Mathieu Doublet: Harley Quinn a pas mal de succès. Elle a pas mal de variantes sur ses couvertures, et c'est l'un des meilleurs titres dans l'univers de Batman. Elle a même eu des chapitres spéciaux. Question simple : Comment avez-vous fait ?

Jimmy Palmiotti: Eh bien, le livre est conçu en équipe, et avec Amanda, Chad, Alex et John, on a fait de notre mieux pour respecter le calendrier et le réussir au mieux. On travaille peut être un peu trop, mais le travail qu'on a devant nous est si amusant qu'il devient dur de s'arrêter, et Dieu merci les gens adorent ça, ce qui nous motive pour en donner encore plus.

MD: La série a commencé avec une grosse polémique autour du concours sur la scène de suicide. Vous y avez répondu très clairement, c'était censé briser le quatrième mur,  et être drôle d'une certaine manière (J'ai trouvé ça drôle moi, mais le sujet était très sensible). Un mauvais buzz, est-ce que c'est toujours un buzz utile ? Auriez vous pris une assurance sur ce coup de publicité ?

JP: Je préférerais que les gens parlent du contenu du livre plutôt que de ce que les autres ont pu en penser. Finalement ça n'a pas impacter les ventes, au contraire, ça a apporté beaucoup d'attention sur le titre. Mais quelque chose de cette ampleur a un coût, et je me suis senti coupable pour les personnes que ça a dérangées, ou qui ont mal compris notre intention et pensent toujours que nous avons fait quelque chose de mal exprès. Je crois que j'ai été plus contrarié par les personnes que je connaissais bien et qui ont commencé à dire du mal de nous alors qu'elles devaient le savoir.

MD: Comment travailles-tu avec Amanda ? Est-ce que vous ajoutez mutuellement des idées au travail de l'autre ? Parlez-vous de travail au déjeuner ou est-ce qu'il y a une limite entre le travail et la maison ?

JP: On travaille sur nos livres toute la journée et on donne libre cours à nos pensées dès qu'on en a et Amanda prend note de toutes les idées... même les mauvaises, on y revient de temps en temps quand on est bloqués ou quand on a besoin d'un nom qui en jette pour quelque chose. On voyage et partage des aventures ensemble tout le temps, ça se glisse toujours entre les couvertures de nos livres. On écrit nos livres ensembles jusqu'à l'édition. Je les mets sur papier, Amanda travaille dessus pendant une semaine à peu près, on l'envoie et on passe au livre suivant.

MD: En regardant les photos que vous postez sur Facebook et Instagram, on dirait que Harley a une certaine réputation chez les cosplayers. Vous avez une histoire croustillante à nous raconter sur ces cosplayers qui étaient peut être un peu trop dans la peau du personnage ?

JP: Pas vraiment. On adore le cospay et les fans, donc peu importe si ils sont trop dans la peau de leur personnage ou pas, on les aime. Amanda dessine beaucoup de costumes différents pour Harley car elle sait que des personnes vont essayer de les faire. Du coup elle est très au courant de la façon dont les choses peuvent être faites et de comment ça rend.

 

 

KICKSTARTER et PAPERFILMS

 

MD: Maintenant que votre 8ème projet financé par Kickstarter est achevé, (en un peu moins de trois ans et demi), comment concevez-vous le financement participatif ?

JP: Je vois ça comme une tonne de travail, et pas pour tout le monde, ça c'est certain. Je pense que c'est une façon impressionnante de rencontrer le cercle intérieur de ses fans, et c'est certainement le meilleur, outre le fait que l'on soulève des fonds pour travailler sur nos propres idées. Je pense les systèmes comme Kickstarter fonctionnent assez facilement, si on prend juste un peu de temps pour faire de la recherche et si on lit leur site.

MD: Du point de vue du contributeur, il semble que le tome 1de Sex & Violence ait été le plus profitable : un taux de financement de 205%. Était-ce vraiment le cas ? Je sais que le profit fait sur un projet Kickstarter va directement dans le livre suivant, donc l'indépendance en vaut-elle le coup ?

