Oh nom de Zeus. Alors que vous profitez tranquillement de votre pause — bien méritée, nous sommes d'accord — pour trainer un peu sur votre réseau social favori, quelques minutes à peine auront suffi pour qu'une personne sans foi ni loi vous spoile la fin du dernier épisode de Game of Thrones. La rage vous submerge. Vous n'avez jamais été autant en colère. Excepté peut-être la semaine précédente, lorsque quelqu'un vous a spoilé le dernier épisode de The Walking Dead — entre nous, vous devriez peut-être faire un peu de ménage dans vos contacts. Furieux, vous voyez rouge. Vous êtes même carrément vert de rage. Enfin, ce ne sont que des expressions, bien entendu. Nous ne sommes pas dans un comic book, nous n'allez pas vous transformer en Hulk, non plus.
Quoi que. Et si c'était possible ?
Le Cas du Docteur Bruce Banner
Dans le premier numéro de The Incredible Hulk, créé par Stan Lee et Jack Kirby en 1962, le Dr Bruce Banner, un physicien spécialisé dans le nucléaire, sauve le jeune Rick Jones de l'explosion d'une bombe d'un nouveau genre : la bombe gamma. Si Banner réussit à pousser le jeune adolescent dans une tranchée de protection, lui n'échappera pas à l'énorme explosion. Il se réveillera plus tard à l'hôpital, au plus grand étonnement de tous, sans séquelle visible. Mais alors que la nuit tombe, il se métamorphose : son corps grandit et grossit de manière titanesque, sa peau change de couleur, et seule la rage semble habiter le peu de conscience qui lui reste. Le monstre sera surnommé Hulk — mastodonte dans la langue de Molière — en raison de sa taille impressionnante.
Depuis lors, il n'est pas bon d'énerver le docteur Banner, une grosse colère ou un stress trop intense le transformant en géant vert enragé au QI indéterminé.
The Incredible Hulk #1, par Stan Lee & Jack Kirby, 1962 © Marvel
Les rayons Gamma
Ce serait donc les rayonnements issus de l'explosion de la bombe qui seraient la cause de tout. Alors, qu'est-ce que les rayons Gamma ? Ce sont des rayonnements électromagnétiques diffusant une très grande énergie, obtenus par la désexcitation d'un noyau atomique résultant d'une désintégration. Pour faire simple, ce sont des rayons de lumière que l'on ne peut pas voir à l’œil nu, comme les rayons X, par exemple. Mais si les rayons X sont produits par des transitions électroniques provoquées en général par la collision à haute vitesse d'un électron avec un atome, les rayons gamma sont produits par des transitions nucléaires.
Ils sont extrêmement pénétrants. Tant et si bien qu'ils peuvent traverser un coffre-fort sans problème, par exemple. Alors vous imaginez un corps organique comme le nôtre.
Ils sont aussi extrêmement dangereux, en interférant avec le matériel génétique de la cellule, altérant ainsi l’ADN. Des cassures des doubles brins de l’ADN sont généralement reconnues comme les lésions les plus biologiquement significatives par lesquels les rayonnements ionisants provoquent le cancer, des maladies de la peau ou du sang, des troubles oculaires et les maladies héréditaires.
Les sources de ces rayonnements sont principalement cosmiques et sont issus des événements les plus violents de l'univers : jets relativistes produits par des trous noirs supermassifs (blazars), pulsars, quasars, sursauts gamma, etc. Cela étant dit, les photons qui composent ces rayons sont quasiment tous arrêtés par l'atmosphère terrestre.
Les rayons Gamma sont utilisés en médecine (radiothérapie), dans l'industrie (stérilisation et désinfection) et le secteur nucléaire.
Et de manière plus insolite, dans le processus de vieillissement de la cachaça, une eau de vie à base de sucre de canne, qui malgré son coût excessivement élevé et son goût discutable, n'a pas rencontré un vif succès chez les spécialistes. On se demande bien pourquoi.
Pour en savoir plus : laradioactivite.com
Pour résumer, soyons clair : aucun être vivant ne pourrait encaisser autant de rayons gamma comme l'a fait le docteur Banner. Peut-être dans un comic book, d'accord, mais pas dans la vraie vie. C'est rigoureusement im-pos-si-ble. Enfin, sauf pour le Deinococcus Radiodurans.
