) puisqu’il réalise, encore avec Peter David, la mini-série Sachs & Violens. Alors qu’une suite est prévue, Pérez est contacté par Malibu Comics, qui lu propose de travailler moins et d’être payé plus. Mais alors qu’il lance de nombreuses séries comme UltraForce, il réalise qu’il n’aime pas les personnages et qu’il a fait une erreur.

RIP George Perez

(Crisis on Infinite Earths, DC Comics)

Retour chez Marvel : la renaissance

George se concentre sur son travail de scénariste avec des épisodes de Silver Surfer, mais il a beaucoup de mal à travailler avec différents dessinateurs qui n’arrivent pas à dessiner ce qu’il imagine. Alors qu’il prépare un nouveau projet, Crimson Plague, il encre les épisodes de Dan Jurgens sur la nouvelle série des Titans. Et DC hésite ! En effet, George commence à traîner, à juste titre, la réputation d’un artiste qui n’arrive pas à finir ses projets. Comme pour War of The Gods ou Infinity Gauntlet. Il réalisera l’encrage de 15 épisodes d’affilée et sera même nommé aux Eisner Awards comme meilleur encreur. Mais la série Titans s’arrête et Crimson Plague ne dépasse pas, pour raisons financières, le premier épisode ! George commence à se faire du souci car les finances ne sont pas au plus haut !

C’est alors qu’il est contacté par l’éditeur Ralph Macchio pour prendre les rênes graphiques de la nouvelle série Avengers après la période Heroes Reborn. D’abord contacté pour être le scénariste, Pérez refuse, il n’a pas lu de série Avengers depuis presque 20 ans ! Il dessinera finalement pour le scénariste Kurt Busiek. Sachant que personne ne lui fait confiance, il négocie un taux classique de paiement à la page, mais son avocat arrive à négocier un double taux si ce dernier finit complètement un épisode. Contrairement à ce que les gens pensaient, Perez tiendra largement la distance ! C’est la résurrection d’une légende.

(Solus #1, CrossGen)

L’échec de Gorilla et de CrossGen

Pérez s’associe avec Kurt Busiek et d’autres auteurs pour fonder Gorilla Comics, maison d’édition pour laquelle il proposera de nouveau Crimson Plague. Mais la compagnie se fait escroquer et Pérez doit payer certains éléments du comics de sa poche ! Alors qu’il perd de l’argent, il est finalement contacté par CrossGen et se voit totalement emballé par le projet de Mark Alessi. Pour information, il s’agissait de faire travailler tous les scénaristes et dessinateurs ensemble dans le même studio sur la côte ouest. Avec un contrat d’exclusivité ! Sauf pour Pérez qui a négocié le statut de freelance pour réaliser le crossover JLA/Avengers, celui qui n’avait pas pu se faire des dizaines d’années auparavant. George Pérez devient un employé à plein temps de Crossgen, où il dessine la série Solus, qui ne durera que huit numéros puisque l’entreprise fait faillite !

RIP George Perez

(Legion of 3 Worlds #3, DC Comics)

Retour chez DC

Le voilà en 2006 de retour chez DC où il réalise la série The Brave and The Bold avec Mark Waid et Legion of 3 worlds avec Geoff Johns.

Plus tard, il réalise les 6 premiers épisodes de Superman New 52 avec Jesus Merino aux dessins, mais quitte la série pour différents créatifs. C’est à cette époque qu’il termine avec Marv Wolfman le graphic novel Teen Titans Games, qui n’avait pu se faire 15 ans plus tôt.

(George Perez's Sirens, Boom Studios)

Il dessine ensuite jusqu’en 2016, 6 épisodes de la série Sirens pour Boom Studios avant de prendre sa retraite en 2019 pour des raisons de santé. En effet, dès 2013 il a dû subir une opération au laser qui l’a laissé aveugle d’un œil pendant un moment. Il a aussi fait une attaque cardiaque et a souffert de diabète, qui l’a empêché de dessiner correctement. C’est fin 2021 que son cancer du pancréas est diagnostiqué, lui donnant à peine quelques mois de répit. Il décide de ne pas suivre de traitement.

George Perez s’est éteint le 6 mai 2022.

Une note plus personnelle

Je pense que George Perez doit être l’un des premiers dessinateurs que j’ai lu. Certainement dans un Nova où il dessinait les Fantastiques. Ou bien dans son annual X-Men avec Arkon. Bien évidemment, et comme tout lecteur de comics de l’époque, George Pérez a été un temps le « meilleur dessinateur du monde ». Ceci grâce à son travail sur les Teen Titans qui étaient publiés dans Arédit. Je me rappelle encore de la claque que j’avais pris avec les premiers épisodes de la nouvelle série Titans publiés dans Super Star Comics. Et puis Crisis. C’est, je crois, mon tout premier Hardcover, le seul bouquin que j’ai acheté en VO très cher alors que je possédais déjà la VF. George Pérez fait partie de ces artistes avec qui j’ai grandi, qui m’ont accroché à tout jamais à cet univers. Je l’avais ensuite perdu de vue puisque ses Wonder Woman n’avaient pas été traduits. Et je l’ai retrouvé plus fringant que jamais quelques années plus tard avec ses Avengers. Si je devais citer des artistes qui m’ont marqué tout au long de mon existence de lecteur de comics, bien évidemment le nom de George Perez arriverait dans le trio de tête. C’est une légende qui disparaît. Il y a de ces gens dont la mort vous touche, même si vous ne les connaissez pas. Parce que ce sont des personnes avec qui vous avez finalement partagé une partie de votre vie, des personnes qui ont, par leur talent, permis de rajouter un étage à l’échafaudage de votre construction artistique et personnelle. Même si l’on s’y attendait depuis un moment, la mort de George Pérez m’affecte énormément. C’est une grande part de mon adolescence et de jeune adulte qui s’en va aujourd’hui. Mais je pense aussi à ses plus fidèles fans, qui doivent être totalement dévastés. J’en connais. Et puis surtout à sa femme, sa famille. Bien évidemment. Voilà, je n’ai pas les mots, je n’ai pas les expressions pour décrire ce que je ressens ce soir. Simplement une tristesse et des tonnes de souvenirs, de dessins qui sont gravés à jamais dans ma mémoire. Merci M. Pérez. Et de là-haut, passez le bonjour à tous ceux qui nous ont enchanté et fait de nous à jamais des fans.

Bibliographie : Modern Masters Volume 2 : George Perez, TwoMorrows

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