JP: Ça vaut le coup car ça nous permet de créer notre propre matière non censurée, d'avoir une propriété intellectuelle à nous et ça rend les personnes qui supportent le projet heureuses. Avec ceux qui se font de l'argent sur le dos des acheteurs, des coûts vont venir s'ajouter pour équilibrer les règles du jeu. Par exemple, sur ABBADON, les frais de port pour l'étranger coûtent plus de 4000 dollars et 3000 rien que pour les coûts d'expédition nationaux. Il y a des frais pour ça, forcément, mais d'autres choses arrivent en cours de route. On ne peut prévoir les coûts que quand on a complètement fini.

MD: Vous êtes le représentant de vos projets Kickstarter pour le public, mais ils sont gérés par toute l'équipe de Paperfilms. Combien de personnes avez-vous dans l'équipe ?

JP: Si par là vous voulez parler de la création du livre après qu'il ait été assemblé et envoyé à l'imprimeur, il n'y a que moi et Patrick Wedge, mon ange gardien. On s'occupe de chaque petit détail de la campagne Kickstarter jusqu'à ce que vous ayez le livre dans votre boite aux lettres. Du côté créatif, on a une solide équipe de talents et des amis qui participent à faire le livre de la meilleure façon possible. L'ensemble du groupe, à temps plein et à temps partiel, est plutôt conséquent. Le groupe principal est composé de Justin Gray, Bill Tortolini, Patrick Wedge, Amanda Conner, et John J Hill. Le reste, ce sont des amis qui croient en moi et les meilleures personnes que je connaisse et pour qui je ferais n'importe quoi.

MD: Tous vos projets ont été un véritable succès. En tant que contributeur, j'ai confiance et je suis heureux quand je lis le livre et je sais que je participerai au prochain projet malgré les frais de port. Au niveau travail, qu'est-ce que ça représente pour votre équipe et vous, qui écrivez aussi pour DC Comics ?

JP: Cela prend énormément de temps. Rassembler et rendre le tout me prend 3 semaines, pour faire un livre, en moyenne, ça prend à peu près 6 mois. Je dois travailler pour payer mes factures et faire ça sur mon temps libre, ce qui est un vrai régal.

MD: Après avoir écrit l'adaptation du premier Wool pour Jet City Comics (édité chez Amazon comics), on dirait que tout votre travail en tant que créateur est disponible sur Amazon. Est-ce que c'est une histoire de partenariat ou est-ce que vous publiez simplement pour les plateformes Kindle ? Allez-vous adapter la suite de Wool ?

JD: On n'a pas été contactés pour la suite de Wool, mais comme avec Justin on est des gros fans du travail de Hugh Howey, on le ferait sans hésiter. On espère que tout se passe bien pour que tout se réalise. Rencontrer Hugh a été un grand plaisir, c'est un très bon exemple de personnes qui suivent leurs rêves et en font une réalité. Un mec très édifiant. Tous nos livres sont disponibles sur PAPERFILMS. et sur Amazon parce qu'on veut toucher le plus de personnes possible. La bonne nouvelle, c'est que Jet City Comics ont choisi de distribuer Forager car ils ont aimé le livre Kickstarter. Donc maintenant, tout le monde peut commander le livre.

 

 

POUR LA SUITE

 

MD: Après les romans policiers, d'anticipation, sur la peste, la mythologie, le space opera, et le western, quel sera le thème du prochain kickstarter ? Est-ce qu'on a une chance d'avoir quelque chose d'aussi sympa que la bande son de Denver ?

JP: Pour le moment, je travaille avec un ami sur un jeu de plateau basé sur les personnages que l'on détient sur Paperfilms, et un autre livre, fruit de mon travail avec mon vieil ami Frank Tieri, sortira bientôt. On a adoré travailler avec Hans sur la bande son mais finalement, Hans ne s'est pas fait beaucoup d'argent, donc j'espère que l'on va bientôt arriver à trouver un moyen pour que ça lui soit plus profitable afin qu'il nous en fasse plus. Je suis un grand fan de son travail.

MD: Est-ce que tu vas reprendre ton travail sur The Deep Sea, pré-publié dans Dark Horse Presents et rassemblé en un seul chapitre ? (Il se sent si seul que je peux l'entendre pleurer dans ma bibliothèque ! S'il te plait, fais-lui un copain.) Et comment avance Captain Brooklyn ?

JP: On a eu des problèmes avec ce livre à cause de l'emploi du temps des dessinateurs, mais on espère bien finir cette histoire un jour. On a eu beaucoup de choses que l'on voulait creuser, mais au départ, ce n'était censé être qu'une histoire de 3 à 8 pages, et on l'a laissée sur un coup de suspense... ça craint. Mais on va le reprendre un de ces quatre.