Il s'agit de l'organisme le plus radiorésistant au monde. Une bactérie capable de résister aux conditions extrêmes, comme l'acide, les températures extrêmes et le vide sidérale ! Encore plus fort, la mort elle-même : cette bactérie peut carrément ressusciter quelques heures après son décès grâce à son système perfectionné de réparation de l'ADN.
Et il faut bien l'avouer, ça ressemble pas mal à ce dont est capable notre Géant Vert.
La Deinococcus Radiodurans
La Métamorphose
Concernant la transformation elle-même, un chercheur de l'université Stanford, Sebastaian Alvarado, aurait une explication : la chromothrispsis. Et parce que ce mot est littéralement imprononçable, on préfère parler d'éclatement chromosomique.
Il s'agit du phénomène dans lequel de nombreux réarrangements — jusqu’à plusieurs centaines voire des milliers selon les articles — se produisent au cours d’un seul événement pour aboutir à la formation d’un ou de plusieurs chromosomes fortement remaniés.
Si le phénomène a été régulièrement observé, on est loin de la transformation spectaculaire d'un Hulk. En effet, la chromothispsis est surtout connue pour être impliquée dans les maladies congénitales et le cancer.
Justifier les métamorphoses de Banner en Hulk a donc demandé * un peu * d'imagination et de créativité à Sebastian Alvarado. Mais d'après lui, en tirant sur certains principes, on peut arriver à une explication. Lorsque son ADN est exposé la première fois aux rayonnements gamma, il subit alors ce véritable éclatement chromosomique : certains gènes peuvent avoir été "réparés", et certaines nouvelles "instructions" peuvent avoir été introduites dans le code génétique. Mais aussi des commutateurs épigénétiques, des sortes d'interrupteurs qui sont enclenchés par les hormones créées par Bruce Banner lorsque celui-ci est pris de grandes colères ou qu'il subit un grand stress.
Si vous souhaitez plus d'explication — et que vous comprenez la langue de Shakespeare —, il l'explique plus en détail sur le site de Stanford.
Couverture de Incredible Hulk Vol 3 7.1, par Michael Komarck © Marvel
Et concernant la couleur verte ?
Alvarado a aussi plusieurs hypothèses pour expliquer la couleur verte. Elle est peut-être due à l'immense traumatisme que subit le corps de Banner. Après quelques jours, sur les ecchymoses peuvent apparaître une couleur verdâtre : il s'agit de la biliverdine, un pigment biliaire présent dans l'hémoglobine. On peut imaginer que la transformation détruit des cellules sanguines ayant pour conséquence la grande quantité de biliverdine. En gros, Hulk a des bleus partout, le rendant tout vert.
Si vous faites la grimace et que l'explication ne vous convainc pas, Alvarado vous en propose une autre : vu la quantité de masse musculaire qu'a gagné Hulk, il est possible que l'hémoglobine ne suffise pas à transporter la grande quantité d'oxygène nécessaire aux muscles. Nous pouvons peut-être alors envisager l'existence d'une sorte d'Hulk-oglobine responsable de la couleur de sa peau, mais aussi de sa force et de son endurance.
Reste un mystère : comment fait-il pour garder son pantalon après chaque transformation ?
Si Sebastian Alvarado n'a pas encore d'explication, il préfère rester optimiste et voir le vert à moitié plein. La science a toujours une explication pour tout. Même quand on sait que la couleur du personnage emblématique de Marvel était à l'origine gris, puis qu'il est devenu vert suite au rendu décevant à l'impression poussant Stan Lee et Jack Kirby à en changer. Même si depuis, il est redevenu un temps gris, et qu'il existe aussi un Hulk rouge.
Même si les auteurs n'ont absolument pas pensé à tout ça, ils ont toujours pris — consciemment ou pas — modèle sur la nature. La science trouvera donc toujours un moyen de l'expliquer. En vert et contre tout.
Couverture de Hulk vol.1: Red Hulk, par Ed McGuinness ©Marvel
Source : laradioactivite.com, Stanford, medecinesciences, Wikipedia, exobiologie.com, 20 minutes