Far Sector est une maxi-série en 12 parties réalisée par l'écrivaine de science-fiction N.K. Jemisin et l'artiste canadien Jamal Campbell sous le label Young Animal crée pour DC Comics par Gerard Way. Publiée en France en un seul recueil, elle nous propose une aventure assez dense, avec une héroïne attachante mais qui a parfois du mal à sortir un peu des clichés.

(Image : © DC Comics)

Meurtre au royaume très très lointain

La terrienne Jo Mullein est une Green Lantern novice, affectée dans l'un des secteurs les plus éloignés de la galaxie : la Cité éternelle. La Cité éternelle a une particularité. Après une guerre sans merci il y a des centaines d'années, il a été décidé d'inoculer à chaque habitant un virus génétique qui empêche de ressentir toute émotion. De fait, tout est plutôt calme depuis 500 ans. La planète est dirigée par un consortium représentant les 3 espèces qui y habitent : les @at, des créatures informatiques mais aussi les Nah, sorte de croisement entre un humain et une raie manta et les keh-topli, une race à moitié végétale. Sauf que voilà, un meurtre vient d'être commis sur cette planète qui n'a connu aucune violence depuis un demi-siècle ! Seule capable de ressentir quelque chose et de laisser parler son instinct, Jo Mullein va rapidement se retrouver non pas dans une simple enquête pour meurtre, mais surtout au cœur d'une intrigue beaucoup plus politique qui risque tout simplement de relancer à nouveau une guerre ! Avec un anneau différent, plus faible que les anneaux classiques, notre Green Lantern arrivera-t-elle à sauver un monde ?

Un bon auteur fait-il un bon scénariste de comics ?

N.K. Jemisin est une excellente écrivaine de science-fiction. On ne gagne pas 3 fois d'affilée le prix Hugo par hasard. Toutefois, rares sont les purs écrivains qui ont réussi dans les comics. Ce ne sont pas les mêmes compétences, le même rythme. Les exemples sont légion : on peut penser bien évidemment à Brad Melzer, Orson Scott Card mais aussi plus récemment Ta-Nehisi Coates, Chelsea Cain ou Joe Hill. Souvent c'est bien écrit, mais il manque quelque chose et il faut soit un dessinateur hors normes (je pense à Gabriel Rodriguez) pour parfois sauver le récit. L'autre sens (des scénaristes de comics qui passent au roman comme Warren Ellis, Neil Gaiman ou Alan Moore) semble mieux fonctionner. Et si le récit de N.K. Jemisin est assez agréable, il souffre quand-même pas mal de ce que l'on peut appeler le syndrome de l'écrivain-scénariste.

(Image : © DC Comics)

Un univers très détaillé mais un discours simpliste

En effet, la scénariste passe un temps fou à établir les principes de fonctionnement qui régissent la planète. Il y a beaucoup de textes, beaucoup de descriptions et énormément d’informations sur les tout premiers épisodes, qui ne rendent pas vraiment la lecture agréable. Les personnages extraterrestres sont de prime abord assez mal définis et ont très peu d’accroche, à tel point qu’on se demande encore qui est qui après avoir lu la moitié de la bande dessinée. Mais c’est aussi dû aux graphismes, dont on parlera un peu plus tard. N.K. Jemisin utilise les problèmes d’une planète lointaine pour faire écho à certains faits de société actuels, comme le libre arbitre, le choix et la contestation. C’est attendu et parfois un peu forcé, surtout dans le cadre d’une bande dessinée Green Lantern. La scénariste ne peut pas non plus échapper aux thèmes du moment pour faire de Far Sector un récit peut-être un peu trop convenu. Jo est une femme totalement de son époque, sans aspérités mais cela ne lui dessert pas. Les thèmes abordés semblent en revanche sortir d’un discours aseptisé qu’une candidate à Miss France pourrait prononcer (le racisme c’est mal, certaines catégories de la population sont oppressées, découvrir l’autre est un atout). L’intention est bien évidemment louable, mais la manière un peu trop simpliste pour y donner du poids. De fait, Far Sector est plus un comics de science-fiction qu’un récit tournant autour d’un Green Lantern puisque le sujet n’est qu’effleuré, et de manière trop superficielle. Il y a pourtant de jolies choses dans ce récit.

(Image : © DC Comics)

Les points forts de Far Sector

Tout d’abord, il est assez rare de se voir proposer une structure de gouvernement planétaire dans le détail. Si la forme est un peu indigeste, le fond mérite d’être souligné. On sent que N.K. Jemisin a pensé son univers de A à Z et n’a rien laissé au hasard. Chaque personnage pourrait presque avoir sa propre biographie. L’idée de créer 3 races très différentes (une animale, une végétale et une virtuelle) permet aussi de pouvoir donner des confrontations intéressantes. Dommage que les informations soient distillées soit en bloc, soit au compte-gouttes. Mais le point fort du récit est avant tout son héroïne ! Jo Mullein est une totale réussite, que ce soit au niveau de sa description physique mais aussi de sa personnalité ! Son histoire personnelle est peut-être un peu moins développée mais le personnage est tout à fait sympathique et agréable. On la suit de manière plaisante. Les personnages secondaires sont en revanche un peu transparents, notamment sa petite amie, qui arrive et repart sans qu’on sache trop pourquoi. Mais en tout cas, on aurait bien envie de la revoir. Autre choix intéressant : celui d'une drogue qui réussirait à enlever la modification génétique des habitants et qui les rend plus émotifs, plus en lien avec eux-mêmes. Il y a quelques passages plutôt réussis sur ce point de vue. J'ai beaucoup aimé aussi comment les habitants de a Cité Eternelle utilisent les memes de la Terre comme une sorte de cryptomonnaie. En effet, n'ayant pas d'émotion, ils ne peuvent créer de telles images. De fait, N.K. Jemisin fait vraiment du bon travail de description.

(Image : © DC Comics)

Des dessins pas toujours efficaces

Les dessins de Jamal Campbell sont assez solides. Il dessine l’intégralité des 12 épisodes et c’est déjà une bonne chose, on ne change jamais de style et cela donne une cohérence bienvenue au récit. En revanche, certaines scènes sont peu lisibles. Il y a en effet tellement de détails, d’effets spéciaux et de jeux avec les couleurs que l’œil se perd et que souvent on ne comprend pas ce qui se passe, notamment dans les scènes d’action, rendues illisibles par l’afflux de détails pas toujours très utiles. Il est meilleur quand les personnages sont statiques et se parlent. De la même manière, cette manière de choisir des panneaux pas du tout symétriques peut dérouter le lecteur. Je ne saurais dire si les dessins sont un handicap ou un avantage de Far Sector. Mais je ne suis personnellement pas très fan de la mise en couleurs.

De fait, Far Sector reste une histoire sympathique, pas vraiment révolutionnaire mais on sent l’enthousiasme des auteurs à chaque page. Après, cela reste un peu trop naïf dans la manière de la raconter et les thèmes qui sont choisis. Si l’on pouvait en attendre un peu mieux, c’est déjà un bel effort et le récit est assez homogène pour qu’on s’en rappelle quelques jours après, ce qui est déjà pas mal !

Far Sector est un comics publié par Urban Comics et (parfaitement) traduit par Benjamin Viette.

Far Sector, Urban Comics

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