MD: Tu reprends Harley avec ta version de Power Girl en juin. C'est censé être une mini-série de 6 publications, alors que Starfire est une série en cours. Quelle est la différence entre Koriand'r et les autres héroïnes pour lesquelles tu as écris jusque-là?

JP: Powergirl/Harley n'a que 6 publications de prévues, et Starfire est en cours. Chaque personnage est différent des autres sur beaucoup de niveaux, mais elles ont toutes un point commun : elles ont toutes quelque chose de mignon. Kori découvre la planète et a beaucoup d'autres choses à apprendre ; c'est ce que la série nous fait explorer. C'est moins sur les super-héros et les méchants, et plus sur le développement des personnages, ce qui est à la fois excitant et amusant.

MD: Avec les films Justice League et Suicide Squad, ainsi que Convergence, la Harley du comics va-t-elle devenir la Harley du film ? Ou est-ce que le personnage du film sera plus proche de ce que l'on voit dans les comics ?

JP: Et bien, d'après ce que l'on peut déjà constater, la Harley du film ressemble à la Harley que l'on écrit, celle qui est dans les jeux et dans Suicide Squad. Beaucoup des costumes qu'elle porte sont des trucs qu'Amanda a ajouté à sa garde-robe et on la trouve magnifique. Nous, on va rester sur notre Harley, peu importe ce que les autres médias donnent à voir, mais si vous lisez nos livres, elle a tellement de looks qu'il ne faut pas être surpris si on montre quelque chose qui ressemble à la version cinématographique. Amanda dit toujours qu'aucune femme ne porte qu'une seule tenue, donc on prend ça en compte.

 

 

MD: Des nouvelles de Captain Brooklyn ?

JP: Pas vraiment, si ce n'est que c'est Amanda qui s'en occupe et que ça avance petit à petit.

MD: Êtes-vous satisfait des deux mini-séries Painkiller Jane chez Icon ? Est-ce que vous avez d'autres projets d'écriture que des Event heroes ?

JP: J'étais content de ce qu'on avait fait, mais ça ne s'est pas vendu assez bien pour le continuer. Je dois repenser toute ma façon de vendre Jane. Son public est de dix-mille personnes et, pour que ça fonctionne, je dois vendre le personnage d'une façon plus directe... Tout est dans le travail.

MD: Paperfilms est toujours présenté comme une machine à écriture multi-plateforme. Abaddon puis Killing Time in America sont des scénarios. Quelle a été votre contribution sur les comics et les films ? Est-ce que les films de super-héros rendent l'écriture des scénarios plus facile ? Comment avance le film Painkiller Jane ?

JP: A la sortie de ces films, Hollywood s'est rendu compte qu'il y a une myriade de narrateurs visuels inexploités, et ceux-ci ont commencé à se tourner vers moi. Au fil des mois, vous allez en entendre plus sur Killing Time in America, Painkiller Jane, Randomc Acts of Violence et Monolith. Le truc, c'est que le développement d'un film est lent. On attend quotidiennement après les réalisateurs, les acteurs et les studios pour démarrer les projets, sur un contrat que j'ai mis plus d'un an à faire. Là où le travail porte ses fruits, c'est quand un producteur ou un studio nous appelle en nous demandant si on a des personnages disponibles et que je suis capable de remplir leur boite mail de livres. La préparation joue un rôle crucial.

 

 

À PROPOS DES POLÉMIQUES DANS LES COMICS

 

MD: Je sais que vous êtes pour l'égalité des sexes, que les femmes que vous écrivez sont réelles et aux forces et faiblesses similaires à celles des personnages masculins. Que pensez vous de l'incompréhension ambiante autour de Frank Cho pour ses couvertures parodiant le fait que les gens soient choqués lorsqu'une héroïne de comics n'a pas beaucoup de vêtements ?

JP: Les gens doivent grandir un peu, et porter plus d'attention à eux-même, commencer à penser à devenir de meilleures personnes pour faire de ce monde un endroit meilleur. Pointer tout le temps du doigt peut se révéler contre-productif et donner une fausse impression d'importance dans ce monde.

 

Propos recueillis en mai 2015 par Mathieu Doublet.

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